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-La République Démocratique du Congo peut tout à fait perdre les acquis de sa victoire militaire si elle ne parvient pas à surmonter un obstacle : l’Ouganda de Yoweri Museveni et ses « soldats sans frontière ».
Un texte devant conclure les pourparlers de Kampala n’a pas pu être signé lundi 11 novembre, à Entebbe, officiellement suite à un désaccord sur l’intitulé du document. En réalité, un bras de fer est en train de s’installer entre deux acteurs inattendus : d’un côté le Président ougandais, à la fois médiateur international et parrain du M23, et, de l’autre, l’opinion publique congolaise fermement opposée à toute idée de négociation après deux décennies de guerres interminables.
En cause, le sort des combattants formant le noyau dur du M23, dont «la fuite en Ouganda » dissimule à peine un « retour au bercail ». La communauté internationale et les autorités congolaises sont quelque peu désemparées, et il y a de quoi.
En effet, ces combattants sont des personnages problématiques. Kampala tient à ce qu’ils bénéficient d’une amnistie globale, d’une intégration dans l’armée congolaise et d’un engagement leur garantissant de ne pas être extradés, notamment à la Cour Pénale Internationale.
Les mystères des « guerres du Congo »
Si Kampala s’entête sur ces trois revendications, au point de «devenir un problème», selon les mots du gouvernement congolais, c’est qu’il tient à préserver un vieux secret de polichinelle. En réalité, il n’y a jamais eu de « rébellion congolaise », même si des « aventuriers » congolais se sont laissé embarquer dans les multiples guerres qui déchirent la région des Grands Lacs depuis les années 1990. Ces guerres auront été orchestrées par un homme, le Président ougandais Yoweri Museveni, qui rêvait d’un empire[1].
L’empire devait s’étendre du territoire ougandais à l’Est de la République Démocratique du Congo en passant par le Rwanda et le Burundi, avec de lointains horizons au-delà de l’Erythrée[2].
Pour mener à bien ce délirant projet, il s’est assuré les bonnes grâces des grandes puissances (Etats-Unis, Royaume-Uni, Israël) et, sur le terrain, d’une armée composite regroupant des combattants sans nationalité fixe. Mais la « marche vers l’empire », dont on ne sait pas exactement si elle se poursuit toujours, sera l’occasion de massacres, de viols, de pillages et de déplacements des populations, notamment dans l’Est de la République Démocratique du Congo.
Ces tragédies apocalyptiques sont l’œuvre directe et indirecte de cette armée de « légionnaires » qui changent de noms et de nationalités au gré des circonstances. Ils se dissimulent derrière les étiquettes de « rebellions » (NRA, APR, AFDL, RCD, CNDP, M23,…).
Au Congo, la population les appelle « soldats sans frontières ». Mais dans les médias, ils continuent de se faire identifier en tant que «rebelles congolais » ou, plus osé, « Tutsis congolais » en dépit des évidences. Ils n’ont aucun lien avec le Congo, autre que les guerres qu’ils viennent y mener. Parlant anglais, kinyarwanda et kiganda ils ne sont originaires d’aucun village congolais, même pas des territoires où sont établis, de longue date, des Congolais rwandophones. Ces derniers sont d’ailleurs pris en sandwich entre des agresseurs extérieurs usurpant leur identité et la « nation congolaise » qui, depuis, se trouve empêtrée dans la cacophonie du débat sur la nationalité.
L’aventure de l’« empire », se poursuit-elle ?
L’échec, pour l’instant, du M23, donne à penser que le soutien des grandes puissances faiblit, notamment face à l’ampleur des horreurs (6 millions de morts, 500 mille femmes violées, 3 millions de déplacées, 500 mille réfugiés), au réveil des opinions et au scandale qui menace d’éclabousser les multinationales autour de l’affaire des minerais de sang. Mais cet affaiblissement du soutien extérieur ne signifie pas que les deux dirigeants ont renoncé à leur rêve d’expansion territoriale.
C’est dans cet angle qu’il faut comprendre la détermination de l’Ouganda à préserver le noyau dur du M23 dont les membres doivent être mis à l’abri de poursuites judiciaires. Kampala a déjà prévenu qu’il ne les extradera pas, et fait partie des pays qui se battent contre la Cour Pénale Internationale. Le procès de ces personnages pourrait prendre les allures d’un Nuremberg compte tenu des atrocités auxquelles ils se sont livrés depuis au moins deux décennies. Kampala tient à ce qu’ils soient intégrés en bloc dans les institutions et l’armée congolaises. Ils doivent rester « intouchables » et poursuivre le travail de déstructuration du Congo de l’intérieur pour faciliter l’annexion, à terme, des régions de l’Est.
Les Congolais les ont vus à l’œuvre (trahisons, débâcles des FARDC, opérations parallèles,…). Ils ne tiennent plus à prendre le risque de les accueillir dans leurs casernes, encore moins au moment où le pays engrange les premiers fruits du difficile travail de nettoyage de la chaîne de commandement de l’armée. Le Congo leur propose un examen au cas par cas, une procédure qu’ils exècrent pour des raisons évidentes.
Mais qui sont ces « soldats sans frontières » ?
Une partie de la réponse se trouve dans la personnalité de l’un d’entre eux aujourd’hui inculpé et détenu par la Cour Pénale Internationale : le général Bosco Ntaganda.
Rebelle rwandais, en 1990, membre du FPR, il entre au Congo en tant que soldat rwandais, puis devient officier de l’armée congolaise. Au déclenchement de la deuxième guerre du Congo (1998), l’homme rejoint les rangs de la « rébellion » du RCD soutenu par le Rwanda. Mais en juin 2000, à Kisangani, il se bat dans les rangs de l’armée ougandaise contre l’armée rwandaise durant la mémorable « guerre des six jours ». Une guerre entre le Rwanda et l’Ouganda, sur le territoire congolais, pour le contrôle du trafic de diamant. Ntaganda redevient congolais et obtient le grade de général dans l’armée congolaise. Il finira sa carrière en tant que « rebelle congolais » lié au M23, mais en fuite au Rwanda, le pays où, officiellement, il est né de parents rwandais[3].
Ainsi à 40 ans, l’homme aura sévi sous les drapeaux de trois pays (Rwanda, Ouganda et RD Congo), ce qui, dans l’opinion congolaise, traumatisée par des guerres répétées d’agression, ne passe pas.
L’occasion de rappeler que la guerre du Congo n’est pas une guerre identitaire contrairement à ce que certaines personnalités continuent de faire croire, en prétendant que « ces » Tutsis (du M23) « ne se sentiraient pas chez eux », au Congo. Il s’agit d’une guerre d’ambitions territoriales pour deux hommes, et de pillage au profit des multinationales et des grandes puissances. Les revendications identitaires, tout en étant légitimes, ne servent que de prétexte à une guerre aux enjeux sans rapport avec la prétendue stigmatisation d’une population particulière[4].
Assumer ses responsabilités
Dès lors, c’est à l’Ouganda, logiquement, que la communauté internationale aurait dû demander d’assumer le sort de ces « soldats sans frontières ». Les grandes puissances ne devraient pas non plus se dérober puisque ces combattants ont été, pour nombreux, formés dans le cadre de la coopération militaire entre Washington, Londres, Kampala et Kigali. Par ailleurs, les guerres qu’ils ont menées au Congo ont énormément enrichi les multinationales, de l’électronique notamment (coltan/téléphones portables).
En définitive, il serait à la fois absurde et alarmant de remettre en masse des individus aussi dangereux au Congo, sauf à préparer le terrain pour de nouvelles tragédies.
Par Boniface Musavuli – agoravox.fr