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-A 76 ans, l’ex-femme de Nelson Mandela pourrait faire l’objet de nouvelles poursuites judiciaires dans une affaire de meurtre qui remonte à 1988. Dans cette affaire examinée par la Commission vérité et réconciliation, Winnie Madikizela-Mandela avait été reconnue responsable de violations des droits de l’homme. Mais son éventuel procès n’a jamais eu lieu en raison du statu quo politique.
Winnie s’est dite « surprise et choquée », ce 16 mars, à l’annonce officielle par un procureur sud-africain de l’éventuelle ouverture d’un nouveau procès contre elle pour la disparition de deux hommes aux mains de la milice qu’elle avait formée à Soweto dans les années 1980. Les corps présumés de Lolo Sono et Siboniso Tshabalala ont en effet été exhumés le 12 mars dernier dans le cimetière d’Avalon, dans le township noir de Soweto à Johannesburg. Et les analyses ADN, exécutées par la justice, pourraient mener à la réouverture d’un procès. Portés disparus en 1988 aux âges respectifs de 21 et 19 ans, les deux hommes ont été vus pour la dernière fois vivants au domicile de Winnie Madikizela-Mandela.
Ces jeunes étaient soupçonnés d’être des espions à la solde du régime de l’apartheid par le Mandela United Football Club (MUFC), une milice que Mama Wethu, la mère de la nation, avait formée en 1986 à Soweto – sous couvert d’activités sportives.
« Les choses s’étaient horriblement mal passées »
« A sa connaissance, ce sont des affaires qui ont déjà été largement traitées pendant les audiences publiques de la TRC (Truth and Reconciliation Commission, en français Commission vérité et réconciliation, CVR) », a fait savoir Mops Mageza, l’avocat de Winnie. L’ex-femme de Nelson Mandela, dont le grand homme a divorcé en 1996, avait été convoquée en 1997 par la CVR et sommée de s’expliquer sur plus de 12 affaires de meurtres. Pressée par Desmond Tutu de demander pardon – ce qu’elle n’avait pas fait – elle avait admis du bout des lèvres que « les choses s’étaient horriblement mal passées ». Elle a toujours démenti avoir été impliquée dans la disparition de Lolo Sono et Siboniso Tshabalala.
Un ancien proche de Winnie, Jerry Richardson, chef du MUFC, avait affirmé devant la CVR avoir commis ces meurtres sur « commande » de son ex-patronne. La CVR, cependant, n’avait pu trouver aucune preuve de cet ordre. Jerry Richardson, condamné à perpétuité, est mort en 2009 en prison et ne pourra plus apporter de nouveaux témoignages.
Le rapport final de la CVR a néanmoins reconnu Winnie Madikizela-Mandela responsable de violations des droits de l’homme. En principe, puisqu’elle n’a pas demandé l’amnistie ni demandé pardon devant la CVR, elle est exposée à un procès. Tout comme Mangosuthu Buthelezi, le chef de l’Inkhata Freedom Party (IFP), nationaliste zoulou aujourd’hui âgé de 84 ans, impliqué dans des massacres à grande échelle dans les dernières années de l’apartheid. Là encore, pour préserver le fragile équilibre politique de l’Afrique du Sud post-apartheid, aucun procès n’a été ouvert contre cet homme. Son parti est devenu marginal, mais il reste une voix influente de l’opposition au Congrès national africain (ANC).
Selon l’hebdomadaire sud-africain The Sunday Times, rien n’est clair sur les suites judiciaires qui pourraient être données aux crimes commis sous l’apartheid. Le parquet a indiqué que la CVR lui avait soumis 350 dossiers avant qu’elle ne soit dissoute fin 1998. Une seule procédure a été menée à bien, celle de l’ancien ministre de la « Loi et de l’ordre » sous l’apartheid, Adrian Vlok, condamné avec sursis en 2007, en même temps que quatre officiers de police, pour tentative de meurtre à l’encontre de Frank Chikane, un responsable de l’ANC.
« Personne n’est tenu de rendre des comptes »
Alors que Desmond Tutu, l’ex-président de la CVR, garde le silence sur ces dossiers, Yasmin Sooka, une ancienne responsable de la Commission, estime que c’est une « insulte choquante pour notre démocratie et l’Etat de droit en Afrique du Sud » que les enquêtes confiées par la CVR à la justice n’aient pas débouché sur plus de procès. « Nous pouvons voir les effets de cette impunité sur la brutalité policière qui continue, parce que personne n’est tenu de rendre des comptes », a-t-elle déclaré le 17 mars au Sunday Times.
Winnie, elle, estime avoir largement payé pour le passé. Elle a été poursuivie en justice en 1991 pour l’enlèvement et la disparition, en 1989, de Stompie Seipei, un autre jeune de 14 ans soupçonné par sa milice d’être un informateur. Nelson Mandela, alors en pleines négociations autour d’une difficile transition démocratique, l’avait publiquement soutenue. Elle avait écopé en 1991 d’une peine de six ans de prison ferme, transformée en amende – pour des considérations politiques – par une cour d’appel.
Une « faiseuse de rois »
Des années plus tard, en avril 2003, Winnie Madikizela-Mandela a été poursuivie et condamnée à quelques mois de prison avec sursis pour fraude – des prêts octroyés à des employés fictifs de la Ligue des femmes de l’ANC qu’elle présidait. Elle a dû démissionner de toutes ses fonctions politiques, ce qui ne l’a pas empêchée en 2009, sous la présidence de Jacob Zuma, d’être élue de nouveau députée et membre des instances exécutives de l’ANC.
Aujourd’hui, Winnie Madikizela-Mandela ne peut plus compter sur la protection de Nelson Mandela, trop faible pour intervenir en sa faveur. Mais cette femme indépendante n’en reste pas moins une « faiseuse de rois » au sein de l’ANC. Elle est courtisée par tous les poids lourds du parti en raison de son énorme popularité, restée intacte malgré ses démêlés avec la justice. Aux yeux de ses compatriotes noirs, elle incarne en effet les très longues années de souffrances endurées sous l’apartheid.
Par le biais de son avocat, elle a adressé un message à l’équipe dirigeante de l’ANC, ce 16 mars : « Madame Mandela est en paix, ayant la certitude que la présente administration du président Zuma […] est la plus politiquement juste et responsable qu’elle ait jamais eu le privilège de vivre dans son pays natal ».
Forte tête et rompue au jeu politique, cette figure controversée a fait l’objet de nombreuses biographies et d’un film « non autorisé », Winnie, du Sud-Africain Darrell Roodt (sorti en 2011 au Canada). Elle sait qu’elle reste l’une des pièces de l’équilibre politique de la « nouvelle » Afrique du Sud. Winnie n’a pas fini d’user de son pouvoir.
Par RFI