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Par JP Mbelu
Pour avoir cru en un autre avenir possible, fruit de la Conférence nationales souveraine fermée unilatéralement par le Président Mobutu en 1992, les chrétiens, les hommes et les femmes politiques zaïrois, les hommes et les femmes de bonne volonté habitant notre pays agissant en synergie ont organisé une marche pacifique le 16 février 1992. Cette marche a été réprimée dans le sang par le pouvoir de Mobutu. Il y a dix neuf ans déjà ! Quelque chose de fondamental a-t-il changé ? Il ne semble pas.
Quand le mur de Berlin tombe en 1989, une croyance se répand à travers le monde : c’est la fin de la guerre froide. Un nouveau vent semble souffler sur plusieurs pays et l’Afrique est invitée à se « démocratiser » si elle veut bénéficier de l’aide au développement. Forte de cette promesse et de sa dynamique interne, l’Afrique-mère s’engage sur la voie des conférences nationales. Dans plusieurs pays de notre continent, ces « palabres africaines » ont marqué un temps d’arrêt. Il fallait « prendre la mesure du la mesure du cataclysme africain qui dure depuis des siècles et qui se précipite. Il fait de déportations, de travaux forcés, d’exécutions, de calamités induites par l’avidité et l’irresponsabilité des hommes, de l’indignité de la dépendance, de la mendicité et de la servitude (…). Cette histoire à l’envers s’est faite au nom et avec les moyens et les instruments de la « civilisation ». En même temps, cet ouvrage n’eut pas été aussi dévastateur, aussi intégral, sans notre complicité, à chaque phase de son développement. Chaque fois, nous avons échangé nos vies contre de la pacotille ; chaque fois, nous n’avons tenu compte que des intérêts immédiats de notre groupe restreint, obnubilés, chacun, par les divinités archaïques de sa tribu. » (F. EBOUSSI BOULAGA, Les conférences nationales en Afrique noire. Une affaire à suivre, Paris, Kathala, 1993, p.25-26) Disons que ce temps d’arrêt a permis de faire mémoire de notre passé de souffrance et de misère en recourant à « la palabre » en vue de baliser un autre avenir.
Aujourd’hui, dix-neuf après, dans un pays comme le nôtre, la RD Congo , l’impression est que rien (ou presque) n’a changé. Pourquoi ? Les usagers des moyens et instruments de « la civilisation » aux dépens de nos populations n’y ont pas renoncé. La lutte éthique contre l’avidité, l’irresponsabilité, l’indignité de la dépendance, la mendicité et la servitude peine à prendre une vitesse de croisière ; avec notre complicité. La religion ayant joué un rôle de catalyseur dans la mise debout de nos populations s’est mué, dans plusieurs confessions, en « un opium du peuple ». Pasteurs et chrétiens ont prioritairement choisi « Mammon » à la place du Dieu-Amour responsabilisant l’homme en en faisant « le gardien » de son frère et de sa sœur. Les partis politiques et « les jeunes turcs » ayant contribué à vaincre la peur pour affronter la dictature ont choisi, majoritairement, la personnalisation à outrance du pouvoir et sont passés à côté de la véritable lutte pour le triomphe des idées et de l’éthique au profit des intérêts égoïstes.
La politicaillisation et l’ongéisation de ce qu’il nous restait comme société civile ont aggravé les choses au point de priver notre pays de tout point de repère.
La parenthèse (semblable à une malédiction (diakabi !)) ouverte en 1996 par « le conglomérat d’aventuriers » instrumentalisé par Kampala et Kigali au profit du réseau transnational de prédation a davantage aggravé les choses. Applaudi comme « libérateur », « ce conglomérat d’aventuriers » infiltrés par une bonne brochette de « dignitaires de la deuxième République) » a causé plus de torts à notre pays que pendant les trente deux ans de dictature mobutienne : crimes contre l’humanité, crimes de guerre et des faits pouvant s’apparenter au génocide, corruption, enrichissement rapide et illicite, bradage du patrimoine commun ont fini par réduire notre espace vital en un no man’s land. A l’Est de notre pays, la mort est devenue la compagne de nos populations…La malnutrition est devenue la chose la mieux partagée aux quatre coins de notre pays. Cela malgré les gros chiffres de croissance macroéconomique !
Comment refermer cette parenthèse (de diakabi) de l’indignité et repartir d’un pas neuf ? Comment rompre avec la culture de la mort semée par le réseau transnational (néolibéral) de prédation auquel appartient ledit « conglomérat d’aventuriers », mettre sur pied un Etat de droit digne de ce nom, souverain, respectueux de la dignité et de la liberté des filles de notre peuple ? Peut-être en réapprenant entre autres ceci: « Autonomie et liberté ne sont pas des propriétés génériques de l’espèce humaine, ce ne sont pas de définitions métaphysiques de l’être humain, selon son essence. Elles sont une conquête de l’histoire, de l’homme se faisant à travers ses œuvres, son travail. La possession de moyens économiques et d’une puissance matérielle d’un certain niveau en sont la condition autant que l’expression ou le signe. » (Ibidem, p.21)
Parmi les œuvres pouvant nous permettre de refermer la parenthèse ouverte en 1996, il faudra que nous pensions à une justice juste (et mixte) capable de demander des comptes aux escadrons de la mort dont il est question du dernier rapport (Mapping) du HCDH.
Tout ce travail exigera qu’au cœur des minorités congolaises organisées surgissent davantage des prophètes pour notre temps. Mais aussi des hommes d’actions capables d’apprendre de nos expériences du passé (de tout ce qu’il y a eu par exemple pour que le 16 février 1992 soit possible) et de l’expérience des autres. L’Afrique du Nord devient, dans une certaine mesure une référence incontournable. A travers la Tunisie et l’Egypte, elle s’est mise debout, portée par une jeunesse éduquée, formée et informée sur les véritables valeurs de la vie et faisant un usage rationnel de Nouvelles Technologies de l’Information.
A l’Est de notre pays, quelque chose d’inédit est en train de naître et nous devrions y être très attentifs. Parlements des jeunes, forces d’autodéfense, analyse sans complaisance de la complicité entre les gouvernants Congolais actuels et leurs mentors, refus de l’argent facile distribué par certains de ces gouvernants, « nuits blanches » pour veiller sur la cité, etc. sont autant de signes donnés par une jeunesse soucieuse d’un autre devenir commun et capable de sacrifices pour le rendre possible.
Du 16 janvier 1992 au 16 janvier 2011, c’est dix neuf ans déjà ! Quelque chose d’autre est en train de naître. S’il prend du temps à se manifester, cela ne pourrait pas excéder cinq ans. Souvent, à travers l’histoire, une vingtaine d’années suffit pour qu’un peuple, ses forces résistantes et ses autres minorités organisées fassent aboutir leur projet d’une autre société possible.
J.-P. Mbelu