Jeune et timide, au début des années 1960, Annette Messager entrevoyait parfois Alberto Giacometti dans un café de Montparnasse, sans oser lui parler. Désormais, ils sont intimes. Le sculpteur reçoit l’artiste dans la maison devenue l’Institut Giacometti, à Montparnasse naturellement. La rencontre est posthume et remarquablement vivante. Il est vrai que Giacometti avait un faible pour les femmes portant ce prénom : sa mère s’appelait Annetta, son épouse était Annette Arm. Il y a donc une Chambre des Annettes , où se trouve une installation à quatre mains : un petit bronze d’Alberto figurant Annette (Arm) debout et nue, privée de ses bras, idole préhistorique, est salué par un écureuil empaillé, la tête encagoulée de noir, le corps protégé par de nombreux petits sacs de tissu. Il est juché sur des coussins. Un filet noir à larges mailles drape l’ensemble. L’œuvre s’intitule La Parade de l’écureuil pour Annette , et c’est bien plus et mieux qu’un hommage.
Un hommage, ce serait simplement témoigner de l’admiration pour Giacometti, dont la place dans l’art du XXe siècle est établie depuis longtemps et qui n’a donc pas besoin d’un surcroît de révérence. Le culte dont il est l’objet, entretenu par un nombre croissant de rétrospectives et d’expositions internationales, lui fait même courir le risque d’une momification muséale définitive : un grand mort tout à fait mort. Annette (Messager) le ranime. Elle pratique avec lui une sorte de bouche-à-bouche salvateur et amoureux. Résultat : il ouvre les yeux, il se remet à bouger et à parler.
Annette (Messager) ranime Giacometti. Elle pratique avec lui une sorte de bouche-à-bouche salvateur et amoureux
La Chambre des rencontres est celle des souvenirs et des bavardages : Messager a pris dans les archives de l’institut des lettres adressées à Giacometti ou écrites de sa main, plus ou moins intimes ou anecdotiques, petits fragments de vie quotidienne ou artistique. Il déclare son amour à Annette (Arm) – « la femme la plus intelligente que j’aie jamais rencontrée à ce jour » – au dos d’une enveloppe déchirée. Il correspond avec Simone de Beauvoir, Miro, Tanguy. Il dessine dans les pages des revues d’art et des livres.