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Commémorer le 30 juin en RD Congo, cela peut-il faire sens ?


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Par J.-P.  Mbelu

Depuis le début de l’année 2010, une question taraude l’esprit de plusieurs compatriotes : « Faut-il commémorer les 50 ans de l’accession de notre pays à l’indépendance ? » (Cela même si, à plusieurs endroits, cette commémoration est déjà célébrée sans que nos points de vue aient été requis.) Les réponses à cette questions sont diverses et diversifiées. Avant d’en analyser quelques-unes, il nous semble bon d’indiquer qu’une certaine confusion est entretenue entre commémorer et fêter. Commémorer, selon le petit Robert, c’est rappeler par une cérémonie le souvenir de (une personne, un événement). Ce rappel peut revêtir plusieurs formes. Il peut être festif, méditatif ; il peut inciter un peut plus au recueillement qu’à la fête ; elle peut pousser à organiser des marches et d’autres manifestations bouillantes ; il peut combiner l’aspect méditatif et festif. Il peut se vivre sous forme de deuil, etc. Ce rappel peut se vivre individuellement, en famille, entre ami(e)s, en communauté, etc. Quand il s’agit de rappeler et de célébrer un événement, les lectures que ceux et celles qui l’ont vécu, ceux et celles qui s’y réfèrent ou leurs héritiers peuvent en faire peuvent être différentes. Les différentes formes de célébration sont dictées par ces différentes lectures.

Ces petites explications étant données, la question de savoir si commémorer la date du 30 juin en RD Congo et/ou par les filles et fils de notre peuple peut faire sens mérite d’être posée.

Par les temps qui courent, avec un peu plus de recul, plusieurs compatriotes sont d’avis que l’indépendance à laquelle notre pays a accédé le 30 juin 1960 n’a été que nominale. Les puissances néo-coloniales se sont arrangées pour reprendre d’une main ce qu’elles avaient accordé d’une autre. Ils situent les trois décennies de la dictature de Mobutu et  les quatorze ans de « la guerre d’agression » menée contre notre pays par Laurent-Désiré Kabila et ses soutiens extérieurs dans la parenthèse néo-coloniale ouverte après la mort de notre héros national, Patrice Emery Lumumba.

Cette lecture a sa part de vérité. Mais elle reste partielle dans la mesure où elle fait fi du fait que cette indépendance, fût-elle nominale, n’a pas été accordée de gaieté de cœur : elle a été l’aboutissement de toute un ensemble de luttes menées par les Pères de notre quête ardente et idéaliste de liberté. Les questions essentielles seraient peut-être celles de savoir ce que les héritiers immédiats et tardifs de l’aboutissement de cette lutte en 1960 en ont fait ? Avaient-ils les ressorts nécessaires pour persévérer dans cette lutte ? En avaient-ils  la maîtrise des enjeux majeurs ? Les maîtres du monde devraient-ils croiser les bras après cette première station de la lutte de nos Pères ? Comment ont-ils procédé pour prendre d’une main ce qu’ils avaient donné d’une autre, au point d’ouvrir une parenthèse que nous n’arrivons pas (encore) à fermer pour devenir les véritables acteurs de notre destinée ? Ces questions pourraient être remises à l’agenda de l’AN 1 de notre autre indépendance pour leur étude approfondie.

D’autres compatriotes estiment que  le 30 juin 2010, il est bon d’organiser un deuil pour célébrer la mort de notre rêve de liberté pendant cinq décennies et fustiger la surexploitation dont notre pays est en proie de la part des puissances impérialistes et leurs alliés. Pour ces compatriotes, nos cinquante ans d’indépendance n’ont produit qu’une misère anthropologique dont nous devrions être qu’honteux. Cette lecture nous paraît encore partielle dans la mesure où la prise de conscience dont ces compatriotes font preuve, même si elle n’est pas quantifiable, semble être un acquis positif de ces 50 ans de misère anthropologique. Pour dire les choses autrement, cette misère anthropologique n’a pas épuisé chez les «  petits restes » et les autres « minorités organisées »  de notre pays la capacité reprendre la flambeau de la lutte des Pères fondateurs de notre lutte pour la liberté et l’égalité. Elle a participé de «leur indocilité » face à la pensée monolithique des impérialistes. Elle a provoque leur « résistance ».

D’autres compatriotes encore pensent à la méditation, au recueillement revêtant un caractère plus ou moins festif pour conjurer, par la réflexion et le partage fraternel de la Parole et du repas, le temps du formatage-déformatage néo-colonial et jeter les jalons de l’AN 1 d’une autre indépendance de notre pays ; celle qui viserait le désenvoûtement des cœurs et des esprits par une thérapeutique de choc nourrie du métissage des expériences et des pratiques, d’ une approche renouvelée des enjeux spirituels, matériels et idéologiques ayant transformé « la gâchette du revolver de l’Afrique » le ventre mou de notre continent.

Il y aura sans doute plusieurs autres compatriotes qui réduiront cette commémoration de l’accession de notre pays à son indépendance ( ?) au simple moment de boire et de manger, sans plus. Des critiques acerbes peuvent être formulées à l’endroit de cette approche sans qu’elles détournent ses partisans de « leurs orgies ».

Disons que face à cette commémoration, l’une des tentations qui guettent plusieurs d’entre nous est qu’ils soient les seuls maîtres à dicter une seule et unique manière de la célébrer. Ainsi lutteraient-ils contre plusieurs lectures pouvant être faites de l’événement qu’il y a eu chez nous le 30 juin 1960. C’est comme s’il y avait dans leur approche un refus de la différence, un attachement malin à la pensée unique, au refus de la pluralité de points de vue…

A notre avis, la commémoration de la journée du 30 juin peut revêtir plusieurs formes. Elle aura du sens pour nous si, forts de la connaissance que nous aurons acquise de nos 50 ans de néo-colonialisme, nous optons fermement pour travailler davantage à notre unité dans la lutte permanente pour la liberté et l’égalité. Une lutte qui soit fondée sur la maîtrise des enjeux majeurs de notre misère anthropologique et l’acceptation du pluralisme des convictions et d’ un dialogue fécondant nos rêves pour une bonheur collectif partagé. Cette lutte menée sur plusieurs fronts devrait davantage engager nos compatriotes africains. L’AN 1 de notre véritable indépendance devrait mobiliser toutes les énergies africaines, les alliés Latino-américains et occidentaux. (Contrairement aux apparences, nous en avons encore !)

Pourquoi ? Parce que l’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette est au Congo, disait Frantz Fanon. La coalition des minorités africaines organisées qui agirait dans le sens de libérer « la gâchette » du pouvoir ensorceleur de la cupidité des néo-coloniaux et de leurs hommes et femmes liges aiderait l’Afrique-mère à avancer dans sa lutte pour la liberté et l’égalité au cœur d’ un monde formellement multipolaire. Dans cette lutte,  « les petits restes », «  les minorités organisées », et les autres ascètes du provisoire Congolais ont un devoir sacré : se rappeler et entraîner nos masses populaires à comprendre constamment qu’ils sont les héritiers de Kimpa Vita, de Kimbangu, de Kasa Vubu, de Lumumba, de Mulele, de Kataliko, de Munzihirwa, de Tshisekedi et de tous ces autres compatriotes qui ont compris que dans la vie, il y a des moments où les sacrifices  de toutes sortes doivent être consentis pour que se brisent les chaînes  et que l’humain triomphe en l’homme chez nous.