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Par J.-P. Mbelu
-Lutter contre la politique du « diviser pour régner » exige de toutes les forces du changement congolaises de se mettre ensemble. Par-delà les échéances électorales. Pour ceux et celles d’entre nous qui croient dans ces élections et plus particulièrement pour « l’opposition congolaise », réussir une union digne de ce nom devrait obéir à certains préalables. En son temps, Lumumba disait ceci : « L’expérience démontre que dans nos territoires africains, l’opposition que certains éléments créent au non de la démocratie n’est pas souvent inspirée par le souci du bien général ; la recherche de la gloriole et des intérêts personnels en est le principal, si pas l’unique mobile. »
L’engouement pour les élections probables de novembre 2011 laisse trop peu de place aux réflexions fondamentales sur notre devenir commun. Tout le monde ou presque appelle, à l’heure actuelle, à l’union de « l’opposition ». Les ténors de cet appel refusent souvent d’engager un débat de fond autour de cette question : « A quoi et/ou à qui les partis de l’opposition congolaise s’opposent-ils ? » Malgré le fait que les signes de la mise sous tutelle du Congo dit démocratique par « les Grandes puissances » par le biais de l’ONU (et de pays voisins-satellites) soient visibles, plusieurs partis de « l’opposition congolaise » jouent à la politique de l’autruche en nous faisant croire qu’ils sont en opposition contre « Joseph Kabila » et ses escadrons de la mort. Et pourtant, à partir des signes visibles de la tutelle sous laquelle croule notre pays, comprendre que « Joseph Kabila » n’est qu’une marionnette serait un témoignage de bonne foi. Cela justifierait l’union des Congolais(es), toutes tendances confondues, contre le système générant la tutelle et fabriquant des marionnettes et des élites compradores. Cette union s’inscrirait dans la droite ligne de la lutte de libération initiée par les Pères fondateurs de notre indépendance politique. Elle se ferait autour d’un même objectif majeur : le renversement du système de notre assujettissement et de notre abâtardissement, comme dirait Lumumba. La lutte contre nos divisions aurait tout son sens. « Ces divisions, sur lesquelles se sont toujours appuyées les puissances coloniales pour mieux asseoir leur domination, ont largement contribué- et elles contribuent encore- au suicide de l’Afrique. » (« Africains, levons-nous ! » Discours de Patrice Lumumba prononcé à Ibadan (Nigeria), 22 mars 1959, Paris, Les points, 2010, p.10) Et Lumumba d’ajouter : « Plus nous serons unis, mieux nous résisterons à l’oppression, à la corruption et aux manœuvres de division auxquelles se livrent les spécialistes de la politique du « diviser pour régner. » (Ibidem, p.11)
En marge de ce dénominateur commun, « l’opposition » contre « Joseph Kabila » semble être un critère très faible pour créer une union des partis dits de l’opposition. Pourquoi ? C’est une opposition à l’intérieur d’un même système. Certains « opposants » peuvent servir de pièces de rechange aux mêmes « parrains ». Cela n’avancerait pas du tout le pays.
Dans un article intitulé « Bataille annoncée entre les «Progressistes » et les « Libéraux » » du journal Le Potentiel de ce mercredi 10 août 2011, Monsa Iyaka Duku essaie de départager les partis politiques Congolais entre les Sociaux–démocrates chrétiens, les Progressistes et les Libéraux. Dans cette classification – à réexaminer de plus prêt-, certains partis politiques Congolais appelant à l’union de « l’opposition » se retrouvent dans deux camps différents : les uns « à gauche » et les autres « à droite ». Et ils veulent, à tout prix, avoir un même programme pour les élections probables de novembre 2011 ! Bon sang ! Qu’est-ce que cela signifie ? Comment un parti politique Congolais peut-il soutenir qu’il est un parti des masses populaires et s’affirmer, dans son projet de société comme un parti libéral ? Avons-nous, à travers le monde, des partis libéraux qui soient des partis des masses ? Pouvons-nous en avoir quelques exemples ? D’où sont nés ces capitalistes Congolais qui, tout à coup, voudraient nous convaincre, qu’ils ont des capitaux à investir demain, chez nous, pour promouvoir l’entreprise privée ? Au moment où le Nord capitaliste souffre de l’envahissement de ses rues par des citoyens indignés de sa complicité avec les oligarchies d’argent et que les jeunes, en Grande-Bretagne, se sentant exclus du partage du bonheur collectif cassent tout sur leur passage, les apprentis politiciens Congolais voudraient nous convaincre qu’ils vont créer des partis de droite qui seront des partis des masses ? Et qu’ils peuvent, avec « les partis de gauches », avoir un programme commun pour les élections ? Franchement, il y a là quelque chose qui ne va pas ! Copier un modèle particratique occidental obsolète et vouloir le transposer chez nous en surfant sur l’ignorance des masses est une malhonnêteté intellectuelle. Et quand, fort de cette ignorance des masses, on appelle à l’union, on prend tous les Congolais pour des imbéciles !
C’est dans ce contexte de la promotion de l’ignorance et de la manipulation médiatique que l’appel à l’union de « l’opposition » est lancé chez nous. C’est dans ce contexte de l’ignorance et de la manipulation médiatique que les pauvres d’esprits distribuent les cartes entre « les bons Congolais » (ouverts aux autres) et les mauvais (repliés sur eux-mêmes) ; sans qu’une analyse raisonnable et rationnelle des ambitions des politiciens (et autres politicailleurs) appelant à l’union soit faite. L’union, pour quoi ? Avec qui ? Et pour quoi faire ensemble ? A partir de quelle base populaire et de quels projets de société ?
Aujourd’hui, chez nous, si un quidam se lève et clame tout haut qu’il s’oppose à « Joseph Kabila », il exige, lui et les siens, qu’ils soient crus sur parole. Il suffit qu’il confectionne un discours soutenant que les cinq chantiers de « Joseph Kabila » sont de la poudre aux yeux et c’est fait, il devient opposant. Dans quel monde où est-ce que les choses se passent de cette manière ? Où les preuves d’une lutte politique se résument en un discours et en des bains de foule ?
Non. Sauver notre pays du naufrage risque de devenir un fourre-tout où les simples règles de reddition des comptes sont purement et simplement foulées au pied.
Sauver notre pays du naufrage devrait être une lutte responsabilisante. Il exigerait de ceux et celles qui l’ont géré de commencer par rendre des comptes. Si demain, la mise sur pied d’un Etat de droit exige que la reddition des comptes remonte à ceux et celles qui, après 1960, ont participé, de près ou de loin, au chaos dans lequel notre pays se retrouve, cela devra être fait. Les responsabilités historiques des uns ne doivent pas servir de subterfuge aux autres pour se dédouaner de leur participation aux crimes de guerre, aux crimes contre l’humanité et aux autres actes s’apparentant au génocide congolais.
Si demain, la mise sur pied d’un Etat de droit exigera qu’une Commission Justice, Vérité et Réconciliation permette à ces criminels de confesser leurs forfaits, de poser des actes de repentir et de participer à la Réconciliation générale entre Congolais(es) (et leurs alliés étrangers), la messe sera dite. Un autre avenir pourra s’ouvrir pour notre pays et la chasse aux sorcières sera proscrite.
A notre avis, l’union des Congolais(es) à partir de leurs partis politiques et des associations de la société civile doit, au préalable, être une question éthique ; une question de responsabilité historique et collective. Ses objectifs (et ses adversaires) doivent être préalablement définis pour éviter toute confusion. Distribuer les cartes entre les bons-ouverts—à-l’union et les mauvais-repliés-sur-eux-mêmes peut être un exercice très facile. Mais bâtir cette union à partir d’une analyse rigoureuse de notre histoire réelle et en toute honnêteté est responsabilisant. Pour nous et pour les générations futures. A ce point nommé, cet exercice doit être pris au sérieux.