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Depuis plusieurs semaines, les attaques attribuées à Boko Haram se multiplient dans le bassin du lac Tchad, notamment dans la zone frontalière entre le Niger et le Nigeria. Une recrudescence qui s’explique par la redistribution des rôles au sein du groupe jihadiste. Décryptage.
Aucune attaque revendiquée en juin et juillet, quatre en août, quatre en septembre, six en octobre et neuf en novembre. Ces quatre derniers mois, la recrudescence des activités de Boko Haram est indéniable. Celles-ci visent en particulier des bases militaires situées dans le nord de l’État nigérian de Borno, comme à Metele le 18 novembre (42 soldats tués selon Boko Haram) et à Kangarwa, quelques jours plus tard.
De nombreux assauts ont notamment entraîné la fuite des soldats présents dans lesdites bases, permettant le pillage du matériel militaire. Si l’armée nigériane est parvenue par la suite à réoccuper ses positions, en envoyant des renforts et en utilisant sa puissance aérienne, c’est bien Boko Haram qui dicte, depuis plusieurs semaines, le rythme du conflit dans la zone frontalière entre le Niger et le Nigeria, sur les rives du lac Tchad.
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Jeudi 29 novembre, les présidents nigérien, Mahamadou Issoufou, nigérian, Muhammadu Buhari, et tchadien, Idriss Déby Itno, en ont discuté lors d’une rencontre à N’Djamena, la capitale du Tchad. Selon nos informations, le chef de l’État du Niger est en effet particulièrement agacé par les dérives de l’armée nigériane, qu’il estime en grande partie responsable du renforcement de Boko Haram ces derniers mois.
Rivalités internes
Mais que se cache-t-il derrière cette recrudescence soudaine des attaques ? Certes, la proximité de la présidentielle nigériane, qui doit se tenir en février 2019, pousse les jihadistes à affirmer leur présence, tandis que Buhari est gêné aux entournures par sa promesse, non tenue, d’en finir avec le mouvement terroriste. Toutefois, ce sont surtout des rivalités internes qui expliqueraient la radicalisation de Boko Haram.
Les jihadistes avaient auparavant tendance à négocier la libération des otages contre rançon
Depuis septembre, les jihadistes se sont notamment remis à exécuter certains de leurs otages, notamment un travailleur humanitaire mi-septembre, puis un autre mi-octobre. Ils avaient auparavant tendance, sous la direction du Camerounais Mamman Nur, bras droit d’Abou Moussab al-Barnawi, gouverneur de l’État islamique en Afrique de l’ouest (branche de Boko Haram), à négocier leur libération contre rançon durant les mois précédents.
L’exécution de Nur, un tournant
La mort de Mamman Nur, natif de Maroua tué en août par ses propres troupes, a-t-elle enclenché une radicalisation du mouvement ? Nur – considéré comme l’organisateur de l’attentat suicide qui a tué 21 personnes au siège des Nations unies à Abuja en août 2011 – était en tous cas considéré comme le véritable cerveau de la faction d’al-Barnawi, qui s’oppose à celle conduite par Abubakar Shekau autour de la forêt de Sambissa.
Mais ses troupes se seraient retournées contre lui. L’accusant de s’être enrichi en négociant avec le gouvernement nigérian des libérations d’otages, notamment des écolières de Dapchi, ses subordonnés l’avaient arrêté en avril, jugé pour trahison puis maintenu en résidence surveillée. Ils l’ont finalement exécuté en août, sur ordre de l’État islamique, selon un document sonore diffusé en haoussa.
La disparition de Nur pourrait avoir relancé la surenchère meurtrière entre l’aile Shekau à Sambissa et l’aile Barnawi dans le bassin du lac Tchad
« Nur a été perçu comme trop modéré et trop impliqué avec le gouvernement. Il est fort possible qu’un groupe de militants plus radicaux ait décidé de l’écarter et de prendre le contrôle de la faction d’al Barnawi », explique un spécialiste de Boko Haram, qui ajoute : « La disparition de Nur pourrait avoir relancé la surenchère meurtrière entre l’aile Shekau à Sambissa et l’aile Barnawi, pilotée par l’État islamique, dans le bassin du lac Tchad ».
Si Abou Moussab al-Barnawi reste le leader désigné de l’État islamique en Afrique de l’Ouest, c’est désormais autour d’un certain Aboubacar Menok que se tournent les regards des services de sécurité de la région. Ce dernier, jusqu’ici chef militaire de la faction al-Barnawi et réputé plus radical, devrait profiter de la disparition de Nur pour prendre du galon.