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Le procès Chebeya : le verdict connu d’avance !


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Par J.-P. Mbelu

En passant en revue plusieurs articles publiés ce vendredi (12 novembre 2011) sur le procès s’ouvrant à Kinshasa sur l’assassinat de Floribert Chebeya (et Fidèle Bazana), une impression se dégage : le verdict est connu d’avance. Seuls les lampistes risquent d’être condamnés à l’issue de ce procès. Remonter aux commanditaires de « ce crime d’Etat » paraît impossible. Cela étant, ce procès est nécessaire. Il va dévoiler davantage le mode de fonctionnement de la justice et de la politique chez nous. Pour les incrédules.

L’assassinat de Chebeya fait partie d’un système de gouvernement par procuration dans un monde où l’économie commande à la politique. Gagner les marchés, s’enrichir à moindre frais, faire des bénéfices mirobolants en un rien de temps est dorénavant plus important que protéger les vies humaines.

Donnant sa lecture de l’assassinat d’Armand Tungulu, Colette Braeckman  avait décrit, comment fonctionne plus ou moins ce système.  « Au vu de cette nouvelle mort, hélas non suspecte, on ne peut qu’avancer trois conclusions: la campagne électorale précédant les élections de 2011 a déjà commencé, elle sera dure et aura plusieurs facettes, dont les attaques directes contre Kabila, la remise en cause de ses origines (thème connu), la contestation de son action, et surtout la provocation. Sur ce terrain là, l’opposition jouera sur du velours: les services de sécurité sont nerveux, répondent brutalement à la moindre provocation; (…)  Mais on peut aussi se demander si le pouvoir n’est pas séduit par le “modèle rwandais”, qui fait déjà école au Burundi: développer le pays, essayer de le faire avancer à tout va, multiplier les contrats, restaurer, autant que faire se peut, l’autorité de l’Etat et en même temps serrer la vis à l’opposition, se montrer intolérant face à la contestation et… ne pas craindre de tuer, plus pour l’exemple et la dissuasion que par goût de la répression…. » (Nous soulignons) (La virulence du débat suscité par cet extrait de l’article de Colette Braeckman ne devrait pas nous empêcher de penser le modèle de gestion du pouvoir qu’elle décrit. Les médias dominants arrivent, de temps en temps, à trahir le modèle ultralibéral qu’ils servent !)

Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, l’assassinat de Flory, la disparition de Fidèle Bazana, l’assassinat d’Armand Tungulu et de plusieurs autres compatriotes peuvent être classifiés dans le cadre du triomphe d’un certain modèle de gestion du pouvoir politique : le modèle économiciste et/ou ultralibéral. Ce modèle a ses initiateurs (anglo-saxons). Ils en sont les missionnaires.  Ils font des émules dans l’Afrique des Grands Lacs. Son expansion est liée, entre autres,  à l’application du smart power tel que (plus ou moins) décrit par Colette Braeckman. Le smart power combine le hard power (pouvoir de coercition manu militari) et le soft power (pouvoir d’influence, de conviction et de persuasion). Suivant les contextes, l’un peut prendre le pas sur l’autre. Ce qui import, ce sont « les résultats ». Tuer pour l’exemple ou pour réprimer les voix discordantes et chercher à convaincre qu’il faut développer le pays, c’est-à-dire construire les infrastructures, signer les contrats, construire les fontaines, etc. La politique économiciste des « résultats » se déclare a-morale et/ou a-éthique.

Dans la perspective économiciste, tuer au nom du développement supporte mal des renvoi au respect des textes ratifiés, traitant du respect de la dignité humaine et des libertés fondamentales. Les politiques économicistes fonctionnent sur fond des mensonges et des faux-semblants. Dans les Grands-Lacs, les gouvernants qui les appliquent, souvent, ne rendent compte à personne d’autre qu’eux-mêmes. Le concept même de développement ne peut être soumis à un débat contradictoire, eu égard aux faits. Le recours aux slogans creux tels que « tolérance zéro », « finie la récréation », « cinq chantiers », etc. servent à amuser la galerie.

Dieu merci ! Une certaine frange de populations prise dans les méandres de l’a-moralité de cet économicisme crie par exemple : « Reprenez vos cinq chantiers et donnez-nous la sécurité. » Souvent, ces cris sont étouffés par les bruits des canons.  Une autre frange prise au piège du soft power affirme, malheureusement, que les pyromanes sont d’excellents pompiers. Beaucoup d’autres franges,  tenues  dans l’ignorance, ne savent à quel saint se vouer.

Les gouvernants économicistes, adeptes des « résultats » travaillent en réseau. Les maîtres commandent aux disciples ; les disciples commandent à leurs lampistes.

Dans le cas du procès Chebeya, faire toute la vérité exigera de remonter la pente : des lampistes aux maîtres en passant par les disciples. Qui peut oser en arriver là ?

C’est vrai qu’en droit la responsabilité est individuelle. Mais cette responsabilité peut être partagée en réseau. Les commanditaires peuvent êtres considérés comme étant plus responsables que les disciples et les lampistes.

Le procès sur l’assassinat de Chebeya repose la question fondamentale des rapports de force dans la gestion de la politique et de la justice nationales et internationales. La subordination de la politique à l’économique et de la justice à la politique dans un monde où la violence participe du triomphe d’un seul modèle de gestion du pouvoir (le smart power) rend illusoire notre foi en la vérité sur les assassinats ciblés ou extrajudiciaires chez nous (ou ailleurs).

Il serait possible de croire en cette vérité si le passage de la foi en un dieu-amour-fraternité-liberté-égalité n’avait pas été battu en brèche, chez les maîtres du monde et ceux qui leur obéissent, par le dieu-argent-cupidité. Or tous ces assassinats sont des sacrifices offerts au dieu-argent-cupidité qui, ayant une bouche, ne parle pas ; un nez, ne sent rien ; des oreilles, n’entend pas les cris des sans-voix ; des mains, ne peut essuyer les larmes des mères, des filles et des grands-mères violées.

Il y a là posée, à travers le procès Chebeya, une question essentielle de la re-conversion des maîtres du monde et de leurs disciples afin qu’ils puissent croire aux valeurs de la vie. Mais aussi celle des avancées de la culture de la résistance. Or, les maîtres du monde et leurs disciples semblent avoir fait une option résolue pour l’a-moralité. Donc, il n’y a rien à attendre de ce procès. Il faut, au contraire, développer davantage la culture de la résistance contre le smart power en ayant un sens aigu du courage, de l’abnégation et du renoncement.  En effet, le smart power est au service de l’idéologie consumériste transformant les hommes et les choses en marchandises. Cette idéologie concourt à saper les efforts citoyens déployés dans les luttes d’autodétermination et de reprise d’initiative historique. Développer la culture de la résistance, c’est affirmer, contre vents et marées, que la renonciation et la capitulation sont des lâchetés et que  la dignité humaine et la liberté ne sont pas monnayables. La lutta continua…