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-Dès la proclamation de la victoire de Joseph Kabila, les observateurs du Centre Carter ont mis en doute la crédibilité de l’élection. Le 13 décembre, le Cardinal Laurent Monsengwo archevêque de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, y est allé aussi de ses doutes. Mêmes réserves de la part de la mission d’observation électorale. Elle a noté que l’absence d’observateurs lors de la consolidation des résultats au Centre national du traitement de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à Kinshasa «ne peut qu’affecter la confiance dans les résultats annoncés et leur crédibilité». Le 14 décembre, les Etats-Unis ont enfoncé le clou, estimant que l’élection présidentielle en RDC avait été «gravement entachée» d’irrégularités. Seule l’Afrique du Sud les a jugées «globalement ok».
Tout en se disant sûr de l’avoir emporté, Joseph Kabila lui-même a concédé qu’il y a eu des«erreurs dans le processus électoral». Infligeant par la même occasion un camouflet au pasteur Daniel Mulunda, président de la Ceni, qui n’a cessé de répéter que ces élections démocratiques après celles de 2006 seraient un modèle de transparence et d’équité.
Confusion généralisée
Pour de nombreux diplomates en poste à Kinshasa, personne ne sait réellement qui a gagné. La République démocratique du Congo est un pays immense. Quatre fois et demie plus grand que la France. Y organiser des élections n’est pas aisé. D’autant que le désastreux legs des régimes précédents et les différents conflits qui l’ont secoué ont détruit une grande partie de ses infrastructures. L’administration ne se porte pas mieux. Jusqu’à ce jour, il n’y a pas d’état-civil au Congo, pas de carte d’identité. Il n’y a pas eu de recensement depuis 1987. Donc tout le monde se débrouille dans le pays, souligne Elikia M’bokolo, historien et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Des circonstances atténuantes pour la Ceni. Mais qui ne l’exonèrent pas de certaines bizarreries. La mission d’observateurs de l’Union européenne relève dans son rapport que plusieurs résultats de bureaux de vote rendus publics le soir du dépouillement, notamment à Lubumbashi (Katanga, sud-est), ne correspondent pas à ceux publiés par la Ceni. Mais aussi, que les résultats de plus de 2.000 bureaux de vote à Kinshasa, n’ont «pas été comptabilisés». Troublant quand on sait que Kinshasa est l’un des principaux fiefs électoraux d’Etienne Tshisekedi.
Ce n’est donc pas la RDC qui va réconcilier les Africains avec les processus électoraux. Au cours des 18 derniers mois, près d’une quinzaine de pays ont organisé des élections sur le continent. Quasiment toutes ont rimé avec dysfonctionnements divers et variés, soupçons de fraude, contestations véhémentes, bruits, fureur et parfois affrontements violents. Sao Tomé et Principe, le Cap-Vert, la Zambie et le Niger ont été les exceptions qui ont confirmé cette triste règle. Le Niger a même battu une sorte de record en organisant en douze mois, pas moins de quatre scrutins en toute sérénité et en toute transparence.
Erosion du pluralisme
Pour Doudou Diène, ancien directeur de l’Unesco auprès des Nations unies à New York, la contestation des élections ne peut être dissociée du recul de la démocratie et de l’érosion du pluralisme un peu partout dans le monde. Y compris dans les pays occidentaux, comme la France, où la liberté d’expression et la communication des idées sont de plus en plus confisquées par quelques grands groupes, notamment dans la presse.
Selon cet ex-diplomate sénégalais, l’Afrique n’a pas le monopole des élections sujettes à caution:
«Les violentes contestations des dernières élections législatives en Russie en sont la preuve. En Asie et en Amérique du Sud, le tripatouillage des urnes existe aussi.»
Pour autant, il ne nie pas que la culture de la manipulation des élections est une réalité sur le continent noir. Les premiers arrangements avec la vérité des chiffres surviennent généralement lors de la confection des listes électorales. Bien que souvent défaillant, l’appareil d’Etat est monopolisé par les pouvoirs en place pour gagner les élections, souligne Elikia M’bokolo.
Que la floraison des désormais fameuses Commissions électorales nationales indépendantes peine à faire disparaître. Car souvent noyautées par les gouvernements, elles ont de plus en plus de mal à conserver leur autonomie.
Suspicions pavloviennes
Comme lors de l’élection présidentielle de janvier 2011 en République centrafricaine. Qui a vu la réélection dès le premier tour de François Bozizé, le président sortant avec 66,06% des suffrages dans des conditions ahurissantes.
«Organisation du scrutin bâclée, absence d’affichage de listes électorales, vote par procuration abusif, nombre de votants sans rapport avec le nombre d’inscrits, bourrages d’urnes ou fausses urnes, étrangers en possession de fausses cartes d’électeurs, etc.», avait dénoncé Survie, l’association française qui lutte contre les dérives de la Françafrique.
«Les listes électorales qui ont été affichées en retard, certaines n’existaient pas à certains endroits ou se retrouvaient à des endroits qui n’étaient pas les bons», avait pour sa part confié à l’AFP, Fulgence Zeneth, coordinateur national de l’Observatoire national des élections dans le pays de l’ex- empereur Jean-Bedel Bokassa.
En Ouganda Kizza Besigye, le principal opposant, a très vivement dénoncé l’élection du président sortant Yoweri Museveni à l’élection présidentielle de février 2011. Estimant que l’actuelle commission électorale était «incompétente», il a affirmé que toutes les élections organisées sous la présidence de Yoweri Museveni avaient été truquées. Et cet ancien médecin et proche du président ougandais a appelé à des manifestations pacifiques pour protester.
Instrumentalisations diverses
Même le Bénin l’inventeur au début des années 90 de la fameuse Conférence nationale souveraine qui a fait florès un peu partout sur le continent et naguère loué pour sa démocratie n’y a pas échappé. Au pays du vaudou, les bisbilles entre oppositions et mouvance présidentielle se sont cristallisées autour de la confection de la liste électorale permanente informatisée (Lepi).
L’opposition a accusé le pouvoir non seulement d’avoir manipulé la Lepi, mais de s’en être servi pour exclure plusieurs centaines de milliers de ses potentiels électeurs. Histoire de les empêcher de voter. La tension entre le président sortant Yayi Boni, déclaré vainqueur du scrutin et son challenger Adrien Houngbédji qui s’est brièvement auto-proclamé président, était telle que le pire a été évité de justesse. Ce qui n’est pas toujours le cas. Surtout quand des divisions religieuses et ethnico-régionales se greffent sur des rivalités politiques. «Même si elle recule, l’instrumentalisation en Afrique de l’ethnicité et du facteur religieux aussi bien par les pouvoirs en place que par les opposants reste une vraie préoccupation», reconnaît Doudou Diène.
Renouveau politique
Elle a fait des dégâts en Côte d’Ivoire après le second tour du scrutin présidentiel du 28 novembre et entraîné une guerre civile à fort relent identitaire. Bilan, plus de 3.000 morts. Même cause, même effet en Guinée. Sauf que les heurts n’ont pas dégénéré en guerre civile comme en Côte d’Ivoire. Mais, Alpha Condé a été élu président au second tour le 16 novembre 2010 dans une atmosphère délétère. Entre les deux tours, la campagne électorale a été émaillée d’incidents violents. Plusieurs émeutes ont éclaté entre ses partisans et ceux de son challenger, l’ancien Premier ministre, Cellou Dalein Diallo, catalogué comme le candidat des Peulhs.
En septembre 2010, des affrontements particulièrement sanglants ont fait au moins un mort et des dizaines de blessés obligeant le gouvernement de transition à suspendre la campagne. Pour Elikia M’bokolo, les oppositions doivent faire de la politique autrement. Elles ne peuvent pas se contenter d’attendre les périodes électorales pour se lancer dans la course aux voix.
«Dès le lendemain d’un scrutin perdu, elles doivent sillonner leur pays. Aller à la conquête de l’opinion, décliner un programme alternatif crédible, de sorte que psychologiquement et intellectuellement elles soient véritablement connues des électeurs», explique-t-il.
Sinon, ajoute l’historien congolais, il leur sera très difficile de contrecarrer le rouleau compresseur des pouvoirs en place, «qui comme ailleurs dans le monde, en France par exemple, monopolisent les moyens de l’état pour faire leur propagande».
Valentin Hodonou