Le livre. Sommes-nous en train de glisser de façon indolore vers une société où la liberté d’expression ne serait plus un principe cardinal ? A lire l’avocat Emmanuel Pierrat, on prend conscience que ce péril n’est pas théorique. Ce spécialiste du droit de la culture et des affaires de censure recense les multiples coups que nous portons à la liberté de création artistique, à celles d’éditer ou d’exposer une œuvre.
Ce n’est pas sous le joug de gouvernements autoritaires mais au nom de la morale qu’émerge une insidieuse « censure privatisée » . Parfois au nom de buts louables, comme la lutte contre le racisme ou contre les violences faites aux femmes, on parvient à interdire, bannir, censurer ou même réécrire l’histoire.
Sans revenir sur les arguments juridiques débattus autour de la publication des pamphlets antisémites de Céline ou de la réédition de Mein Kampf de Hitler, M. Pierrat s’inquiète pour « la mémoire d’une société qui ne saura rien des errements de son passé » . Fallait-il déboulonner les statues de Lénine après la chute du mur de Berlin ? La mairie de San Francisco a-t-elle eu raison de retirer en 2018 une statue représentant un Amérindien à moitié nu aux pieds de deux missionnaires catholiques ?
Censurer l’expression du racisme, une erreur
Censurer l’expression du racisme des générations précédentes n’aide pas à le combattre aujourd’hui. Au contraire ! « Nous n’aurons plus les moyens intellectuels de savoir ce qui a été peint, lu, admiré ou conspué. Le public du futur sera anesthésié » , prévient l’avocat. Mais invoquer les traditions n’autorise pas tout. L’auteur dénonce la perpétuation d’une manifestation raciste comme la « Nuit des Noirs » au carnaval de Dunkerque, pendant laquelle des Blancs se noircissent le visage.
La censure bien-pensante ne s’applique pas qu’au passé. Au Teatro del Maggio de Florence, la scène finale de l’opéra Carmen a…