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Par The Root
-En 1936, un postier et militant de Harlem, Victor H. Green, décida de s’atteler à la rédaction d’un guide qui devait aider les Afro-Américains à voyager dans leur pays de façon sûre et confortable. Son Negro Motorist Green Book (guide Green des automobilistes noirs), parfois appelé le Negro Travelers’ Green Book (guide Green des voyageurs noirs), ou tout simplement le Green Book, listait des endroits où les gens de couleur étaient la bienvenue, à une époque où les lois ségrégationnistes de Jim Crow, et les risques de violences racistes compliquaient leurs pérégrinations nationales.
Le Green Book répertoriaient les commerces et autres points d’intérêts —boîtes de nuits, instituts de beauté, barbiers, garages, stations-service, etc.— afin de satisfaire aux moindres besoins des touristes noirs.
Pendant quasiment trois décennies, les voyageurs pouvaient le commander auprès de Green (en s’acquittant simplement de 10 cents pour les frais d’envoi) et le recevoir chez eux.
Dans ses dernières éditions, le guide contenait aussi des informations sur le Canada et le Mexique.
A l’origine, une action militante des postiers noirs
A l’instar des utilisateurs de sites d’avis touristiques actuels, comme TripAdvisor, les voyageurs collectaient des informations durant leur trajet et les communiquaient ensuite à Green et son équipe de rédacteurs pour qu’ils les intègrent dans les éditions ultérieures.
«Historiquement, le Green Book concorde avec l’action militante sous-estimée des postiers noirs et une sensibilisation accrue aux problèmes que représentait la conduite des noirs dans certaines régions du pays», explique Robert Smith, maître de conférences en histoire afro-américaine et spécialiste des droits civiques à l’université du Wisconsin, à Milwaukee.
Si beaucoup voient ce livre comme un objet historique, les difficultés que devaient affronter les voyageurs noirs de l’époque renvoient à celles qu’ils doivent affronter aujourd’hui, en particulier avec le profilage racial et les contrôles au faciès.
Le Green Book a récemment été remis au goût du jour dans la culture populaire. Le dramaturge natif d’Atlanta, Calvin Alexander Ramsey, vient d’écrire une pièce intitulée The Green Book, dans laquelle un officier noir de l’armée américaine et sa femme séjournent dans une “maison pour touristes” (des habitations privées considérées comme des lieux d’étape sûrs) en compagnie d’un survivant de l’Holocauste, le tout à la veille d’un discours prononcé par W.E.B. Du Bois à Jefferson City, dans le Missouri.
Ramsey est aussi l’auteur d’un livre pour enfants, Ruth and the Green Book, illustré par le légendaire Floyd Cooper, qui narre le périple d’une petite fille et de sa famille traversant les Etats-Unis, de Chicago à l’Alabama, à bord d’une voiture de luxe.
Dans un article publié par le New York Times, Ramsey se souvient que, lorsqu’il voyageait avec sa famille de Baltimore à Roxboro, en Caroline du Nord, ils devaient emporter suffisamment de nourriture pour ne pas avoir à s’arrêter en cours de route.
L’historienne des aliments Jessica Harris est récemment apparue dans le documentaire de Byron Hurt, Soul Food Junkies (accros à la cuisine traditionnelle), pour parler du Green Book.
Pour Harris, non seulement le guide cataloguait les endroits les plus sûrs où passer la nuit, mais aussi ceux où l’on pouvait acheter et manger de la bonne nourriture traditionnelle.
Dans une exposition itinérante, The Dresser Trunk Project (le projet de la malle de voyage), la sécurité, le réconfort et l’intimité qui peuplaient les pages de ce guide sont aussi mis à l’honneur.
Certains sites historiques, étaient, à l’époque, ouvert aux noirs
Certains endroits mentionnés dans les différentes éditions du guide existent toujours, mais, sans grande surprise, la majorité des commerces que nous avons tenté de contacter ou de localiser à Washington ou à Baltimore ont depuis fermé leurs portes.
On retrouve cependant certains des noms cités dans le guide, à l’instar du restaurant La Casbah, signalé à Washington dans l’édition 1956 du Green Book.
Mais il s’agit désormais du Casbah Café, situé à une autre adresse et ouvert depuis seulement huit ans —ce n’est donc pas le même établissement.
Nous avons tout de même eu le plaisir de retrouver le Republic Gardens, listé comme boîte de nuit dans l’édition 1956, sachant que la plupart des étudiants noirs qui sont un jour passés par Washington —au moins durant ces 25 dernières années— ont fréquenté ce lieu incontournable.
L’établissement avait ouvert ses portes en 1920, sur la fameuse avenue U Street. Nous avons par contre été surpris de constater l’absence de l’Excelsior Club —le plus vieux cabaret fondé par des noirs dans le sud-est des Etats-Unis, situé à Charlotte, en Caroline du Nord— dans l’édition de 1949, comme dans celle de 1956.
En fouillant dans le Green Book, nous avons aussi trouvé que de nombreux lieux historiques —à l’instar du Navy Pier, de la Water Tower et du Merchandise Mart de Chicago— étaient ouverts aux noirs.
De même, à 17 km de là, dans l’Illinois, la ville de Robbins était considérée dans l’édition de 1949 comme «détenue et gérée par les nègres» et représentait un endroit «vierge de tout préjugé ou restriction».
Robbins avait plus de soixante commerces, deux médecins et autres boîtes de nuit qui n’avaient «rien à envier aux meilleurs établissements de Chicago et de New York».
Aujourd’hui le Green Book sert de jeu de pistes
Dans la région de New York, soit les cinq quartiers de la ville et le New Jersey, on trouve des pages et des pages de commerces sûrs.
A Buffalo, les enseignes de confiance sont aussi nombreuses, tandis qu’à Lackawanna, on n’en compte que deux. L’un de ces deux établissements, la Little Harlem Tavern, fut démolie en 1999.
Comme on pouvait le prévoir, de nombreuses YWCA (auberges de jeunesse pour femmes) et YMCA (auberges de jeunesse pour hommes) accueillaient les noirs pendant leurs études, vacances et autres voyages d’affaires, mais le plus surprenant reste la chute du nombre de commerces identifiés comme sûrs dans certaines villes, entre 1949 et 1956.
Par exemple, à Columbia, en Caroline du Sud, on en comptait 35 dans l’édition de 1949, contre seulement 12 dans celle de 1956.
Dans son édition de 1956, Green et son comité éditorial se sont, peut-être, montrés plus scrupuleux dans leur sélection, en particulier sur la qualité des prestations d’un hébergement.
D’autres facteurs peuvent aussi expliquer cette baisse: l’industrialisation qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, l’augmentation des coûts liés à l’influence grandissante des syndicats de commerçants, la Grande migration ou encore certaines conséquences négatives de la poursuite de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis.
Dans le Green Book, la plupart des photos de commerces ne sont pas légendées ce qui fait, qu’en 2012, le guide pose davantage de questions qu’ils n’apporte de réponses —et cela vaut donc la peine de partir à la recherche des lieux cités, en particulier le long des routes les plus célèbres des Etats-Unis (la Route 66, la Pacific Coast Highway et la Blue Ridge Parkway), mais aussi des moins connues (telle la Lincoln Highway ou la Blue and Gray Trail).
Si des touristes et des mordus d’histoire sont prêts à recréer la Guerre de Sécession ou à retracer la Piste des Larmes, pourquoi ne pas pendre le temps de feuilleter le Green Book pour voir quels établissements sont toujours là et quels autres les ont remplacés?
Avec beaucoup de passion, une grande curiosité pour l’histoire africaine-américaine et avec l’aide d’applications de réalité augmentée ou des futures lunettes Google, partir sur la trace du Green Book pendant vos vacances d’été est désormais bien plus facile que tout ce que Victor Green avait pu imaginer.
Dr. Nsenga K. Burton (The Root)
Traduit par Peggy Sastre
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