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Au Congo après le Cinquantenaire:Les lampions sont éteints, place aux élections


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Par Colette Braeckman

Depuis le 30 juin, les Kinois s’approprient leur ville transformée : des familles endimanchées se rendent sur l’ancienne place de la gare et se font photographier devant les jets d’eau, d’autres vont écouter de la musique sur le vaste boulevard tracé devant l’Assemblée nationale. La classe politique et la société civile n’ont pas tardé à réagir face aux mesures d’allègement de la dette : les fonctionnaires publics, en grève depuis plusieurs semaines, exigent que la « dette sociale », c’est à dire les arriérés de salaires, s’élevant quelquefois à des impayés de plusieurs mois, soient réglés au plus tôt et que les traitements soient enfin réajustés. Quant aux ONG, plusieurs d’entre elles, dont Global Witness, dénoncent les contrats opaques passés dans le secteur minier au Katanga (où une société inconnue jusqu’à présent, Metalkot, a remplacé la canadienne First Quantum) et dans le secteur du pétrole. Quant à la classe politique, elle se situe résolument dans une perspective électorale : le président, dans son discours du 30 juin, ayant promis que les législatives et les présidentielles auraient lieu en 2011, cette échéance détermine désormais tous les positionnements.
A première vue, Joseph Kabila, le chef de l’Etat sortant devrait tirer profit des grands travaux qui se matérialisent enfin, et même à Kinshasa sa cote de popularité a sensiblement monté. Cependant, deux questions taraudent déjà l’opinion : le calendrier sera-t-il respecté, et qui osera affronter le président sortant ? En dépit du fait que la société belge Zetes vient de se voir accorder un autre contrat et a déjà commencé à fournir les nouveaux kits électoraux, de nombreux membres de l’opposition croient encore que le majorité actuelle pourrait modifier la Constitution afin d’allonger le mandat présidentiel, initialement prévu pour cinq ans, voire permettre un troisième mandat.
Quant au challenger du président Kabila, les deux grandes formations d’opposition sont fortement handicapées par l’absence de leur leader : le MLC (Mouvement congolais pour la libération) demeure fidèle à Jean-Pierre Bemba, toujours détenu à La Haye par la Cour pénale internationale tandis qu’Etienne Tshisekedi, le président de l’UDPS, demeure l’objet de soins médicaux.
La prochaine campagne pourrait cependant prendre un relief imprévu si Vital Kamerhe se décide à franchir le pas. Malgré de longs séjours au Canada, où il a multiplié les conférences et obtenu un diplôme universitaire, la popularité de l’ancien président de l’Assemblée nationale est demeurée intacte : notre entretien, à tout moment, est interrompu par des salutations, des séances de photo, des apartés. Visiblement, nul n’a oublié que Kamerhe, associé au pouvoir sous Kabila père, où il était chargé des relations avec les Nations Unies, fut aussi le très efficace directeur de campagne de Joseph Kabila et l’artisan du PPRD, (parti populaire pour la reconstruction et le développement) le parti présidentiel. Lorsqu’il dirigeait l’Assemblée nationale, Kamerhe, qui disposait de «fonds spéciaux » importants, tenait en mains ses députés mais il autorisait aussi des débats passionnés «j’étais d’avis que l’opposition devait s’exprimer dans l’enceinte du Parlement plutôt que dans la rue », des joutes retransmises en direct par la télévision nationale.
C’est début 2009 que la rupture entre le chef de l’Etat et Kamerhe fut consommée, lorsque le président de l’Assemblée originaire du sud Kivu, exigea d’être mis au courant de tous les détails des opérations militaires menées conjointement avec l’armée rwandaise pour déloger les rebelles hutus de l’Est du pays, opérations qui allaient déboucher sur la neutralisation du chef tutsi Laurent Nkunda et la réconciliation vec Kigali. Si Kamerhe ménage toujours Joseph Kabila, en revanche il accable l’entourage katangais, l’accusant d’isoler le président, de monopoliser l’accès aux secteurs juteux de l’économie, de vouloir, par le passage en force, modifier la Constitution.
Se targuant de sa connaissance des quatre langues nationales, de sa longue expérience politique, de ses capacités managériales, dont il a donné la preuve lors de la dernière campagne présidentielle et au cours de la conférence de Goma, Vital Kamerhe n’attendra vraisemblablement pas l’expiration du deuxième terme présidentiel en 2016, pour se lancer dans la bataille électorale. Aujourd’hui déjà, il assure avoir noué des contacts avec les partis d’opposition, avec la société civile, très hostile depuis l’affaire Chebeya, et surtout avec la «communauté internationale» c’est à dire les Occidentaux, dont il attend des financements peut-être, une sécurisation physique certainement.
Le Kivutien se pose déjà en adversaire déclaré du « lobby katangais » mais les observateurs relèvent que, malgré son crédit et sa notoriété, Kamerhe, à ce stade, aura fort à faire pour rivaliser avec un Kabila qui peut présenter de vrais succès et surtout compter sur un budget considérable pour soutenir dans tout le pays les frais de la campagne électorale.