-Au nombre des sujets qui occupent les participants au sommet USA-Afrique qui s’est ouvert lundi 4 août 2014 à Washington, les questions politiques occupent une bonne place. Le meeting organisé hier sur la question a connu une grande affluence aussi bien des élus américains que de plusieurs acteurs politiques des pays invités.
Parmi les intervenants d’hier, Evariste Boshab, Secrétaire Général du PPRD, a planché sur le thème de « la problématique de la stabilité constitutionnelle en République démocratique du Congo ».
Après avoir fait un rappel des révisions constitutionnelles intervenues depuis l’époque coloniale jusqu’à ce jour en insistant sur les motivations de ces révisions, le professeur Boshab, auteur d’un ouvrage sur la révision constitutionnelle, a commencé par dissiper les malentendus autour des révisions constitutionnelles que d’aucuns croient être des germes d’instabilité des pays concernés. Il a noté que la Constitution congolaise portait déjà les germes de la nécessité de son réaménagement, déjà par le fait que les « constituants » de l’époque n »étaient pas des élus du peuple, mais des représentants de leurs formations politiques respectives. Déjà en son temps, après le référendum constitutionnel, la Conférence Episcopale Nationale du Congo avait, dans une déclaration, appelé à des aménagements, en ces termes : « parmi les tâches premières à accomplir dès le début de la première législature de la troisième République, les suivantes sont prioritaires, celle de procéder, au niveau du Parlement National, à l’examen de propositions d’amendements ou de compléments jugés très importants, et même vitaux, pour garantir le bon avenir du pays, sur le plan politique et économique. »
Abordant la question de la fréquence et des moments de la révision de la constitution, le SG du PPRD a noté que la constitution congolaise prévoit clairement les contextes où ne peut intervenir aucune constitution. Celle-ci peut, indique Boshab qui cite Charles Debbasch et Jean-Marie Pontier, peut intervenir à tout moment, sauf dans le cas de la République Démocratique du Congo, dans les 5 hypothèses prévues à l’article 219 de la Constitution : « Aucune révision ne peut intervenir pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim à la présidence de la République ni lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat se trouvent empêchés de se réunir librement ».
Il est donc absurde de parler de révisions répétitives d’une constitution parce que, selon Evariste Boshab, « Parler des révisions répétitives de manière abstraite, semble abusif. En effet, faudra-t-il établir un séquencement qui indique la durée à partir de laquelle une révision peut être opérée, alors que le constituant n’a rien prévu de pareil ? Si tant est que toute révision de la Constitution est une réponse à une question non résolue, oubliée ou nouvelle, comment peut-on à l’avance deviner que pareille préoccupation n’apparaitrait qu’après tant d’années ? Pareil calcul ne serait qu’illusoire. »
Quant aux dispositions dites intangibles de la constitution qui font débat aujourd’hui en Afrique, l’orateur, qui les considère comme « des normes supra-constitutionnelles », estime que ce serait une reconnaissance de « la possibilité de limiter le pouvoir souverain et, par conséquent, de supprimer la souveraineté du peuple exerçant la compétence constituante », la doctrine majoritaire pense que « il ne peut pas y avoir d’autolimitation du pouvoir constituant, en imposant par exemple le respect de tel ou tel principe, ou encore le maintien de telle ou telle autre forme de Gouvernement, car jamais une volonté n’est éternellement limitée par le seul effet des obligations qu’elle donne. Il est toujours possible que le souverain revienne sur les règles qu’il avait définies et qu’il en adopte de nouvelles ».
Et qu’en est-il du sort et du rôle du peuple, souverain primaire, dans tout cela ? Sur cette question, Evariste Boshab considère qu’en l’absence de statistiques sur une éventuelle consultation du peuple dans ce débat, il est difficile d’évaluer le dé de sa consultation. « Pour l’instant, ce sont les officines politiques qui distillent ce qu’elles veulent bien dire, sans devoir étaler toutes les possibilités afin que le peuple fasse un choix utile. Il revient aux partis politiques et aux pouvoirs publics de ramener ce débat au niveau de la population, source de tout pouvoir, afin que celle-ci s’en approprie et tranche ».
Enfin, abordant la problématique de l’alternance politique en 2016, le SG du PPRD a été on ne peut plus clair : « A la veille de chaque élection démocratique, l’alternance est toujours à l’ordre du jour. Il semble cependant important d’opérer une distinction entre le désir des hommes politiques et la sanction politique qui est de la compétence exclusive du peuple souverain. C’est au peuple seul qu’il appartient de sanctionner soit négativement en éconduisant la Majorité en place, soit positivement en la reconduisant.
Dans le cas d’espèce, le juge de l’urgence, c’est le peuple souverain. Que l’on attende donc 2016 pour lui donner l’occasion de se prononcer librement, au lieu d’occulter par une campagne précoce, le fait que le mandat confié en 2011 à la Majorité actuelle est encore en cours, et que les règles et pratiques démocratiques exigent que le mandat soit consommé jusqu’à la nouvelle élection. Ne pas faire droit à cette exigence serait écourter, en fait, la durée du mandat. Or, le constitutionnalisme postule également que l’on ne puisse pas perturber, par des manœuvres politiciennes, l’exercice d’un mandat, régulièrement acquis du peuple.
Quel entendement assigne-t-on à l’alternance démocratique ? Certes, changer de majorité est considéré, par moments, comme un indice de vitalité démocratique. Mais, si le peuple souverain reconduit la même majorité pendant un temps relativement long, va-t-on l’obliger à se dédire ? On ne peut pas demander à la Majorité en place de se saborder pour qu’il y ait alternance, mais plutôt, à ceux dont l’ambition est de remplacer la Majorité en place de mieux affiner leur projet de société pour gagner la préférence du peuple. »
Ci-dessous l’intégralité de l’exposé d’Evariste Boshab à Washington.
Yvon Ramazani
Envoyé spécial BSC à Washington
LA PROBLEMATIQUE DE LA STABILITE CONSTITUTIONNELLE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
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Par le professeur Evariste BOSHAB,
Secrétaire Général du PPRD
Washington DC, août 2014
Parler de la stabilité constitutionnelle suppose s’intéresser à la manière dont la Constitution a été élaborée et aux mécanismes mis en place pour sa modification éventuelle. C’est en appréciation de ces mécanismes que l’on estime qu’une Constitution est soit rigide soit souple.
En tout état de cause, une Constitution stable ne signifie pas une Constitution immuable, mais plutôt, celle qui enregistre les aménagements et réaménagements ultérieurs, en conformité avec les mécanismes prescrits à cet effet.
Dans le cas de la République Démocratique du Congo, un bref rappel historique s’impose.
A. La loi sur le Gouvernement du Congo-belge du 18 octobre 1908
Accordant une personnalité juridique, au Congo, distincte de celle de la métropole, loi discriminatoire en ce qu’elle distingue les belges, les immatriculés et les indigènes, élaborée par le Parlement belge, cette loi ne peut pas être considérée comme une véritable Constitution quand bien même une bonne partie est consacrée à l’exercice du pouvoir. Il s’agit d’un pouvoir répressif auquel les Congolais ne participent pas. Ils le subissent. C’est la loi du plus fort.
B. La loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo
Constitution octroyée par le Parlement belge afin d’éviter un vide le jour de la proclamation de l’indépendance ; elle met en place les institutions tellement complexes et compliquées qu’en contact avec la réalité et surtout en raison de l’inexistence d’une culture démocratique, il va y avoir explosion et implosion à la suite de la manipulation extérieure, de sorte que la Constitution va s’avérer incapable de réguler pacifiquement les conflits internes.
Tant et si bien que le vocable « congolisation » signifiant la Cour du roi Petaud, verra le jour. Le Congo va devoir s’enliser dans une profonde crise institutionnelle dont les séquelles se font encore sentir.
C. La Constitution du 01 août 1964
Alors que ce sont les chambres élues qui devraient faire cesser les provisoires en proposant à la nation une Constitution définitive, le Président Kasavubu crée[1]<!–[endif]–> une commission constitutionnelle qui se réunit à Luluabourg du 10 janvier au 11 avril 1964, pour produire un projet à soumettre au référendum. Les tergiversations du Président Kasavubu à désigner comme Premier Ministre le chef du Parti majoritaire à l’Assemblée Nationale, vont justifier, le 24 novembre 1965, l’intervention du Haut Commandement de l’Armée, dirigé par le Lieutenant-colonel Joseph-Désiré Mobutu, paralysant ainsi l’élan démocratique.
D. La Constitution du 24 juin 1967
Mettant en place un régime présidentiel qui, très vite, tournera au présidentialisme, cette Constitution avait été élaborée par un groupe restreint avant d’être soumise au référendum. Elle connaitra tellement des modifications que la révision du 15 août 1974 est considérée comme une nouvelle Constitution, tant elle est en rupture profonde avec le texte de base de 1967. Elle installera la dictature jusqu’à ce que la voix de sans voix triomphe pour la tenue d’une conférence nationale souveraine. Il va s’en suivre une transition transitionnaire qui sera balayée par les forces de l’AFDL.
E. Les périodes de transition
Du 25 novembre 1990 au 04 avril 2003, se succéderont plusieurs Constitutions et lois constitutionnelles élaborées par les protagonistes pour essayer, en vain, de mettre fin à la crise institutionnelle. La longue période de dictature a créé un pli mental tel que se référer au peuple de qui procède tout pouvoir devient une véritable gageure.
F. La Constitution du 18 février 2006
La transition débutant le 04 avril 2003 avec un Président de la République, 4 Vice-présidents et un Gouvernement atypique dont les membres sont désignés par leurs composantes et entités, ayant permis tant soit peu une certaine stabilité, l’erreur congénitale de confier la rédaction de la Constitution aux personnalités n’ayant reçu aucun mandat du souverain primaire se perpétue : l’avant-projet et le projet de Constitution seront rédigés par le Sénat et l’Assemblée Nationale dont les membres n’ont pas été élus, mais plutôt, désignés discrétionnairement par les anciens belligérants.
Ceci pousse la Conférence épiscopale nationale du Congo, dans sa déclaration du 04 mars 2006, à dire : « parmi les tâches premières à accomplir dès le début de la première législature de la troisième République, les suivantes sont prioritaires, celle de procéder, au niveau du Parlement National, à l’examen de propositions d’amendements ou de compléments jugés très importants, et même vitaux, pour garantir le bon avenir du pays, sur le plan politique et économique. »
Alors que la Constitution du 18 février 2006 n’avait même pas totalisé un mois, les pères de l’église ont estimé qu’il y avait tellement des mal façons qu’un toilettage intégral devrait être décrété et exécuté par les personnes dûment mandatées par le peuple, c’est-à-dire les élus.
C’est donc, cette logique qui doit pouvoir nous guider pour répondre aux interrogations qui nous préoccupent en ayant présent à l’esprit que depuis l’indépendance de la République Démocratique du Congo jusqu’à ce jour, le mode d’élaboration de différentes Constitutions, péchant contre l’exigence de confier cette tâche aux personnes mandatées à cet effet par le peuple, constitue l’une des grandes faiblesses sinon l’une des causes majeures du tango constitutionnel qui ne permet pas au pays d’émerger, en s’assumant par les options qui sécurisent le présent, tout en balisant le chemin de l’avenir.
C’est en tenant compte de cet impératif majeur qu’il va falloir rencontrer brièvement les 5 interrogations soumises à notre réflexion.
1. L’importance du respect de la Constitution dans le renforcement des institutions démocratiques
Il est indéniable qu’entendue comme Loi suprême, la Constitution est entourée d’une protection spéciale en ce que son respect contribue à l’équilibre des pouvoirs. Ceci signifie que des mécanismes particuliers doivent être prévus pour sa révision. Mais, si le constituant lui-même n’a rien prévu de pareil, la Constitution peut être modifiée comme toute autre loi. Ceci pour simplement dire que c’est le constituant qui doit prévoir une protection plus accrue de la Constitution pour garantir, par ricochet, les droits et libertés des citoyens. Il ne saurait donc, y avoir respect de la Constitution tant que le constituant ne l’a pas, par les mécanismes spécifiques, placée au-dessus d’autres lois.
La tendance aujourd’hui, avec le triomphe du constitutionnalisme et la mise en place des Cours constitutionnelles, est d’accorder une place de choix à la Constitution, dans la hiérarchie des normes, pour mieux protéger les citoyens. C’est en combinant le contrôle de la constitutionnalité des lois et les mécanismes spéciaux de la révision que la protection de la Constitution se trouve mieux assurée.[2] La République Démocratique du Congo s’est inscrite dans cette logique par la mise en place de sa Cour constitutionnelle.
S’agissant des dispositions dites intangibles qui font débat aujourd’hui en Afrique, et donc, des normes supra-constitutionnelles, ce serait une reconnaissance de « la possibilité de limiter le pouvoir souverain et, par conséquent, de supprimer la souveraineté du peuple exerçant la compétence constituante[3] », la doctrine majoritaire pense que « il ne peut pas y avoir d’autolimitation du pouvoir constituant, en imposant par exemple le respect de tel ou tel principe, ou encore le maintien de telle ou telle autre forme de Gouvernement, car jamais une volonté n’est éternellement limitée par le seul effet des obligations qu’elle donne. Il est toujours possible que le souverain revienne sur les règles qu’il avait définies et qu’il en adopte de nouvelles[4] ».
Dans le cas de la France, la thèse de la non-existence des normes supra-constitutionnelles a été confirmée par une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel.
2. Dans quelles circonstances les révisions constitutionnelles sont-elles justifiées ?
Il serait hasardeux d’énumérer les circonstances dans lesquelles on peut estimer une révision constitutionnelle justifiée ; car en réalité, qu’il s’agisse de l’opportunité, des omissions ou des problèmes nouveaux qui surgissent (l’environnement), chaque cas spécifique est un, sinon unique ; car en cette matière, la similarité ne joue point. Il s’agit d’apprécier au cas par cas, en tenant compte du parcours historique de chaque Etat.
Cependant, une réponse laconique consiste à dire qu’une révision est justifiée dès lors qu’elle rencontre les aspirations du peuple. Celui-ci n’est pas une bulle difforme ni informe. Il doit être consulté par des mécanismes démocratiques mis en place afin de tenir compte de ses avis.
3. Quelle est l’attitude des citoyens par rapport au débat sur le changement de la Constitution ? Sont-ils suffisamment consultés sur ce sujet ?
Faute de statistiques contradictoires, il parait hasardeux de prêter aux citoyens la parole qui n’est pas la leur. Toutefois, en matière de gestion de l’opinion publique, s’agissant du débat sur la révision constitutionnelle en République Démocratique du Congo, pour l’instant, ce sont les officines politiques qui distillent ce qu’elles veulent bien dire, sans devoir étaler toutes les possibilités afin que le peuple fasse un choix utile. Il revient aux partis politiques et aux pouvoirs publics de ramener ce débat au niveau de la population, source de tout pouvoir, afin que celle-ci s’en approprie et tranche.
Plusieurs canaux, outre les partis politiques, dont notamment, les églises et les ONG s’investissent dans ce domaine d’éducation civique et politique. C’est une chance pour permettre à la population d’opérer des choix éclairés.
Dans le cas de la République Démocratique du Congo, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) détient également, dans ses prérogatives, la mission de sensibilisation de la population avant tout scrutin. Ce qui permet de dire qu’avant de se prononcer, les citoyens auront été suffisamment consultés. Il importe de dire également que lorsque le peuple confie, à l’issue d’une élection démocratique, un mandat à une Majorité, celle-ci a le devoir d’impulser toutes les réformes nécessaires pour créer le bonheur collectif.
Et donc, lorsqu’on dit laconiquement « Gouverner c’est Prévoir », c’est affirmer par-là que les promesses électorales doivent se traduire sous forme des réformes pour éviter la distance entre ce qui est dit et ce qui est fait. Les réformes, dès lors qu’elles ont pour objet de réaliser les promesses électorales, elles bénéficient de la même légitimité que l’onction populaire qui couvre les dirigeants élus.
4. Les conséquences des révisions constitutionnelles répétitives pour les générations futures
Parler des révisions répétitives de manière abstraite, semble abusif. En effet, faudra-t-il établir un séquencement qui indique la durée à partir de laquelle une révision peut être opérée, alors que le constituant n’a rien prévu de pareil ? Si tant est que toute révision de la Constitution est une réponse à une question non résolue, oubliée ou nouvelle, comment peut-on à l’avance deviner que pareille préoccupation n’apparaitrait qu’après tant d’années ? Pareil calcul ne serait qu’illusoire.
La question peut être reformulée autrement. S’agit-il du moment où la révision peut intervenir ?
Celle-ci peut, selon Charles Debbasch et Jean-Marie Pontier intervenir à tout moment[5]<!–[endif]–>, sauf dans le cas de la République Démocratique du Congo, dans les 5 hypothèses prévues à l’article 219 de la Constitution : « Aucune révision ne peut intervenir pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim à la présidence de la République ni lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat se trouvent empêchés de se réunir librement[6]<!–[endif]–> ».
La révision de 1962 qui a permis à la France d’inscrire dans la Constitution de 1958, l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, était justifiée par la recherche d’un antidote à l’instabilité gouvernementale et au rôle particulier à assigner au Chef de l’Etat dans le contexte particulier de la nouvelle Europe. Toute généralisation parait abusive, il faut donc, spécifier chaque cas.
La critique majeure faite à l’Afrique est que les Constitutions africaines subissent souvent des retouches. La réponse parait simple. Ces retouches régulières sont une réponse à l’inadaptation des textes qui, fort souvent, pour le besoin de la cause, juxtaposent plusieurs logiques au lieu d’une véritable alliance. Conséquence, cet attelage brinquebalant ne peut pas aller plus loin. Plus qu’un simple mimétisme, il faut déplorer l’éclectisme constitutionnel qui trouve le terrain fertile en Afrique.
Le constitutionnalisme auquel aspire l’Afrique postule le respect de la Constitution et non l’immobilisme. On peut donc dire qu’une certaine sacralité entourant la Constitution contribue au respect de celle-ci et moule les générations futures dans cette forme de religiosité. Mais comme il est certain que les problèmes d’aujourd’hui ne seront pas identiques à ceux qui se poseront demain, aucune génération ne peut avoir la prétention de lier l’autre.
Ce qui signifie qu’en procédant à l’adaptation du temps et des circonstances, les générations futures s’attèleront à résoudre les problèmes spécifiques de leurs temps, sans omettre un regard critique ou admiratif sur la manière dont les générations précédentes ont procédé pour concilier temps et circonstances.
5. Pourquoi une alternance démocratique en 2016 est si urgente ?
A la veille de chaque élection démocratique, l’alternance est toujours à l’ordre du jour. Il semble cependant important d’opérer une distinction entre le désir des hommes politiques et la sanction politique qui est de la compétence exclusive du peuple souverain. C’est au peuple seul qu’il appartient de sanctionner soit négativement en éconduisant la Majorité en place, soit positivement en la reconduisant.
Dans le cas d’espèce, le juge de l’urgence, c’est le peuple souverain. Que l’on attende donc 2016 pour lui donner l’occasion de se prononcer librement, au lieu d’occulter par une campagne précoce, le fait que le mandat confié en 2011 à la Majorité actuelle est encore en cours, et que les règles et pratiques démocratiques exigent que le mandat soit consommé jusqu’à la nouvelle élection. Ne pas faire droit à cette exigence serait écourté, en fait, la durée du mandat. Or, le constitutionnalisme postule également que l’on ne puisse pas perturber, par des manœuvres politiciennes, l’exercice d’un mandat, régulièrement acquis du peuple.
Quel entendement assigne-t-on à l’alternance démocratique ? Certes, changer de majorité est considéré, par moments, comme un indice de vitalité démocratique. Mais, si le peuple souverain reconduit la même majorité pendant un temps relativement long, va-t-on l’obliger à se dédire ? On ne peut pas demander à la Majorité en place de se saborder pour qu’il y ait alternance, mais plutôt, à ceux dont l’ambition est de remplacer la Majorité en place de mieux affiner leur projet de société pour gagner la préférence du peuple.
Bref, s’il faut répondre à toutes les questions qui ont été soumises à notre réflexion sur le plan purement théorique, alors que toute Constitution suppose son insertion dans un espace spatio-temporel, nous n’aurons pas fait œuvre utile, encore moins, inventer la spécificité constitutionnelle dont l’Afrique a tant besoin pour réaliser le rêve de pères de l’indépendance.
Evariste BOSHAB
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[1]<!–[endif]–> A la décharge du Président Kasavubu, il importe de relever qu’il avait sommé, sans succès, l’Assemblée nationale à s’acquitter de sa charge en élaborant une Constitution définitive. C’est la raison pour laquelle, face à la carence constatée, il créa la Commission constitutionnelle.
[2]<!–[endif]–> J. GICQUEL, J-E. GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, 24ème éd., Paris, Montchrestien, 2010, p.259
[3]<!–[endif]–> D. G. LAVROFF, le Droit Constitutionnel de la Vè République, 3ème éd., Paris, Dalloz, 1999, p.129
[4]<!–[endif]–> Ibidem
[5]<!–[endif]–> C. DEBBASCH, J-M. PONTIER, J. BOURDON, J-C. RICCI, Droit constitutionnel et institutions politiques, 4ème éd., Paris, économica, 2001, p. 616
[6]<!–[endif]–> Constitution de la RDC, JORDC, 5 février 2011, numéro spécial, p.73