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Sorti le 28 septembre en Pologne, le film Kler (“Le Clergé”) attaque de front l’Église catholique. Appels au boycott, tentatives de censure… Rarement un film aura suscité une telle controverse dans le pays. Et enregistré autant d’entrées.
Avec plus de 4 millions d’entrées en moins d’un mois, le film Kler, du réalisateur Wojciech Smarzowski, devrait laisser une empreinte durable dans l’histoire du cinéma polonais contemporain. Après avoir battu le record du meilleur démarrage et dépassé des blockbusters internationaux comme Titanic et Avatar, il vise désormais une place dans le top 3 des productions les plus regardées dans le pays, occupé depuis trente ans par les adaptations des romans épiques de Henryk Sienkiewicz (1846-1916) dont les Polonais raffolent.
Kler, lui, n’appartient pas à ce registre. Il prend la forme d’un thriller, mais le genre n’est ici qu’un élégant étui pour une arme de choc pointée contre l’une des plus puissantes institutions de Pologne : l’Église catholique. Les trois personnages principaux du film sont des prêtres, chacun étant caractérisé par un vice particulier. Le père Lisowski est un homme ambitieux et plein de raffinement qui rêve d’une place au Vatican et semble prêt à tout pour parvenir à ses fins. À l’inverse, le père Trybus officie dans une petite paroisse de campagne, où il extorque ses ouailles au prétexte de financer un interminable chantier de rénovation. En réalité, il est alcoolique et entretient une femme qui attend un enfant de lui.
Aucune pitié pour l’Église
Enfin, il y a le père Kukula, sans doute le personnage le plus travaillé du film. Victime de pédophilie à l’époque où il était enfant de chœur, il se retrouve lui-même accusé de tels actes et devient la cible d’une chasse à l’homme menée par ses fidèles. Seul des trois curés à conserver un reste de foi jusqu’à la fin du film, il est pour cette même raison acculé à un terrible geste de désespoir. L’acteur qui l’incarne, Arkadiusz Jakubik, a d’ailleurs dédié son rôle à “un collègue, originaire de [s] a ville natale, dont la vie a été gâchée par un prêtre, il y a vingt-cinq ans”. L’enquête sur l’affaire de pédophilie et la manière dont la hiérarchie ecclésiastique l’étouffe servent de fil rouge au scénario.
Cette mise en scène des péchés d’hommes d’Église ou de la sainte institution rencontre un vif écho chez les Polonais car, plus que les qualités artistiques du film, c’est sans doute cette dénonciation qui a suscité l’extraordinaire engouement du public. Dans sa critique, le supplément “week-end” du quotidien conservateur Rzeczpospolita admet que “le péché a toujours été présent dans l’Église” et constate que de nombreux prêtres ont publiquement confirmé l’existence de cas comme ceux présentés dans le film. Toutefois, il regrette que le réalisateur ait adopté un parti pris univoque : “L’Église institutionnelle est une mafia, et le seul moyen de se purifier est de rompre avec elle.”
Le site d’information libéral catholique Wiez ajoute que “la condensation d’exemples extrêmes ne rend pas service à l’art. Il est ainsi possible de filmer des événements authentiques tout en rendant une image d’ensemble fausse.” Wojciech Smarzowski aurait employé la même méthode dans Drogówka, un film sorti en 2013 montrant des policiers corrompus, dans un style qui n’est pas sans rappeler celui de Patryk Vega, cinéaste polonais parfois qualifié de “populiste”.
Selon Rzeczpospolita, “l’intelligentsia libérale” fait d’ailleurs preuve d’incohérence en portant aux nues Smarzowski tout en rejetant Vega. Le quotidien exprime cependant une même déception à l’égard des “adversaires conservateurs de Kler”, qui ont “multiplié les appels au boycott” ou bien “exprimé leur joie devant les tentatives de censure par certaines municipalités”. Outre le fait qu’“ils participent ainsi à la campagne de promotion du film”, le journal souligne que “la guerre conduite par Kler contre l’Église est certes agressive et pleine de coups interdits, mais [qu’] elle est recevable, et [que] pour pouvoir en dire quelque chose de sensé il faut avoir vu le film, car il est difficile de nier sa dimension sociale”.
Romain Su