Par 7sur7.cd
-Des stocks des produits miniers de la République démocratique du Congo et ceux de la sous-région des Grands lacs, évalués entre 25 millions et 30 millions USD, ne vont plus être vendus à l’étranger, d’ici au 1er avril, s’ils ne sont pas soumis aux normes internationales. Ainsi l’exige la loi Obama ou “Financial reform act”. Face à l’imminence de l’application de cette loi, les opérateurs économiques du secteur minier du Nord-Kivu sont inquiets et ont demandé, mardi 15 mars à Goma, au gouvernement d’intervenir auprès des autorités américaines pour qu’un moratoire leur soit accordé, au cours d’une rencontre internationale axée sur la gestion responsable de la chaîne d’approvisionnement en minerais dans les zones de conflits. Il est prévu que la loi Obama sur les minerais de sang entre en vigueur le 1er janvier 2012 mais certaines sociétés internationales qui évoluent dans le domaine de l’électronique se conviennent d’appliquer cette loi en n’achetant plus ce vendredi 1er avril des minerais liés ou provenant des conflits armés en RDC. Aussi, inquiétés par cette prise de position, la société civile et les opérateurs miniers du Nord Kivu ont adressé une lettre au président américain, sollicitant un moratoire de 6 mois à 12 mois. Sinon, pour la population, vive la misère et tous ses corollaires.
Dans une lettre adressée au président américain, la coordination de la société civile du Nord Kivu sollicite un moratoire de 6 mois à 12 mois pour que la RDC se conforme aux mesures de contrôle exigées par cette loi.
Jason Luneno, président de la société civile du Nord-Kivu, a tiré la sonnette d’alarme en estimant que si cette loi entre en vigueur le 1er avril, la population de la région va plonger dans la misère, l’exploitation artisanale des minerais dans cette partie de la RDC étant l’une des activités principales pour une population vouée à des conflits armés sans fin. Toutefois, il a estimé que l’application de la Loi Obama est loin d’empêcher la fraude tant décriée et redoutée.
” On va toujours continuer à écouler les minerais clandestinement au profit de certains pays qui pourront étiqueter les minerais, et qui pourraient donner leurs identités aux minerais, sans que ces minerais ne puissent porter l’identité de la RDC”, a-t-il expliqué.
Une ONG locale des droits de l’homme, Cerdho, soutient l’application immédiate de cette loi. Selon elle, les opérateurs économiques et le gouvernement doivent s’assurer que l’exploitation des minerais ne contribue pas à financer les groupes armés.
La loi américaine n’interdit pas le commerce des minerais de cette région mais impose aux entreprises de dire chaque année si leurs produits contiennent un des quatre “minéraux des conflits” du Congo-Kinshasa ou de neuf pays de la région par lesquels ils pourraient transiter pour être “blanchis”. Sont concernés par cette loi trois minéraux industriels : l’étain, le tantale et le tungstène, mais aussi l’or. L’étain est utilisé pour souder les composants électroniques du téléphone, et le tantale dans les condensateurs, élément vital en électronique. Le tungstène sert notamment à faire vibrer le cellulaire.
Minerais : principal motif et carburant des conflits
Tout en saluant la loi Obama, Delly Mawazo, président de la Cerdho, pense-t-il qu’il importe d’assainir le système d’exploitation des minerais sinon le gros des investissements et l’essentiel de revenus vont entre les mains des groupes armés. Selon lui, la loi Obama est donc la bienvenue pour assainir le secteur minier congolais. N’est-ce pas que les minerais sont à la fois le principal motif et le carburant qui alimente les flammes des conflits dans la partie orientale de la RDC.
Il y a quelques jours, une rencontre avait réuni les membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et les opérateurs miniers de la province. Ces derniers disent soutenir les mécanismes internationaux de transparence, mais craignent un éventuel embargo sur l’exploitation artisanale en RDC si la loi Obama venait d’être appliquée.
Au cours de cette rencontre, leur président provincial, John Kanyoni, évoqué les difficultés qu’ils rencontrent.”Nous n’avons pas encore le temps d’être plus pratiques sur le terrain, depuis le puits jusqu’au point d’exportation. C’est ainsi que nous demandons aux autorités américaines, à travers ce qu’on appelle: ‘Security change Commission’, de nous donner suffisamment de temps afin que notre secteur ne puisse pas se retrouver dans une situation d’embargo”, a-t-il plaidé.
Clara Liberti, membre de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pense que la loi Obama est un instrument qui présente un grand avantage.
Le contexte international créé par la législation américaine adoptée aux USA, selon la même source, exige des opérateurs économiques la mise en place des procédures qui leur permettent de s’assurer qu’ils ne contribuent pas aux conflits dans la région.
Les normes internationales dans la gestion des minerais découlent de loi Obama promulguée le 23 juillet 2010 par le président des Etats-Unis. Elle oblige les entreprises à publier leurs revenus ainsi que les paiements fiscaux qu’elles adressent aux gouvernements du monde entier. Cette loi de 2500 pages appelée “Financial reform act” contient une disposition qui concerne les minerais de la RDC.
Les opérateurs économiques du Nord Kivu redoutent aussi l’application de la loi Obama. Ils affirment détenir une marchandise estimée à plus de 30 millions USD suite à la suspension des activités minières en 2010. Ils craignent ne pas pouvoir écouler ce produit qui pourraient être assimilés, à tort, à des minerais du sang, selon eux.
La crainte des opérateurs miniers du Nord-Kivu reste justifiée dans la mesure où, à ce jour, dans ce capharnaüm ou jungle qu’est la région où fourmillent creuseurs artisanaux et groupes armés, il est difficile de distinguer, une fois sur le marché, le minerais ”sanguinolent” de celui ”immaculé”. En effet, cette loi vise aussi bien à priver les rebelles et autres groupes armés de fonds et à les pousser à déposer les armes, mais aussi, par conséquent, à priver des centaines de milliers de Congolais de leurs maigres revenus en portant un coup fatal à une économie locale déjà fragilisée par les conflits armés.
Une application rigoureuse de cette loi permettra de contribuer à réduire les conflits armés en au Congo-Kinshasa, d’autant plus que l’exploitation et le commerce des minerais sont loin de constituer les causes principales des guerres en RDC : d’autres intérêts économiques (vente d’armes, exploitation du pétrole notamment) alimentent aussi les conflits armés.
Kléber Kungu
L’Observateur
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