Skip to content

Makolo Digital Tele- LAVDCONGO

A Goma, accueil enthousiaste pour les militaires loyalistes


Warning: Trying to access array offset on value of type bool in /home/lavdcne1/public_html/wp-content/plugins/sitespeaker-widget/sitespeaker.php on line 13

Combien sont-ils à sauter des camions et à former un vague carré dans le camp de Katindo, à Goma ? En théorie, un bataillon – le 41e bataillon commando très précisément, une unité d’élite des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), entraînée par l’armée sud-africaine, avec un effectif d’un peu moins de 800 hommes. Ce sont les premiers éléments loyalistes qui rentrent dans Goma après le départ des rebelles du M23, deux jours plus tôt, et les soldats congolais découvrent leur nouvelle affectation avec un peu de stupeur.

Le camp Katindo, qui ne possède pas même un portail d’entrée, est un condensé de toutes les misères de l’armée en République démocratique du Congo. Il n’héberge pas que des installations militaires, un hôpital où tout manque, et une cour militaire. On y trouve aussi des nuées de femmes et d’enfants, de menus magasins et échoppes, et bien entendu des débits de boisson les plus divers.

Dans l’armée congolaise, chaque soldat se déplace en famille au gré des affectations. Et chaque camp devient une mini-cité, entre radeau de la Méduse et Cour des miracles. D’ailleurs, au moment où les soldats du 41e descendent de leurs camions et déchargent des caisses de munition, des nuées de femmes les entourent en chantant et en dansant. La joie de retrouver des militaires loyalistes n’est pas feinte : lorsque le mouvement rebelle du M23 a pris Goma, le 20 novembre, l’armée régulière avaient fui la ville en direction de Saké, puis de Minova, plus au sud, le long du lac Kivu.

Certaines familles avaient fait la route avec leurs pères, maris, amants, ces soldats en déroute. D’autres familles étaient restées à Katindo, logées dans les maisonnettes en bois qui ont poussé partout dans l’enceinte du camp, où dans les bicoques aux allures de bidonville édifiées par les plus pauvres, à commencer par les veuves de soldats qui n’ont nulle part où aller. Les hommes du M23 ont chassé toutes ces familles. Les voici de retour, accompagnant “leurs” soldats, eux aussi de retour en ville.

ACCORD DIPLOMATIQUE

Les rebelles du M23 ont opéré leur retrait de Goma samedi, à la demande des pays de la région, suite à un accord trouvé à Kampala la semaine précédente. Deux jours après ce retrait, alors qu’un gros millier de policiers ont déjà été regroupés à Goma pour éviter le vide sécuritaire, voici donc les premiers éléments FARDC qui arrivent dans la capitale régionale du Nord Kivu, province frontalière du Rwanda et de l’Ouganda.

Les deux pays sont mis en cause pour l’aide apportée, selon les Nations unies, aux rebelles depuis l’apparition de leur mouvement, en avril. Deux semaines plus tôt, la chute de Goma a déclenché un électrochoc régional, alors que l’armée congolaise lâchait prise devant les rebelles, fuyait Goma, et campait vers Minova (à 50 km de Goma) dans le plus complet dénuement, ses soldats se livrant à des pillages et à des viols. A ce moment, la ville de Bukavu semblait aussi menacée. Si les FARDC continuaient à s’effondrer, le M23 parlait de lancer une rébellion à plus grande échelle, et se sentait pousser des ailes.

Les pressions diplomatiques ont bloqué net cette avancée, qui trouvait aussi ses limites dans l’extrême étirement des forces rebelles. Les pays de la région ont donc demandé au M23 de se retirer de Goma, en échange de la garantie de l’organisation d’un dialogue avec le pouvoir congolais. Depuis leur départ à contrecœur de la ville, les rebelles ne se sont pas tous éloignés. Ou pas encore. Certaines de leurs unités, en nombre très réduit, étaient visibles lundi dans le secteur de Munigi, en face d’un camp de casques bleus sud-africains, et à sept kilomètres seulement du centre de Goma (et trois kilomètres de l’aéroport, qui devrait rouvrir jeudi).

Il pourrait ne s’agit que d’une arrière-garde destinée à prémunir le M23 d’une éventuelle attaque surprise des FARDC. Mais les troupes qui débarquent au camp Katindo, lundi, ne semblent pas pressées de se rendre sur le terrain pour en découdre. Dans un premier temps, les soldats cherchent des abris dans le camp en ruines. Tentes déchirées, mess des officiers saccagé, le camp militaire ressemble à une épave, et c’est là que les FARDC vont devoir rester cantonnés, dans un premier temps.

PREMIÈRES TROUPES À SAKÉ

A plus de vingt-cinq kilomètres de distance, dans la ville de Saké qui était aussi sous contrôle du M23, mais dont les rebelles ont décroché dès vendredi, d’autres FARDC arrivent à pied ou en camion de Minova. Ils n’ont pas la discipline du 41e bataillon, venus d’unités moins prestigieuses, mais plus nombreuses. Ils sont des centaines. Déjà, ils emplissent les rues, fument assis devant les maisons, se promènent main dans la main avec leur bonne amie. Beaucoup d’entre eux portent, comme un trophée, des lance-roquettes à la peinture écaillée, pour lesquels aucune munition supplémentaire n’est visible.

Des éléments de la police militaire, reconnaissables à leur pompon rouge sur l’épaule, sont en train de s’installer dans la localité voisine de Morambiro, au pied d’un camp de la Monusco (Mission de stabilisation des Nations unies en RDC). Tous disent ignorer leur prochaine destination. S’ils devaient arriver à Goma dans les jours suivants, cela pourrait déjà constituer un sérieux motif de friction avec le M23, puisque l’accord de Kampala, auquel les rebelles se sont pliés, prévoit qu’un seul bataillon des FARDC doit revenir dans Goma.

Des maï maï de l’APCLS du général Janvier se trouvent eux aussi dans les environs de Saké, où ils sont venus passer la matinée. La présence de ces alliés des FARDC devrait contribuer à rendre le M23 nerveux. Dix jour plus tôt, ils avaient lancé une attaque avec les loyalistes sur Saké, alors aux mains des rebelles, qui leur avait permis d’entrer dans la ville dont il n’avait été chassés qu’en fin de journée, les maï maï étant à cours de munitions.

Ces considérations n’ont pas assombri la réunion à Goma de chefs d’état-major du Rwanda, de l’Ouganda et du Congo, venus constater les progrès du retrait du M23 et de l’installation des autorités loyalistes dans la ville, où sont revenus le maire, le gouverneur et un certain nombre d’officiels. A la nuit tombée, certains habitants de Saké commençaient à s’inquiéter de la présence de tant de soldats en train de se promener partout dans la petite ville. Mais à Goma, les hommes du 41e bataillon restaient consignés dans le camp Katindo. Des responsables FARDC disent redouter que le M23 ait laissé des éléments clandestins derrière lui. Les jours prochains vont très vite permettre de savoir si cette hypothèse a la moindre solidité.

Le ministre congolais de l’intérieur, Richard Muyej Mangez, présent à Goma lundi, a estimé qu’un dialogue avec le M23 pourrait être entamé “dans les prochaines jours”, avec une délégation en voie de formation. Malgré sa confiance affichée, il a cependant noté que pour que le calme revienne il faudrait que “chaque partie respecte l’accord (…) et un des points est que les rebelles se retirent au-delà de 20 km de Goma.”

Par Jean-Philippe Rémy (Le Monde)