-Passées l’euphorie et toutes formes d’expression de joie de tout patriote, les congolais doivent et méritent aujourd’hui, à la suite de la victoire inespérée de leur armée sur le groupe armé dénommé M-23, de savoir ce qui s’est réellement passé pour que l’inimaginable changement de rapport de forces bascule subitement en faveur des troupes gouvernementales.
Humiliées depuis plus d’une décennie par les “mutins” du M-23, les Fardc passaient aux yeux du monde entier pour une armée d’opérettes constituée de nains, d’incapables et de pillards insusceptibles de défendre la souveraineté de la RDC et l’intégrité territoriale de ce grand et riche pays d’Afrique centrale. Dans leurs récentes déclarations, les responsables tant politiques quemilitaires de la Monusco – y compris ceux de la brigade spéciale fraîchement déployée – soutenaient qu’il n’y avait pas de solution militaire au conflit. Et ce, malgré la présence depuis une dizaine d’années de 17.000 hommes de la Monusco puis de 3000 autres de la brigade spéciale.
Pendant que s’enlisaient les pourparlers de Kampala dont la facilitation est assurée par l’Ouganda pourtant accusé – malgré les dénégations – de soutenir avec le Rwanda les forces négatives du M-23, l’affrontement armé a repris de plus bel et conduit, contre toute attente, à la victoire éclaire de l’armée régulière. Les Fradc ont subitement inscrit leurs lettres de noblesse en délogeant l’ennemi de toutes ses positions jusque-là imprenables.
Si prompt à venir à la rescousse de ses ouailles, le Rwanda s’est gardé – sur ordre direct du patron planétaire dit-on, d’appuyer ses ouailles lesquelles n’ont pu trouver meilleure issue qu’en retirant des zones occupées pour aller se réfugier en territoire ougandais et en appeler rapidement à la signature d’un accord avec le gouvernement congolais. C’est le lieu de nous demander, du côté congolais, l’opportunité d’un accord avec les troupes vaincues?
L’histoire enseigne que les troupes vaincues, signe un document de reddition dans lequel elles s’engagent à la cessation de tout acte d’hostilité envers l’autre. C’est le vainqueur qui fixe les exigences de capitulation au vaincu lequel, en dehors des droits internationalement reconnus aux prisonniers de guerre, est réduit à subir la volonté de l’autre. Quand les troupes vaincues sont écrasées ou ont fui à l’étranger, l’intérêt d’un tel document disparaît. Le gouvernement reprend naturellement le contrôle de l’ensemble de son territoire. Quitte par la suite à conclure avec le pays voisin abritant les forces vaincues les traités de paix , pour qu’il désarme les combattants réfugiés sur son sol ou qu’il procède à leur extradition.
Pour le cas sous examen, toute la direction du M-23 est intacte et se trouve hors de toute atteinte, en Ouganda, et l’essentiel de ses armes relativement préservé. Rappelons que l’Allemagne Nazie n’aurait pu relancer la deuxième guerre mondiale si son potentiel militaire avait été massivement détruit à la fin de la guerre de 1914-1918. C’est ce qui a poussé les Alliés, en 1948, à poursuivre la guerre jusqu’à l’anéantissement de l’armée allemande y compris les armes et les usines d’armement sur le sol allemand. Il sied aujourd’hui d’interroger l’histoire contemporaine sur la stratégie du FPR, l’ancêtre du M-23, pour prendre le pouvoir au Rwanda. De négociations en affrontements armés avec le pouvoir de Habyarimana, Kagamé et les siens ont fini par accéder au pouvoir. Il reste qu’en étant vaincu, le M-23 est mal fondé à se prévaloir d’une quelconque légitimité pour attraire son vainqueur aux négociations. Une armée défaite perd les droits que pouvait lui ouvrir la victoire sur l’ennemi. Elle est confinée à la passivité que lui confère son statut de perdant
Dès lors, il devient inconcevable que le gouvernement continue, comme si la situation sur le terrain n’aurait pas évolué, à négocier avec la direction du M-23; pis encore dans les conditions périmées. Il y a lieu que la partie congolaise en tant que vainqueur du conflit, sans remettre en question la facilitation, produise un autre document – le premier étant frappé de caducité du fait de la débandade des troupes ennemies – avec les exigences tenant compte de la nouvelle donne sur le terrain. Il ne sera plus question d’amnistie ou de réintégration des troupes défaites mais de l’instauration d’un tribunal devant juger les criminels de guerre et autres. Cette exigence devra figurer en bonne sur le document de capitulation.
Quoiqu’il en soit, la délégation gouvernementale à ces interminables pourparlers a pour l’instant raison de refuser la signature, à l’initiative de la facilitation ougandaise, d’un accord de paix avec le M-23 vaincu, en préférant la déclaration de paix. Cependant, plus que le contenu sémantique du document à signer, c’est sa teneur qu’il faudra analyser et surtout, la matérialisation ultérieure sur le terrain politique, à commencer par la composition du tout prochain gouvernement. Les paris sont ouverts et je préfère me tromper que d’assister à l’escroquerie de la victoire de notre armée.
Wait and see.
paul OMOKOKO