Source: La Libre
-Le dernier rapport des experts de l’Onu sur le Congo détaille les actions de pillage de l’est du pays. Il met en accusation arméeet groupes armés illégaux.
Le dernier rapport adressé au Conseil de sécurité de l’Onu par le groupe d’experts sur le Congo, daté du 15 novembre 2010, détaille le pillage des ressources minières de l’Est du Congo par divers groupes armés et surtout par l’armée nationale congolaise (FARDC).
Les experts soulignent que le gouvernement de Kinshasa a progressé dans la pacification de la région, notamment par ses efforts de rapprochement avec ses voisins de l’Est – essentiellement le Rwanda, auquel une guerre opposa le Congo (1998-2003).
Néanmoins – et le président Kabila l’a reconnu publiquement, soulignent les experts – “l’implication de réseaux criminels au sein des Forces armées (FARDC) dans l’exploitation illégale des ressources naturelles a créé un conflit d’intérêt avec le mandat constitutionnel de l’armée concernant la sécurité”.
Armée congolaise et groupes armés illégaux congolais et étrangers sont actifs dans la pêche illégale sur le lac Edouard, au sein du parc national des Virunga – classé au patrimoine mondial de l’humanité -; dans la transformation d’arbres de ce parc en charbon de bois; dans le commerce du bois; dans l’accaparement de terres; dans le braconnage d’animaux du parc (144 ont ainsi été tués durant les mois de mars, avril et mai 2010, dont 26 éléphants, 28 hippopotames et 2 lions rien que dans la partie centrale du parc) – et le rapport de montrer du doigt les 131e, 502e et 132e brigades de l’armée congolaise.
Mais c’est surtout dans les activités minières que celle-ci et les groupes armés illégaux s’illustrent.
Le rapport, très détaillé, cite à plusieurs reprises, comme impliqués dans ces activités commerciales, le général Amisi, chef d’état-major de la Force terrestre; le général Vainqueur Mayala, commandant de la 8e région militaire (Nord-Kivu) et son bras droit le colonel Etienne Bindu, commandant en second de la 8e région, originaire de Walikale, qui serait à l’origine de la création du groupe armé illégal “Maï-Maï Sheka”, du nom de son chef, Sheka – un neveu de Bindu selon le rapport. Ce groupe, qui n’a jamais compté plus de 70 combattants, issus ponctuellement des FDLR (rebelles hutus rwandais issus des génocidaires) et a pu compter sur l’appui d’anciens CNDP (ex-rébellion du Tutsi congolais Nkunda), est accusé d’avoir organisé les récentes prises en otages, contre rançon, d’équipages aériens sur la route qui sert de piste d’atterrissage à Walikale.
Selon les experts, “l’exploitation des ressources permet à certains groupes armés de soutenir leur effort vers des objectifs politiques. Mais la motivation économique devient la raison d’agir d’un nombre toujours plus grand d’acteurs, dont les réseaux criminels au sein des FARDC”. Les experts soulignent néanmoins que “dans un contexte caractérisé par de nombreuses injustices”, certains des groupes armés illégaux sont porteurs de vraies revendications sociales. Ne pas y répondre comporte un risque “de déstabilisation”, alertent-ils.
Les experts relèvent que les intérêts économiques des officiers travaillant dans des réseaux criminels au sein de l’armée influencent de plus en plus les déploiements militaires. On recherche les nominations dans les zones “juteuses” et on partage les bénéfices avec le supérieur hiérarchique qui vous y a fait nommer. Quand des officiers arrivent dans certaines zones, la première question qu’ils posent est : “Où sont les mines ?”, dénonce une autorité locale dégoûtée.
La priorité donnée aux intérêts économiques par certains officiers mine la capacité de l’armée congolaise à exécuter son mandat de protection de la population ou à lutter contre les groupes armés, soulignent les experts. Et de donner en exemple, notamment, le cas des quelque 300 viols perpétrés durant quatre jours, en juillet-août derniers dans la région de Walikale.
Ce faisant, les officiers utilisent de plus en plus les maigres ressources de l’armée en armes, hommes, véhicules et renseignement pour leurs intérêts économiques plutôt que pour traquer les groupes armés – avec lesquels ils font parfois alliance. Cela mine également les opérations de désarmement des groupes armés, ajoutent les experts, notamment parce que les militaires utilisent les rebelles qui ont accepté de rendre les armes comme porteurs de leurs minerais, dégoûtant les autres hommes en armes de les imiter. Enfin, ces pratiques minent la discipline dans l’armée en créant des chaînes de commandement parallèles et des disputes internes – pour le plus grand profit des groupes armés illégaux.
“Mises ensemble, les conséquences de l’implication criminelle (d’officiers de l’armée congolaise) dans l’exploitation des ressources naturelles par des réseaux au sein des FARDC sont une importante cause d’insécurité et de conflit dans l’Est du pays.”
MFC