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(Lignes maîtresses de la conférence prévue à Oslo le 17 avril 2010)
Par J.-P. Mbelu
Avant de traiter de la question du leadership congolais (après les indépendances), je tiens à rappeler que la réussite de la mission coloniale dans notre pays était en partie liée à l’alliance ayant existé entre les trois M (le marchand, le militaire et le missionnaire). Cette réussite a été le fruit d’un leadership collectif, c’est-à-dire de la mise en pratique d’une vision de la colonie par une élite coloniale plurielle opérant en réseau. Nos luttes pour l’indépendance n’ont pas tellement intégré cet élément de travail en réseau.
Néanmoins, elles étaient fondées sur la mobilisation des masses populaires et sur une utopie : un Congo libre et prospère où les valeurs de liberté et d’égalité seraient les choses les mieux partagées. Cette vision portée par Lumumba et ses amis a permis à notre pays d’avoir un premier parlement où les forces acquises à ces valeurs étaient majoritaires. Les leaders des partis politiques ayant participé à ce parlement et au premier gouvernement étaient issus, pour plusieurs d’entre eux, des partis politiques à connotation tribale. (Tribal est à comprendre ici dans le sens de l’appartenance à un groupe originaire bien défini dont on partage et défend les aspirations et les valeurs).
L’élimination physique de Lumumba venait perturber sérieusement la lutte pour les valeurs de liberté et d’égalité (ou l’envoyer dans la clandestinité. La figure de Mulele mérite d’être mentionnée ici). Elle venait rompre, en partie, les ressorts d’une lutte idéaliste et ardente pour un Congo plus beau qu’avant au profit du marionnettisme. Mobutu devient un maillon important de la chaîne dans « la guerre contre le communisme ». Et pendant plus de trois décennies, il va endormir nos populations avec des slogans creux, tout en travaillant prioritairement, pour les intérêts économiques de la troïka (USA, Belgique et France).
Ouvrons une parenthèse pour souligner deux points importants. La guerre froide fut l’une de ces innombrables guerres que se mènent les grands du monde pour avoir accès aux matières premières stratégiques. Ils se la font par eux-mêmes ou par leurs valets interposés. Souvent, ils cachent leur goût insatiable du profit derrière un idéal « noble » : lutte contre le communisme ou contre le terrorisme ou pour la démocratie. C ’est le premier point.
Lors de son règne, Mobutu a réussi « un exploit extraordinaire » : en recourant à la démagogie et à la répression, il a pu, tant bien que mal, faire de tous les Congolais et de toutes les Congolaises, les membres du MPR. Supposons un seul instant que le slogan « MPR égale servir, se servir non » ait gagné nos cœurs et nos esprits comme un mantra sur lequel notre pays devait être bâti, que n’aurions-nous pas fait depuis plus de trente ans ? Mais cela n’a pas pu marcher dans un système d’animalisation de nos populations et de concentration excessive de tous les pouvoirs entre les mains d’un seul homme et de ses courtisans, à leur profit propre et à celui de leurs parrains. C’est le deuxième point. Fermons la parenthèse.
Au cours du règne de Mobutu, la lutte pour le triomphe de la liberté et de l’égalité est rentrée dans la clandestinité. Un Malula la mènera quand même au grand jour. Les mouvements estudiantins, sporadiquement. Vers les années 80, la lettre des 13 parlementaires ouvrent des brèches dans le système mobutiste. Le point culminant de toute cette période trouble sera l’organisation de la conférence nationale souveraine. D’où a-t-elle tiré son dynamisme pour fonctionner tant bien que mal pendant tout un temps ? Du leadership de l’Union Sacrée de l’Opposition. C’est-à-dire d’un ensemble constitué des membres de la société civile et des partis politiques croyant fortement dans la démocratie comme étant une issue possible à la situation de misère anthropologique de nos populations. (Mais avant la conférence nationale souveraine, Mobutu avait posé un geste sur lequel nous ne réfléchissons pas assez : il avait organisé une consultation populaire. Plusieurs mémorandums issus de cette consultation rejetaient son pouvoir dictatorial et appelaient de tous leurs vœux l’avènement de la démocratie.)
L’incarnation des aspirations de nos populations par les partis politiques membres de l’Union Sacrée de l’Opposition et plus particulièrement par l’UDPS d’Etienne Tshisekedi sera un pilier sur lequel s’appuieront les luttes de libération des années 80 et 90. Le rôle tant de certaines associations à connotation ecclésiale comme le groupe Amos de l’Abbé José Mpundu et Thierry Landu que celui des ONGs des droits de l’homme (ASADHO par exemple) mérite aussi d’être mentionné.
Les maîtres du monde vont asséner un grand coup à ces luttes internes en créant d’autres pions dans la sous-région des Grands Lacs vers les années 90. C’est la poursuite de la politique du marionnettisme dans cette sous-région. Kagame et Museveni remplacent Mobutu et la guerre pour avoir accès aux matières premières stratégiques se poursuit. Nous en sommes là : depuis « la guerre de libération de l’AFDL de 1996 », le navire Congo géré majoritairement par les hommes et les femmes liges de Kagame et Museveni est sans boussole. Le Congo navigue à vue et/ou est pris en otage par des réseaux maffieux ayant réussi à instrumentaliser les institutions démocratiques au profit du triomphe de la cupidité. (Ils cherchent les marchés et/ou ouvrent notre pays aux prédateurs de tout bord.) Le Congo n’a pas de leadership digne de ce nom. Celui-ci se recherche et/ou est à inventer ; et moi je le veux courageux, persévérant et collectif, c’est-à-dire agissant (sur le temps) en réseau, porté par « les minorités organisées » ou « les petits restes » et incarnant les aspirations de nos populations ou les transformant en une vision pour un Congo libre et prospère. Je le veux aussi fondé sur le panafricanisme et sur les axes géostratégiques qui comptent. (Le BRIC, l’ALBA et l’organisation des pays du Shanghai, par exemple).