Au générique, de drôles d’actrices : Holocnemus pluchei , Psechrus jaegeri , mais aussi Agelena labyrinthica , ou encore Tegenaria domestica . Des noms de scène qui apparaissent dès le début de l’exposition de Tomas Saraceno, au Palais de Tokyo, parmi tous les collaborateurs du projet : philosophes, cosmonautes ou biologistes. Qui se cache derrière ces pseudos d’impératrices romaines ? Des araignées, fidèles assistantes de l’artiste argentin. Depuis des années, dans son atelier berlinois, il les chouchoute, les marie, les observe, dans des conditions dignes d’un muséum d’histoire naturelle.
Tomas Saraceno, artiste : « Ecouter ce qu’ont à nous dire ces animaux préhistoriques et apprendre à partager avec eux l’espace »
Résultat : il possède aujourd’hui la plus belle collection de toiles d’arachnides au monde. Locales ou exotiques, sociales ou solitaires, leurs architectures volatiles défilent sous la verrière du palais, complètement obscurcie pour l’occasion. Une plongée dans des infra-mondes, avec qui Saraceno propose de mettre le visiteur en symbiose, aiguisant son attention au vivant. « Il s’agit d’écouter ce qu’ont à nous dire ces animaux préhistoriques, parmi les plus sensibles au monde, et d’apprendre à partager avec eux l’espace, voire d’entendre ce nouvel espéranto qu’ils pourraient nous apprendre » , résume l’artiste, investi depuis toujours dans l’écologie, tendance poétique (on s’étonnera donc du partenariat avec Rolls-Royce développé pour sa carte blanche parisienne par cet ardent combattant pour une planète à zéro carbone, mais c’est peut-être une autre histoire).
Brillant dans la pénombre, des dizaines de toiles révèlent leurs méandres. En coupole, en trampoline, en géométrie lâche ou tissés serré, les pièges de soie défient le regard et l’intelligence de l’homme. Solides quand on les pense fragilissimes, vibrant tel le tympan d’une oreille, ces Sagrada Familia de fibre protéinée…