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Le prix d’une paix sans justice : le Congo risque de s’enfoncer dans la somalisation

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Par J.-P. Mbelu

Le court-termisme dans lequel s’enferment les gouvernants Congolais depuis les guerres de l’AFDL, du RCD et du CNDP risque d’avoir des conséquences graves dans un avenir assez proche. Notre pays risque de s’enfoncer dans une somalisation qui ne dit pas son nom.

Du côté des analystes et journalistes politiques, il arrive que nous soyons trop vite contents quand, sans une étude approfondie des stratégies  auxquelles recourent « les cosmocrates » et leurs supplétifs-bandits de grand chemin, nous croyons trop rapidement à leur rhétorique. Après qu’ils nous aient fait croire que la paix à l’Est de notre pays pouvait se passer de la justice, tous ces bandits ont été déversés dans les institutions du pays et dans l’armée. Aujourd’hui, nous sommes étonnés que Global Witness témoigne que le CNDP, l’un des bras armé du Rwanda, contrôle les sites des matières premières stratégiques de notre pays. Dans l’entretemps, aucune action (en justice ou parlementaire) n’est engagée contre les gouvernants ayant troqué nos matières premières et la vie de nos masses populaires contre une paix de cimetière !

Dieu merci ! A l’extérieur du Congo, des voix ne cessent de s’élever pour décrier la marche lente mais sûre de notre pays et de la région des Grands Lacs vers leur somalisation. Tel est le cas (le plus récent) de la sénatrice Belge Els Schelfhout. Après qu’elle ait remarqué, lors de son voyage à l’Est de notre pays, que « tout le monde aime le Congo mais pas les Congolais », elle vient  de mettre le doigt sur un  secret de polichinelle.

Le 04  mars 2010, Els Schelfhout a interpellé le Ministre Vanackere (au Parlement) sur le contenu de son entretien avec le président rwandais Paul Kagame en janvier 2010.  « Selon Schelfhout cette situation est injuste, vue l’influence significative du Rwanda sur la situation dans la Région des Grands Lacs en général et à l’Est du Congo en particulier. » Pour elle, « le régime rwandais est souvent estimé pour son développement économique. La grande inégalité dans ce développement montre qu’il n’est que la façade d’un régime dictatorial empêchant une culture démocratique, caractérisée par des élections libres et transparentes et d’un espace pour l’opposition, et le fonctionnement libre des militants des droits de l’homme et des journalistes. Depuis l’éclat de violence, début des années ’90, Kagame nourrit, pour le Rwanda – et pour lui même et son entourage-, deux objectifs: l’installation d’un allié à Kinshasa et le maintien d’une tutelle informelle à l’Est du Congo. Il n’est plus à démontrer que la présence militaire du régime rwandais dans les Kivus sert depuis bien longtemps des intérêts économiques et démographiques que des intérêts sécuritaires. C’est avec ce dernier prétexte qu’on légitime toutes ces actions. » (Lire tout l’article sur saverwanda.org)

La sénatrice Belge a, lors de sa  question parlementaire, exprimé ses craintes sur ce qui pourrait advenir au Rwanda et à l’Est de notre pays si rien n’est fait pour que les prochaines élections aient lieu dans des conditions démocratiques au nom de « la bonne gouvernance » dont Kagame serait devenu « le champion ». A ses yeux, « cette ‘bonne gouvernance’ et le ‘crédit génocide’ dont Kagame profite depuis 1994  cachent un volcan couvert qu’est le Rwanda » et  dont l’irruption coûterait encore une fois très cher aux populations rwandaise et congolaise (de l’Est).

L’attention accordée aux probables élections de 2011 (chez nous) risque de nous distraire. La campagne pour les présidentielles que certains d’entre nous ont déjà commencé nie notre présent fait des pillages et des exactions des escadrons de la mort installés par Kagame à l’Est de notre pays.

Si, dans un récent article, nous avons recommandé un soutien à Victoire Ingabire et à ses alliés au Rwanda, ces forces du changement qui ont pris le risque d’affronter Kagame sur le terrain du Rwanda, c’est parce qu’elles semblent, à notre avis, incarner une lueur d’espoir pour un avenir différent dans l’Afrique des Grands Lacs. Nos luttes externes sont certes importantes. Elles ne peuvent porter du bon fruit que si elles se mènent en synergie avec celles des forces du changement internes.

Malgré toutes les critiques que nous formulons à l’endroit des partenaires extérieurs, un certain esprit de discernement devrait imprégner toutes nos actions afin que nous ne manquions pas les occasions qui nous sont offertes pour identifier parmi eux  « les empêcheurs de penser en rond » afin qu’ensemble, nous puissions travailler à l’écroulement des murs de mensonge et de désinformation bâtis pour les actuels gouvernants des pays des Grands Lacs. En évitant de tomber fanatiques des discours démagogiques.

Disons que refusant de nous laisser distraire par la petite bourgeoisie compradore, ces carriéristes de la politique (du ventre), attirée par le partage du gâteau en 2011, il est important que l’étude du plan de balkanisation de notre pays se poursuive et que les actions de lobbying interne et externe soit menées pour le désamorcer.

L’un des pièges que nous nous tendons est de dire : « Les partenaires traditionnels de notre pays sont contre le plan de balkanisation du Congo. Ils ont écrit à Joseph Kabila pour qu’il présente un plan détaillé de l’organisation des élections de 2011. Organisons-nous pour la campagne. »  Et pourtant, ces mêmes partenaires soutiennent ce plan et livrent  la guerre à la Chine sur notre sol.

Echapper à ce piège passerait par des questions du genre : « Qui achète les matières premières dont le Rwanda de Kagame organise la Bourse ?  Ces acheteurs seraient-ils disposés à perdre un client leur facilitant la tâche ? Au cas où ils le mettraient dans le sac des pions interchangeables, la carte des élections au Congo (et au Rwanda) les séduirait-elle mieux qu’une autre ? Que pouvons-nous faire de mieux pour renverser les rapports de force dont Paul Kagame et ses alliés Congolais sont le signe ? »

Il y a donc un travail de réflexion qui doit accompagner, en permanence, toutes les actions pratiques (et panafricanistes) que nous avons à mener pour que notre pays  et l’Afrique des Grands Lacs deviennent un espace vital où le bonheur collectif peut être partagé dans la paix et la justice. Pour le moment, le constat est amer : l’option à court-terme pour la paix sans la justice cause d’énormes dégâts à notre pays et  risque de conduire à un nouvel embrasement de l’Afrique des Grands Las, au profit des capitalistes du désastre.