-Un débat houleux s’était engagé sur la marche à suivre pour réparer la route. Incapables de s’entendre sur qui devait déposer les imposants blocs de pierre dans la boue qui paralysait la circulation depuis une semaine, les camionneurs étaient sur le point d’en venir aux mains lorsque l’un d’eux rejeta la faute sur la plus haute autorité de la République démocratique du Congo (RDC).
« La route est pourrie ! Le Congo est pourri ! Vous ne le voyez donc pas ? Si le président était là devant moi, je lui taperais dessus », a lancé l’homme avec amertume avant de retourner au bourbier pour apaiser ses collègues.
Le délabrement des infrastructures en RDC est une dure réalité, héritée de ses nombreuses guerres et d’un manque chronique d’investissements. Mais l’état de la R617, de même que les épidémies récurrentes de choléra qui frappent la province méridionale du Katanga, paraissent grotesques au vu des incroyables ressources naturelles de la région.
La province du Katanga – d’une superficie équivalente à celle de l’Espagne – détient une importante partie des réserves congolaises de cuivre, de cobalt et autres minéraux précieux. Chaque jour, ses rares routes asphaltées voient défiler quantité de camions chargés de métaux, destinés à l’exportation et au transport par bateau via Durban et d’autres ports lointains. Pourtant, sur les millions de dollars de taxes que les sociétés minières reversent aux autorités congolaises, seule une part dérisoire est investie dans le développement social et économique du Katanga, laissant des pans entiers de sa population dans la pauvreté.
400 000 personnes déplacées par la rébellion armée
Ce décalage a attisé les tensions politiques entre les dirigeants du Katanga et le gouvernement central, basé dans la lointaine Kinshasa. Il est également à l’origine d’une rébellion armée dans le centre montagneux de la province, qui a entraîné le déplacement de quelque 400 000 personnes et poussé les Nations unies à déclarer la région en état de crise humanitaire.
Ibond Rupas Anzam, le directeur d’une ONG œuvrant en faveur du développement régional en RDC, a dit que les gouvernements centraux allouaient traditionnellement peu de ressources au développement, quelle que soit la région. La corruption, les détournements de fonds et la mauvaise allocation des ressources achèvent d’atténuer l’impact de ces maigres budgets. Le 25 février, le Fonds monétaire international a exhorté le gouvernement à s’assurer que la croissance économique – dont le taux annuel est supérieur à 8 pour cent – « profite à tous », et à investir davantage dans l’éducation, la santé et les infrastructures de base.
Les autorités, tant au niveau provincial que national, ont fait preuve d’une « certaine volonté » d’améliorer les choses au Katanga, a dit M. Anzam en citant les projets routiers en cours dans les grandes villes et en périphérie de ces dernières. Les autorités provinciales affirment que certains indicateurs – notamment le taux de fréquentation scolaire – enregistrent une amélioration malgré un niveau de départ très faible
IRIN