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par Jeune Afrique
-Un rassemblement contre le président angolais José Eduardo Dos Santos, au pouvoir depuis 32 ans, a été reporté lundi après l’arrestation dans la nuit de trois journalistes, de leur chauffeur et d’un chanteur engagé.
“A 00H30 (23H30 GMT, heure à laquelle la manifestation avait été convoquée, ndlr) des journalistes de l?hebdomadaire Novo Jornal et le rappeur Brigadeiro ont été arrêtés sur la place du 1er mai, à Luanda”, a déclaré à l’AFP un organisateur de la manifestation, Mangovo Ngoyo, joint à Londres par téléphone.
Suite à ces arrestations, “la manifestation a été reportée à cet après-midi (lundi) à 14H00 (13H00 GMT) au même endroit”, a précisé M. Ngoyo, qui est issu du mouvement indépendantiste cabindais, une enclave séparatiste au nord du pays.
Le rappeur Brigadeiro Mata Frakus, rentré récemment d’exil, connaît un grand succès sur internet avec une chanson critique envers le président Dos Santos, au pouvoir depuis 1979. Selon M. Ngoyo, il avait voulu s’associer au rassemblement contre le régime.
“Deux journalistes, Pedro Cardoso et Ana Margoso, ont été arrêtés avec un photographe, Afonso Francisco, et leur chauffeur”, a confirmé le directeur adjoint de l’hebdomadaire indépendant Novo Jornal, Gustavo Costa. “A 07H00 (06H00 GMT), ils étaient encore détenus”, a-t-il dit.
La police n’était pas immédiatement joignable pour commenter ces informations.
Des appels “à marcher dans tout l’Angola pour exiger le départ de +Zédu+ (surnom du président), de ses ministres et de ses compagnons corrompus” circulent depuis plusieurs jours sur l’internet.
Le principal parti d’opposition, l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), a toutefois refusé de s’y rallier, faute de connaître les organisateurs.
“Cette manifestation anonyme, de nuit, spontanée, est une provocation qui n’a pas de sens”, estimait dimanche Justino Pinto de Andrade, économiste à l’Université catholique, en qualifiant cet appel de “blague de carnaval”.
Malgré le peu de crédit accordé à l’appel, le gouvernement a réagi avec vigueur, promettant de sévir contre tout débordement. Il a également convoqué dès samedi une contre-manifestation, qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes en sa faveur dans plusieurs villes du pays.
“Cela démontre une certaine anxiété de la part du MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l’Angola), qui a peur” d’un mouvement inspiré des révoltes populaires en Tunisie ou Egypte, selon Justino Pinto de Andrade.
“Il y a assez d’ingrédients en Angola pour que les gens se sentent concernés par ce qui se passe en Afrique du Nord, surtout sur un plan social et politique,” ajoute Elias Isaac de la fondation Open Society (du philanthrope américain George Soros).
Bien que l’Angola soit le premier producteur de pétrole du continent avec le Nigeria, “plus de 75% de la population vit dans la pauvreté. Les gens n’ont pas accès à l’eau ni à l?électricité, il y a du chômage, les systèmes de santé et d’éducation fonctionnent mal”, rappelle-t-il.
Mais le peuple angolais, qui a connu près de trois décennies de guerre civile (1975-2002), n’envisage pas de reprendre les armes, selon Elias Isaac: “la paix a seulement huit ans et le peuple, qui avait tout perdu, n’est pas prêt à lâcher le peu qu’il a acquis” depuis le cessez-le-feu.
“Il n’y a pas pour l’instant de mouvement organisé, et il n’y a pas encore assez de prise de conscience,” renchérit Justino Pinto de Andrade.
Malgré tout, estime le journaliste d’investigation Rafael Marques, “tout cela a le mérite de créer un débat sur l’idée de changement de régime politique. “