SOURCE: Le Potentiel, samedi 17 juin 2010
En attendant les scrutins de 2011, le processus y conduisant est remis à plat. Ainsi, toutes les cartes d’électeur sont-elles tombées caduques, selon le ministre de l’Intérieur. Mais, au regard du laborieux, lourd et fastidieux travail de révision du fichier électoral sur l’ensemble du pays, l’opinion, dubitative, se réserve de croire que les élections générales prévues auront bel et bien lieu dans le délai.
Les anciennes cartes d’électeurs sont tombées caduques, a déclaré le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et Sécurité à plusieurs chefs des partis politiques, il y a 48 heures. Conséquence : tous les citoyens sont donc appelés à acquérir une nouvelle carte par le biais de l’opération dite de révision du fichier électoral (qui a démarré sans vraiment quitter le port).
Cette opération, on le sait, a commencé à Kinshasa l’année dernière pour, ensuite, se poursuivre cahin-caha dans la province voisine du Bas-Congo. Des problèmes d’ordre technique, financier et organisationnel avaient alors surgi, hypothéquant la suite. Bref, la CEI donne l’impression de travailler par à-coups. Elle ne semble motivée, par moments, que pour justifier les subventions hors budget national qui tombent dans son escarcelle. De manière irrégulière, avouons-le.
A l’époque, on s’en souvient, la révision du fichier électoral visait alors quatre catégories de citoyens : les jeunes ayant atteint leur majorité civile, les détenteurs qui avaient perdu l’ancienne carte, ceux qui avaient changé d’adresse domiciliaire ou regagné la mère-patrie après des années d’errance à l’extérieur.
DES SIGNAUX CONTRADICTOIRES
Il y a deux jours, le ministre de l’Intérieur a été on ne peut plus clair : « Tous les citoyens sont appelés à acquérir une nouvelle carte d’électeur, les premières étant tombées caduques ». En s’adressant aux chefs des partis politiques invités, Adophe Lumanu Mulenda a dit : « le grand travail que vous avez à faire, c’est d’amener tous vos militants à se faire enrôler dans le cadre de la révision du fichier électoral ».
La presse affichait, hier, que « le chef de l’administration du territoire congolais a invité les chefs des partis à ne pas se fier aux rumeurs selon lesquelles les élections générales de 2011 seraient postposées. Au contraire, il les a rassurés de la ferme volonté du chef de l’’Etat de voir ces élections se dérouler dans le délai constitutionnel et dans un climat apaisé ». Pour nombre d’analystes, l’adresse ministérielle manque de concision. Le gouvernement semble émettre des signaux contradictoires. D’un côté, la Commission électorale indépendante appelle au renouvellement du fichier électoral. De l’autre, le ministre de l’Intérieur décrète « caduque » l’actuelle carte d’électeur.
Quand on sait combien de temps avait pris le fichage et l’enregistrement informatique des quelque 28 millions de votants en 2005 et 2006, on a peur que la phase 2 d’un processus visant davantage de citoyens ne traîne en longueur. Combien de mois seront nécessaires pour délivrer à tous les Congolais majeurs (anciens et nouveaux) leur nouvelle carte d’électeur dans la perspective des échéances électorales 2011 ? Ni la Commission électorale indépendante, – en attendant que la CENI prenne le relais – ni le gouvernement n’ont des projections à cet effet. Et ce, d’autant moins que les financements du prochain processus ne sont acquis d’avance.
DES ARGUMENTS POUR CROIRE
Un mot sur ce chapitre. Le budget national 2010 n’y avait pas pensé. Les partenaires de la RDC ont leurs priorités. L’Union européenne avait déjà prévenu qu’elle ne rééditerait plus l’opération « 500 millions d’euros », comme en 2006. Kinshasa devra alors se faire violence pour financer ses élections. L’effacement, le 1er juillet, de son énorme stock de dette publique pourrait, à cet effet, devenir un levier.
Dans les analyses, il ne faut pas faire l’impasse sur cette donnée. Car, qu’on le dise ou non, le goulot d’étranglement est là. C’est à cause de cet obstacle que le doute plane quant à la promesse d’organiser les élections générales de 2011 dans le délai constitutionnel.
A moins d’un miracle
Oui, le gouvernement a invalidé les cartes d’électeurs actuelles. Il n’a regardé ni à la dépense ni au gaspillage. Qu’importe ! C’est l’Union européenne qui s’était investie hier pour procurer aux Congolais une « carte d’électeur » faisant à la fois office de « carte d’identité ». Maintenant que la « carte d’identité » provisoire est tombée caduque, qu’est-ce que le ministère de l’Intérieur va délivrer à la place ? Une nouvelle carte « provisoire » à double fonction : élections et identité ? Quand sera-t-elle disponible, la nouvelle carte d’électeur ? Où en est-on, par ailleurs, avec le recensement scientifique dont parlent tant le Ministère du Plan et le PNUD ? A quand la vraie « carte d’identité nationale » ?
Beaucoup de questions. Sans réponses. Beaucoup d’inquiétudes aussi. Au gouvernement et à sa Commission électorale indépendante de trouver un discours convaincant. Mais que, surtout, ils donnent aux citoyens électeurs des arguments pour croire, avec ou sans authentique carte d’identité, en la faisabilité des scrutins de 2011.