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Butembo : Le Discours de Joseph Kabila laisse perplexes les Nande

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Source: Beni Lobero Online

Plusieurs séquences du discours de Joseph Kabila en réponse aux doléances formulées par la FEC/Butembo et les Associations des Femmes dans la Salle SIPA de Butembo devant une poignée des participants sélectionnés par la Mairie de Butembo, continuent de passer à toutes les radios émettant dans la ville de Butembo. La majorité des bubolais qui n’étaient pas dans la salle SIPA lors de l’entrevue n’en revient pas. Si ses paroles avaient été rapportées par la presse écrite, les incrédules n’y auraient pas cru. Le fait que les paroles du raïs soient rapportées par la radio et la télévision locales coupe court à toute incrédulité. Plusieurs bubolais ne reconnaissent pas l’homme qu’ils avaient élu massivement en 2006 parce qu’il avait promu la sécurité, la fin de la guerre, l’amélioration des conditions de vie, l’éclairage, l’asphaltage des routes, etc. Quatre ans après, le même homme revient non pour s’excuser du retard dans la sécurisation de la région mais pour incriminer ses électeurs d’être coupables de leurs propres malheurs ! Et pourtant l’insécurité qu’il voulait combattre en 2006 n’a pas changée de visage et d’acteurs ? Le discours du Président Joseph Kabila transforme ainsi les victimes en bourreaux ! 

La plus grande déception des habitants de Butembo et du Territoire de Lubero dans l’ensemble découle de l’impassibilité et du mutisme du Président de la République devant la souffrance qu’ils endurent en payant l’irresponsabilité des accords secrets conclus entre Kinshasa et le CNDP. Même un petit mot mensonger de « pole » (condoléances) n’est pas sorti de la bouche d’un Président de la République dans une ville et un territoire où il y a en moyenne deux à trois assassinats par jour commis par des militaires. L’adage que le mouton fait parler le berger ne s’est pas matérialisé dans le cas du berger de la République Démocratique du Congo ! 

Pendant que certains admirateurs du raïs s’époumonaient à interpréter son silence du lundi 13 septembre au Rond Point VGH comme un signe d’une grande émotion d’un papa vue l’ampleur et la complexité des crimes commis à Butembo et dans le territoire de Lubero, le raïs lui-même les a contredits le lendemain mardi 14 septembre lors de sa première prise de parole en public. Répondant aux doléances contenues dans le memo de la FEC/Butembo et celui de l’Association des Femmes, le Président de la République a attribué l’insécurité aux victimes elles-mêmes, aux commerçants, aux Mai-Mai, aux ADF-NALU. D’après Joseph Kabila ces deux groupes armés sont composés en majorité des Nande… En d’autres termes, les Nande n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes car ils sont les artisans de leur propre malheur ! 

Joseph Kabila n’a pas voulu  mentionner non plus les FDLR, le CNDP, le Rwanda, etc. comme faisant partie prenante de l’insécurité en territoire de Lubero depuis qu’il a pris le pouvoir. Il a tarabiscoté une interprétation inédite et sans aucune preuve de l’insécurité qui sévit au Nord-Kivu. Il n’a pas évoqué non plus la question du retour des refugiés congolais du Rwanda qui actuellement fait couler beaucoup d’encre et de salive au Nord-Kivu. 

Cette attitude négationniste de l’insécurité dévastatrice du Territoire de Lubero est lourde de signification, surtout quand elle vient d’un Président de la République. Non seulement elle révèle la difficulté qu’a le Président à dévoiler le secret de polichinelle de ses accords avec le CNDP mais aussi la tentative de trouver un bouc émissaire pour que ce que plusieurs analystes qualifient déjà de génocide en cours au Nord-Kivu, une province actuellement contrôlée militairement, administrativement, et économiquement par le CNDP.  Cette interprétation de l’insécurité au Nord-Kivu developpée par le Président Joseph Kabila est contredite par tous les rapports détaillés des crimes commis dans cette région et établis par des experts des ONG nationales et internationales, des Associations de la Société Civile, des organismes de l’ONU, des chercheurs indépendants, etc. et qui attribuent tous une grande responsabilité aux militaires issus du CNDP qui bien qu’ils soient officiellement brassés avec les Fardc refusent de quitter le Kivu et la Province Orientale.

On peut ainsi supposer que le Président Joseph Kabila avait la difficulté de pointer du doigt le CNDP ou le Rwanda dans une zone sous contrôle du CNDP et au moment où le CNDP le presse de satisfaire à une promesse que les fins limiers croient être celle du transfert au Nord-Kivu des centaines des milliers des rwandais sous couverts “réfugiés congolais revenant du Rwanda” et cela avant l’enrôlement pour les élections de 2011. Selon plusieurs observateurs, toutes les manœuvres actuelles de commissions de ceci ou de cela, y compris la visite actuelle de Joseph Kabila au Nord-Kivu, visent le projet de transfert des rwandais du Rwanda vers le Nord-Kivu, un projet se heurterait à la résistance populaire congolaise. Le CNDP et Kigali voudraient une solution militaire de grande envergure pour faire sauter le dernier verrou de cette résistance congolaise. Pendant qu’ils préparaient cette opération militaire sous couvert un nettoyage des territoires de Walikale et de Beni de rebelles étrangers FDLR, Mai-Mai Cheka Cheka et ADF-NALU, une fuite du pré-rapport onusien accusant Paul Kagame de génocide au Congo entre 1993 et 2003 a fait le tour du monde. Une heureuse fuite pour le Nord-Kivu dont l’assaut final est mis en sursis mais pour combien de temps ! La publication de ce pré-rapport onusien prévue pour le 1er octobre 2010 s’est ainsi invitée dans la saga congolaise. Le maintien dans le rapport final du terme “génocide” pour qualifier les crimes de Paul Kagame sur les Hutu et les Congolais en R.D.Congo entre 1993 et 2003,  signerait le début de la fin du soutien aveugle de l’occident aux aventures de Kigali en R.D.Congo. Mais vus gros les intérêts occidentaux que représente Paul Kagame dans l’Est de la R.D.Congo, les congolais ne doivent ni se leurrer ni dormir sur leurs lauriers. La lutte pour la survie de la R.D.C comme pays un et indivisible sera longue et laborieuse. La ligne de front peut-être aujourd’hui à Beni-Lubero et à Walikale, mais le combat concerne toute la République Démocratique du Congo qui n’a jamais été en dagner comme aujourd’hui. Aucune province n’est épargnée.  

Pour certains observateurs, en adoptant le silence vis-à-vis des artisans avérés de l’insécurité au Nord-Kivu, le Président Joseph Kabila, peut avoir fait de la bonne politique politicienne pour une consommation rwandaise, le temps de terminer en beauté sa visite au Nord-Kivu sans irriter le CNDP, et surtout Kigali. 

D’ailleurs pendant que Joseph Kabila visitait la ville de Butembo, un jeune commerçant de l’avenue Walikale, Commune Kimemi, en ville de Butembo, a été pillé de tous ses biens au petit matin du Lundi 13 Septembre 2010 par des militaires. Autrement dit, les militaires de la garde présidentielle éparpillés dans tous les coins et recoins de la ville de Butembo n’avaient pas empêchés aux Fardc issus du CNDP de s’adonner à leur besogne nocturne habituelle dans ce coin du pays. 

Arrivé à Butembo la veille de l’enterrement du grand chef coutumier Kighombwe (96 ans) de Misebere, Joseph Kabila n’a jamais non plus adressé en public un seul message des condoléances aux habitants de la ville en deuil. La messe d’enterrement a eu lieu à la Cathédrale de Butembo le dimanche 12 septembre, pendant que Joseph Kabila recevait ses collaborateurs dans sa résidence située sur la route de Musienene. Les bubolais s’attendaient à une participation du Chef de l’Etat à cet enterrement pour honorer la mémoire d’un grand chef coutumier comme Kighombwe, mais hélas. Il n’y a eu ni participation ni message de condoléances ! 

L’autre grande déception est venue de la première apparition du Président Joseph Kabila en public le lundi 13 septembre 2010, lors du lancement des travaux d’asphaltage de la rue principale de Butembo. Les bubolais qui attendaient le raïs depuis samedi, espéraient de lui un message de condoléances pour tous les morts de la ville, surtout les victimes des assassinats ! Mais hélas! Le Président Joseph Kabila est arrivé vers 11h00 au rond point VGH où une foule immense l’attendait depuis 7h00 du matin. Il était accompagné du Gouverneur de Province Julien Paluku Kahongya dans sa Jeep de marque RANGE ROVER toute neuve, habillé en tenue relaxe de Jeans complet et ketch blancs. Au lieu d’une parole prononcée de vive-voix, le Président a tout simplement salué la foule qui l’attendait depuis le matin par un simple geste de la main. 

Le modérateur a passé la parole au Gouverneur qui à son tour, selon ses dires, devait passer la parole au raïs lui-même, grand initiateur du chantier route. Curieux, le raïs n’avait pas pris le micro après le Gouverneur. On a vu le micro passé à l’Ingénieur de la société chinoise SYNO- HYDRO, et ensuite au Ministre des Infrastructures. Et puis c’était tout. Le raïs s’est levé pour monter dans le camion des chinois d’où il avait déversé quelques kilos de goudron sur la place VGH. Après, sans dire un mot, il est parti. Du public les bubolais ont réclamé en vain un discours, une parole d’au revoir, etc. Grande déception ! Après coup, les bubolais avaient constaté qu’au cours de cette première apparition publique du Président de la République, il n’y avait pas eu non plus d’honneurs militaires ni d’hymne national chanté comme d’accoutumée en R.D.Congo. 

Après le départ du raïs muet, plusieurs participants au lancement de l’asphaltage s’étaient précipités vers Mgr SIKULI, évêque de Butembo-Beni, qui était venu rehausser de sa présence cette cérémonie qui se voulait historique par sa nature. Avec son sourire ecclésiastique, Mgr Sikuli saluait les gens en leur serrant la main et en disant : Jambo ! Mungu anawapenda, Mungu atawachunga ! (Salut ! Dieu vous aime ! Dieu vous gardera !) La grogne du silence de Joseph Kabila se faisait entendre déjà de la foule immense qui s’attroupait progressivement autour de Mgr Sikuli comme pour attendre sa réaction. De la foula on attendait des paroles hostiles à Joseph Kabila : « Eh baba Mungu, baba samehe Kabila, kwani hajui kile anachotenda, aheee, kiwelewele, ahee, kiwelewele….. Raisi wetu ni MELEKISEDEK, yeye ana semaka na batu, anatupenda ; anatupatiaka pole wakati wa insécurité,…. Kabila wetu ni Monseigneur… » Puis c’était un embouteillage autour de Mgr SIKULI avec une surchauffe qui montait de la foule déçue par Joseph Kabila. Evitant que la situation ne dégénère, les policiers ont sauvé Mgr SIKULI de la foule pour le conduire à son véhicule ! En effet, la foule qui venait de faire de Mgr SIKULI son Président de la République pour la circonstance, devenait imprévisible. Il suffisait d’une parole de Mgr SIKULI pour qu’elle entreprenne une action de colère. Mais Mgr SIKULI dans sa sagesse a continué de dire « Mungu atawachunga » (Dieu vous gardera). Dans la tradition Nande qui est une tradition orale, le chef doit parler en toute circonstance, et sa parole même balbutiante est prise au sérieux !  

Après son discours incendiaire du lendemain mardi 14 septembre, les bubolais choqués le lundi 13 septembre par son silence ont commencé à comprendre pourquoi il était silencieux au rond point VGH. En effet, selon plusieurs observateurs, si le même discours incendiaire était prononcé au rond point VGH, la situation pouvait dégénérer en jet des pierres ou intifada. 

Les Nande peuvent être déçus et choqués par ce franc-parler du Président Joseph Kabila mais à notre avis, ils devraient se réjouir car désormais ils sont mis devant leur destin après avoir trop longtemps attendu de se prendre en charge. Le salut de la R.D.Congo ne viendra pas de l’extérieur comme l’avait souvent répété le héros national Mzee LDK. Les congolais se sauveront eux-mêmes ! Ils sont eux-mêmes les sauveurs et les messies qu’ils attendent depuis longtemps! La securité des Nande viendra d’eux-mêmes, de leur capacité organisationnelle, de la mise en commun des moyens pour assurer leur securité, de la mise hors d’état de nuire de tous les collabos de l’ennemi en mettant en pratique de valeurs culturelles de solidarité, d’unité, de travail, de courage, de sacrifice pour le bien commun, etc. Dans ce sens, on peut dire que le franc-parler provocateur de Joseph Kabila est une libération du peuple Nande trahi dans ses attentes mais qui possède tous les atouts pour se sécuriser et pour se développer. 

Aux Nande qui découvrent à leurs dépens qu’ils n’ont d’autres libérateurs qu’eux-mêmes, nous dédions cette sagesse de Dona Beatrice, un personnage de Bernard D. Dadié[1], qui dans sa lutte contre l’occupation militaire portugaise de son royaume, s’insurgeait contre les hommes, corrompus par les honneurs et dont le courage avait été tué par l’amour de l’argent : «  je veux que chacun s’assume, que chacun sache quelle merveille de création il est, quelle somme de rêves prodigieux il porte en lui. Je refuse qu’on fasse de nous des bêtes étiquettes pour abattoir céleste. Je dis à mes frères et sœurs du Zaïre de renverser les structures imposées devenues corsets d’airain sur lesquels veillent des spécialistes attentifs. (…) Que ma terre cesse d’être appendice, mine, caverne, réservoir, carrière, grenier pour les autres et enfer pour nous ».