La Sagesse espiègle , d’Alexandre Jollien, Gallimard, 224 p., 18 €.
« Quand on philosophe, il faut descendre dans l’antique Chaos et se trouver bien là. » Wittgenstein l’a dit. Alexandre Jollien* le rappelle, mais il transforme la portée de cette proposition. Car la descente, pour lui, ne consiste pas à plonger sous les usages habituels des mots. Son chaos est celui des pulsions, des angoisses, de l’abandon, du mépris de soi. Et « philosopher » ne veut plus dire démontrer ou démonter des échafaudages conceptuels. C’est bien plus : s’extirper des tourments d’un corps atteint, accéder à une forme de sérénité. Bref, devenir sage.
Mais comment ? En suivant quel chemin ? Au long d’une vingtaine d’années et d’une dizaine de livres, depuis Eloge de la faiblesse (Cerf, 1999) jusqu’à Vivre sans pourquoi (Seuil/L’Iconoclaste, 2015), en passant par Le Philosophe nu (Seuil, 2010), ces questions taraudent Alexandre Jollien. Il expérimente, tâtonne, tombe et repart, mettant ses pas dans ceux de Marc Aurèle, de Spinoza, de Nietzsche, de maîtres bouddhistes. Entre autres… Sa singularité : tenter de vivre leurs enseignements, au lieu de se contenter de les lire. Les exercices spirituels, pour lui, ne sont pas un genre littéraire, mais bien un entraînement réel, physique et affectif, une endurance quotidienne. Il désire la sagesse en acte, comme guérison, comme « grande santé », comme salut. Et il ne fait pas semblant.
Ce qui explique l’attachement de multiples lecteurs. Si étranges en effet que soient ses itinéraires, ses expérimentations, parfois même ses découragements, tous sont marqués au sceau de la sincérité. Celle-ci prend dans son nouveau livre, La Sagesse espiègle, une teinte plus sombre que le titre ne le laisse supposer. Car elle n’est pas très joyeuse, cette descente dans la dépression, le désespoir, l’addiction sexuelle. Le chercheur de sagesse…