Collaborateur de longue date de Jia Zhang-ke, Nathanaël Karmitz, 40 ans, est le directeur général de MK2, une société basée à Paris, où cohabitent plusieurs métiers du cinéma (production, exploitation, distribution, édition, ventes internationales…).
Jia Zhang-ke se réfère souvent à ce qu’il appelle le « modèle MK2 ». A quand remonte votre collaboration ?
Nous avons assuré les ventes internationales de 24 City, en 2007. Depuis, nous ne nous sommes pas quittés, jusqu’à coproduire ses deux derniers films. MK2 correspond bien à ces grands réalisateurs qui portent un message universel dans des pays où le cinéma est un art vivace, mais contraint. Ils ont besoin d’appuis, d’ouvertures. Ce fut le cas hier pour Abbas Kiarostami en Iran ; c’est aujourd’hui le cas pour Jia.
Du maoïsme au gouvernement Sarkozy, votre père, Marin, s’est frotté à la chose politique. Que vous inspirent les engagements de Jia Zhang-ke ?
Sa dialectique est similaire à celle de mon père, en effet : pour faire bouger un système, mieux vaut-il opérer de l’intérieur ou de l’extérieur ? La situation chinoise, dont on mesure mal la complexité, appelle à la nuance. Jia montre qu’il est possible d’exercer un regard critique, sans basculer dans la dissidence. Il porte « une autre idée du cinéma », comme on dit chez MK2. En cela, il peut être rapproché de Kiarostami ou de Cristian Mungiu, qui promeut l’art et essai en Roumanie avec une caravane itinérante.
Vous avez conseillé Jia Zhang-ke avant qu’il ouvre son réseau de salles art et essai, à Pingyao et Fenyang. Pour l’heure, la fréquentation n’est guère au rendez-vous…
De Bi Gan à Jia Zhang-ke, le cinéma chinois est le plus grand inventeur de formes de ce début de siècle. Mais c’est un art très jeune. Il faudra un peu de temps encore pour qu’un écosystème cinéphile vertueux, porté depuis les écoles jusqu’aux médias, se structure…