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La RDC critiquée pour la marginalisation des artisans (INTERVIEW)


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Source: Xinhuanet

Il dit du Cameroun que c’est sa seconde patrie, avec des séjours réguliers. Monument de la sculpture en Afrique, Me Alfred Liyolo Limbe est de retour à Yaoundé à l’occasion de la deuxième édition du Salon international de l’artisanat du Cameroun (SIARC), après la première édition en 2008. Reconnu pour son franc-parler, cet artiste d’exception de 67 ans, diplômé de la prestigieuse Académie des beaux-arts de Vienne en Autriche et exposé dans le monde entier à travers ses oeuvres, a dénoncé dans un entretien exclusif à l’agence Xinhua à Yaoundé, la marginalisation des artisans de son pays, la République démocratique du Congo (RDC). “On ne reconnaît pas les gens qui cristallisent la culture de leur pays, qui la vendent à l’extérieur. Tout ce qu’on connaît chez lui, c’est le football”, déplore-t-il.

Quelles sensations éprouvez-vous pour votre nouveau séjour en terre camerounaise ?

Le Cameroun, c’est mon deuxième pays presque natal. J’aime bien ce pays et l’Afrique centrale. Nous devons nous serrer les coudes pour relancer toutes les affaires, que ce soit l’économie, l’ artisanat et les autres domaines.

Des salons comme celui du Cameroun ou encore celui du Burkina- Faso, comment peuvent-ils contribuer au développement et à la promotion de l’artisanat en Afrique ?

Vous savez, l’Afrique n’est pas pauvre de ce côté-là. On parle seulement d’elle par rapport aux matières premières, l’or, le diamant, etc. Mais souvenez-vous de l’époque de nos grands-parents, c’était d’abord la statuette. Les autres essaient de nous distraire en disant que c’est de l’art, ceci ou cela. Mais non ! L’ artisanat a contribué à nos économies, à vendre les couleurs nationales de chacun de nos Etats. Je crois que ce que le ministre (camerounais des PME, de l’Economie sociale et de l’Artisanat) essaie de faire, c’est une bonne occasion pour que chacun prenne conscience. L’artisanat occupe une place active dans l’économie de nos pays. Je peux prendre un exemple comme celui de l’Italie. Mais, c’est l’artisanat qui fait connaître ce pays-là à travers le monde. Donc, nous ici en Afrique centrale, le Cameroun, le Congo, la RDC et les autres, si on prenait une résolution de travailler ensemble, je crois que les choses vont évoluer de façon plus remarquable.

Avez-vous le sentiment qu’il y a une considération et une prise en compte du travail des artisans ?

C’est là le vrai problème, c’est là où nous devons nous battre et je suis très heureux que le ministre Serge Etoundi Ngoa prenne l’affaire très au sérieux. Il est l’un des ministres de ce secteur dans nos pays qui pousse un peu sur l’accélérateur pour que l’ artisanat occupe sa vraie place. Dans beaucoup de pays, il y a la misère, les problèmes économiques, il y a la faim. Nos dirigeants sont distraits. Lui, à mon avis et cela n’engage que moi, il a compris qu’il faut relever ce domaine.

Quelles sont les conditions pour donner à cette filière sa véritable dimension économique ?

Il faut construire des infrastructures. Il ne faut pas laisser les artisans travailler comme on le voit maintenant, chacun dans un petit atelier et avec les membres de sa famille. Non ! Par exemple ici au Cameroun, il y a beaucoup de tribus. Il faut les mettre ensemble pour protéger les produits artisanaux. Sinon, l’ étranger qui vient, surtout les Occidentaux, ils ramassent tout et partent avec, ensuite on parle de chef d’oeuvre alors que celui qui a réalisé cette oeuvre est méconnu. Dans votre pays, la République démocratique du Congo, y a-t-il un fonds de soutien ou d’autres mécanismes financiers en faveur des artisans ? Franchement, je ne suis pas contre mon pays. Je ne veux pas dire de méchancetés sur mon pays, mais il n’y a aucun de fonds de soutien, aucune organisation tangible pour protéger l’artisanat.

Un peu comme on dit communément, l’artisan se débrouille seul ?

Il y a certaines autorités qui sont, à mon avis, des gens qui ne comprennent pas la chose, qui sont en quelque sorte des analphabètes culturels et ils laissent comme ça les artisans abandonnés à eux-mêmes, il n’y a aucune protection. Je prendrais le cas d’un quartier chez nous, qu’on appelle Météo, où vous trouverez autant de menuisiers et tous ceux qui font des travaux manuels, mais ils sont à l’air libre, ils réalisent du mobilier très bien fait. Mais quand il pleut, tout est dans l’eau. On ne pense même pas à leur créer un hangar. Déjà, ça gêne. Parmi ces gens-là, il y en a qui font du bon travail. Quand vous sillonnez l’Afrique de l’Ouest, les pays comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, vous y rencontrez beaucoup d’artisans congolais. Personnellement, je ne bénéficie de rien de mon pays. Mais c’est ailleurs qu’on parle de moi. Je prends un exemple, j’ étais en Chine et j’ai réalisé une grande oeuvre de plus de 6 mètres, qui trône dans un des plus grands parcs de sculpture du monde, où le drapeau congolais est présent toute l’année. Je rentre au pays, je fais le rapport à qui de droit, même pas une petite lettre de félicitations. C’est un exemple banal, mais c’est comme ça. On ne reconnaît pas les gens qui cristallisent la culture de leur pays, qui vendent la culture de leur pays à l’extérieur. Tout ce qu’on connaît chez nous, c’est le football. Quand une équipe congolaise va jouer quelque part, on débloque tous les moyens. Tandis que les gens comme moi, quand ils participent à un grand symposium international, rares sont les fois où le gouvernement débloque des moyens pour leur venir en aide.

Quel âge avez-vous aujourd’hui et à quand remontent les débuts de votre carrière professionnelle ?

J’ai 67 ans. Ma carrière a commencé d’abord au niveau familial, parce que mon père était tailleur d’ivoire. Toute ma famille, mes aînés, mes cousins, a fait le même boulot. Puis après moi je suis allé faire mes études d’abord à Brazzaville et ensuite à l’Ecole des beaux-arts de Kinshasa. De là, comme c’était la période des indépendances, j’ai tout fait pour être boursier. Je suis allé en Autriche, c’est là que j’ai appris toutes les techniques évidemment modernes. J’étais parmi les meilleurs étudiants de ma promotion. J’ai obtenu le plus grand prix de l’Académie des beaux- arts de Vienne. En passant, c’est là où Hitler voulait faire sa carrière, puisque qu’il était peintre. Mais comme on ne l’avait pas admis, il avait quitté pour aller en Allemagne et entrer en politique. Mon professeur voulait me garder comme son assistant. Mais en 1976, j’ai eu la chance de croiser le président Mobutu en Allemagne, il était en voyage. Comme vous le savez, quand le président voyage, tous les étudiants viennent autour de lui pour présenter les problèmes. C’est là qu’il m’a découvert. Tout le monde était étudiant en médecine, ingénieur agronome, etc. Et moi le seul étudiant en art, il était tellement intéressé, il m’a dit : si vous terminez vos études, vos rentrez au pays, le pays a besoin de tout le monde. C’est ça qui m’avait encouragé, j’ai abandonné mon poste d’ assistant pour regagner le pays. J’ai été engagé comme professeur, avant de devenir plus tard directeur des études et pour terminer directeur général de l’Académie des beaux-arts. Ma fierté est que j’ai pu former beaucoup de jeunes gens, pas seulement des Congolais, mais aussi des Gabonais, des Brazzavillois, des Tchadiens, voire des Camerounais, des Israéliens, etc.

Votre spécialité, c’est la sculpture sur ivoire ?

Non, je suis un bronzier. D’ailleurs, mes ateliers s’appellent Bronze Passion. Donc, je travaille plus le bronze. Bien sûr, j’ai commencé par l’ivoire, le bois et le béton. Depuis que j’ai découvert le bronze – notre pays est aussi un grand producteur de cette matière-là – je me suis accroché.

Vous jouissez d’une notoriété internationale. Dans quels pays et musées du monde trouve-t-on vos oeuvres ?

Si je me mets à citer tous ces musées et pays, la liste sera longue. Même ici chez vous, j’ai de très très belles oeuvres au palais présidentiel. J’en en Chine, et là c’est vraiment en plein air, de très grandes oeuvres. J’en ai aussi au Vatican, au secrétariat général des Nations Unies, sans compter chez les princes et les rois, etc.

Par Raphaël