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PROCESSUS DEMOCRATIQUE EN RD CONGO 1990-2010 QUEL BILAN


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Par Cheik FITA

CHEIKFITA-NEWSSous la modération de notre confrère Amba Wetshi de Congoindependant. com, il s’est tenu vendredi 19 mars 2010 à l’Espace Matonge , Chaussée de Wavre,78 1050 Bruxelles , une conférence débat avec comme thème : Processus de démocratisation en RDC, 20 ans après le discours du Président MOBUTU le 24/04/1990 à Nsele, quel bilan ? »

Orateurs

Honorable Martin FAYULU MADIDI, Député Provincial de la Ville de Kinshasa et Président du Parti Politique « ECIDE », Engagement pour la Citoyenneté et le Développement.

Évaluation du processus de démocratisation en RDC depuis le 24.04.1990 à ce jour.

Monsieur l’abbé Jean-Pierre MBELU, Curé à Nivelles et Groupe Épiphanie

Les entraves à la démocratisation en RDC

Monsieur l’abbé Faustin KWAKWA, Curé à Wavre et Président de FRAC

La question de « l’homme Congolais » et de sa responsabilité face à l’échec du processus de démocratisation.

Monsieur Tharcisse LOSEKE NEMBALEMBA, Acteur Politique et Membre de l’asbl Amitiés CONGO – EUROPE

Une plate-forme politique de l’opposition, pour quoi faire?

Nous vous proposons ci-dessous :

– deux documents. La communication de l’abbé Jean-Pierre Mbelu et celle de l’abbé Faustin Kwakwa

– La vidéo de l’introduction de Mr Amba Wetshi

– Un large extrait vidéo de la communication de l’Honorable Fayulu

– Une interview vidéo de Dr Tharcisse Loseke.

Il m’a été proposé d’aborder la question des entraves à la démocratisation de la RD Congo. Ce titre m’a incité à poser certaines questions préliminaires : « Qui, depuis 1960, tente de démocratiser notre pays ? Comment et pourquoi ? Les Congolais(es) sont-ils les acteurs de premier plan de tout ce qui se passe chez eux ?

A mes yeux, la question des entraves à la démocratisation de notre pays invite à une relecture de notre histoire en tant que peuple.

Dans ma relecture de cette histoire, de la traite négrière en passant par la colonisation et nos cinquante ans d’indépendance, j’ai cru déceler quelques constantes. Celles-ci me poussent à traiter prioritairement des entraves à la liberté, à l’égalité et à la confiance mutuelle ; des entraves à l’épanouissement de la dignité humaine, bases indispensables de l’émancipation (démocratique) des peuples.

Les entraves

A mon avis (discutable) , les entraves à ces valeurs essentielles chez nous sont entre autres:

I. L’expansion du capitalisme du désastre[1], ce système du tout marché privilégiant la production des biens et des services à moindre coût et le profit à tout prix et prospérant là où la mort et ses dégâts collatéraux sont semés. Souvent, si pas toujours, plusieurs hommes et femmes politiques du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest de notre monde sont « les missionnaires » de cette nouvelle religion. Comment procèdent-ils pour que triomphe le capitalisme du désastre chez nous? Ils ont deux armes : la guerre (froide, tiède, chaude) et l’entretien de la dette extérieure de notre pays.

Explicitons un peu. Des travaux forcés et des mains coupés de la période léopoldienne et coloniale en passant par la dictature de Mobutu, la guerre des aventuriers de l’AFDL, du RCD et du CNDP instrumentalisé s par Museveni, Kagame[2], Kabila Joseph et leurs parrains occidentaux (et leurs trans et multinationales[3]), deux constantes se dégagent : le sang des Congolais versé et l’entretien de la dette extérieure. Le capitalisme du désastre orchestre les guerres comme moyen d’accès aux matières premières stratégiques[4]. Il instrumentalise les médias et les institutions dites démocratiques à son profit. Il triomphe là où triomphe la cupidité[5] (la mangeoire) comme signe visible d’un individualisme et d’un matérialisme exacerbés. Son triomphe détruit la confiance entre les gouvernants et les gouvernés et promeut les ploutocrates. (Les différents rapports des « Commissions parlementaires » du Congo sont éloquents à ce sujet. La Commission Lutundula mérite d’être citée même si toutes les conséquences n’ont pas été tirés du travail qu’il a abattu.)

Le capitalisme du désastre perpétue la logique rivalitaire et les divisions. Les valets dont il se sert sont souvent des pions interchangeables. (A ce point nommé, il nous faudra un grand esprit de discernement quand nous luttons pour le changement d’acteurs politiques chez nous. Souvent St Pierre est déshabillé au profit de Saint Paul. La question devrait toujours être de savoir si nous sommes les véritables acteurs de notre histoire, les acteurs de nos choix.)

II. La démission et/ ou la compromission d’un bon nombre de nos élites politiques, socio-culturelles et religieuses aux dépens des luttes menées par Kasavubu (gestion idoine de la chose publique), par Lumumba(lutte ardente pour la liberté et l’égalité), par Kimbangu, Malula, Muzihiriwa et Kataliko (lutte pour le triomphe de la vérité et de la fraternité sans frontière). Ceci est consécutif à la perte de confiance de ces élites en elles-mêmes et en leur capacité de se convertir en acteurs de premier plan[6] de leur destinée et de convertir leur milieu en un espace de bonheur collectif à partager.

III. L’ignorance comme conséquence d’un appauvrissement anthropologique (c’est-à-dire un appauvrissement à la fois matériel, politique, culturel, social et spirituel) produit par les deux premières entraves. (Un exemple. Dans un pays où le soleil est gratuit du premier janvier au 31 décembre, où les cours d’eau existent partout, nos villages et villes manquent de courant électrique par la faute des valets du capitalisme du désastre. Et pourtant, avoir le courant électrique permet de créer du travail et pousse à l’étude. Avoir un travail ou une entreprise permet de disposer de ses moyens matériels propres, de se former et d’envoyer ses enfants à l’école. Ne pas avoir ce courant peut maintenir tout un peuple dans l’obscurité, dans la pauvreté matérielle et dans l’obscurantisme intellectuel et spirituel dont profitent les pasteurs de tout bord et les carriéristes politiques, « les nouveaux prédateurs »).

Que faire ?

Travailler de manière permanente, à court, moyen et long terme à la maîtrise de ces entraves et au renversement des rapports de force afin de rompre prioritairement avec le capitalisme du désastre. Comment ? En identifiant ses acteurs majeurs (et mineurs) et les réseaux dont ils se servent pour son expansion et en créant et/ou en rejoignant des réseaux anti-capitalistes existants afin de mener une lutte commune pour un autre monde possible.

La lutte pour la liberté, l’égalité, la confiance mutuelle et la dignité humaine a une dimension internationale qu’il ne faut pas négliger dans nos luttes internes.

En interne, nous organiser en un grand front uni de résistance contre l’expansion du capitalisme du désastre nous exigera de constituer, en permanence, à partir du « petit reste », un leadership collectif (c’est-à-dire un ensemble d’acteurs politico-économiques , socio-culturels et spirituels prêts à la rupture avec un passé de misère et aux sacrifices, croyant dans les valeurs de la vie telles que la liberté, la paix, l’égalité, la solidarité et la confiance mutuelle) décidé à travailler en synergie avec nos masses populaires (à partir de nos villages et de nos communes). Et cela à terme. Ce leaderrship est contraint d’avoir des ramifications africaines (et même mondiales).

Ici, l’immédiatisme est un mauvais conseiller. Il confond vitesse et précipitation.

Recréer l’école et d’autres tiers-lieux où l’étude, l’éducation et la formation à la citoyenneté sont des priorités indiscutables.

A mon humble avis (discutable) , nous nous trompons sérieusement quand nous croyons en la fin de la guerre (froide) menée par « les petites mains du capital » et dans le début de la période de la démocratisation de nos pays d’Afrique à partir des années 90 (après la chute du mur de Berlin). Dire cela ne signifie pas que nous soyons engagés, comme plusieurs peuples du monde, dans la lutte pour que notre pays se démocratise. La contribution d’Etienne Tshisekedi à cette lutte ne peut être ignorée. Mais il me semble que, souvent, nous obéissons beaucoup plus aux injonctions extérieures que nous ne répondons aux questions réelles que posent notre décolonisation manquée et le viol de l’imaginaire dont plusieurs d’entre nous souffrent.

Face à cette lecture et relecture biaisée de notre histoire, moi j’opte pour la philosophie du londeshila londeshila, (tshilembi londeshila londeshila, londeshila pa kapasu, pa kanyi ka tutele, nanku kele katwe mu nyama). Un chasseur qui veut que sa chasse porte du fruit doit avoir des repères. Quels sont les nôtres ?

Je vous remercie.

La question de « l’homme congolais » et sa responsabilité face à l’échec du processus démocratique

1. Introduction

L’espace politique congolais est couvert d’une multitude d’écrits proposant des voies et moyens de sortie de la crise congolaise. Un titre attire notre attention et semble être à nos yeux le point crucial auquel il faut trouver le remède afin de résoudre le problème congolais. Il s’agit du livre Le Congo malade de ses hommes de Patient Bugenda. Il est indéniable que pour tout observateur avisé de la scène politique congolaise, le comportement de l’homme politique congolais étonne et laisse à désirer. D’aucuns n’ont hésité de taxer l’élite politique d’immature, des prédateurs etc.

Effectivement, la gestion de l’Etat congolais pose problème et suscite une remise en cause des intentions et motivations profondes qui habitent ses animateurs. Il y a alors lieu de se demander si vraiment la rationalité de l’exercice du pouvoir dans son sens moderne, c’est-à-dire démocratique, est bien comprise et bien assumée par l’homme politique congolais. De là surgit dans toute sa radicalité cette question cruciale et essentielle que doit se poser toute personne responsable qui brigue un mandat politique: Le pouvoir pourquoi faire ?

Si tout le monde s’accorde à dire que le Congo est un pays potentiellement riche, il y a lieu de se demander pourquoi sa population vit-elle dans la misère ? Pourquoi tant d’imbroglio à la tête de l’Etat si bien que depuis des années, ce pays ne cesse de sombrer dans le chaos. On a souvent recouru si facilement aux causes exogènes pour justifier cette situation (la colonisation, la néo-colonisation, la mondialisation capitaliste dominante etc.) en minimisant celles qui sont endogènes. Et pourtant, la grande maladie est là. On pourra élaborer toutes les analyses économiques favorables possibles, ou encore établir les contrats financiers avec les institutions internationales ou les pays amis, si on n’arrive pas à acquérir une autre mentalité, et précisément celle de l’éthique de responsabilité comme le préconise Max Weber, jamais le Congo ne sortira de sa crise. Il faut donc au Congo des hommes avec des nouvelles conceptions de la chose politique qui se démarquent totalement de la manière de faire d’aujourd’hui caractérisée par le pouvoir pour le pouvoir, sans vision réelle formulée en terme d’idéal citoyen et républicain à réaliser ; sans aucun sens d’une axiologie inhérente à l’exercice du pouvoir, ce qui donne lieu à l’impunité, à la corruption avérée, à la recherche d’enrichissements faciles au détriment de la population toujours paupérisée ; et à ce complexe d’infériorité et au manque de personnalité dans la politique étrangère qui pousse au bradage des richesses du pays. Il y a donc un appel pressant à abandonner cette voie marquée par l’irresponsabilité pure et simple pour s’inscrire sur une détermination nouvelle propre à tout Etat démocratique moderne et responsable.

Fort de ce qui précède, notre propos sera axé sur deux points essentiels. Dans un premier temps, nous essayerons de circonscrire la notion de politique lui-même bien souvent mal interprétée et mal comprise dans l’espace congolais. Dans un second temps, nous aborderons la problématique liée à l’homme politique lui-même.

1. La notion de politique.

Dans l’imaginaire collectif du congolais, malheureusement pour des personnes instruites comme simples, la politique passe avant tout comme l’art du mensonge. Les politiciens sont considérés comme des menteurs et c’est avec cette conception que se joue le jeu politique. Ce cynisme machiavélique semble les dédouaner de leurs engagements et promesses électoraux, comme des accords qu’ils prennent entre eux. C’est un espace d’absence totale de loyauté, d’élégance et d’excellence politique. L’exercice du pouvoir à un haut niveau de l’Etat est un moyen pour s’enrichir et entretenir un clientélisme (familial, tribal ou amical) auquel les gens se plaisent et s’en conviennent.

Si on se convient en affirmant que l’essence du politique c’est le pouvoir, il en va sans doute que la politique est aussi question de valeurs et de volonté. « Une politique est un comportement orienté vers des buts, des fins. Il faut viser à une adéquation des moyens et des fins. On ramène la politique à des choix rationnels. Le moyens, c’est le pouvoir qui peut nous amener vers les objectifs ».[1] Cette position nous fait comprendre qu’on ne peut pas s’engager en politique quand on ne sait pas ce qu’on doit y faire. Elle implique une vision des objectifs à accomplir. Le pouvoir n’est que le moyen qui donne au politicien la possibilité de réaliser les objectifs qu’il s’est fixé. La question qui va se poser est celle de savoir quels sont ces objectifs ? On devra retenir qu’on ne peut parler de politique que quand on a affaire à un groupe d’hommes. Ce groupe qui se dote d’un appareil ou d’une direction collective, se donne des buts, le but ultime est la survie de la société, de la politie. Ce groupe se dote d’instruments ou d’organes de décision et d’action en vue d’un but, une fonction, une tâche, une utilité collective. Ce processus est présent même dans les sociétés archaïques. Celui qui détient le pouvoir, émanant du peuple en système démocratique, doit mobiliser des moyens pour atteindre ce but ou cette fin que la société s’est fixée. Le pouvoir est une activité téléologique. A ceci et liée ce qu’on appelle la notion de gouvernance qui reprend l’idée de pouvoir comme capacité d’orientation équilibrée et rationnelle, idéal de tout Etat moderne. Ce pouvoir en démocratie, pour qu’il le soit réellement, doit être légitimé. Et le détenteur du pouvoir qui croit à la légitimation de son pouvoir, doit savoir que cela n’implique pas qu’on fasse n’importe quoi, bien au contraire on doit rendre compte à ceux qui ont accepté « la servitude volontaire »[2] car c’est à cause d’un idéal, d’un but qu’ils l’ont fait. L’exercice du pouvoir doit alors amener à la réalisation de cet objectif. Ainsi, en démocratie, « la légitimité d’un régime provient du respect des règles fonctionnelles de la démocratie mais aussi de ses valeurs principales »[3]. L’homme politique doit savoir qu’il y a des valeurs, des garanties axiologiques qui fondent la relation praxéologique du pouvoir.

On est ici loin de la lecture cynique de l’exercice du pouvoir que nous peint Machiavels dans son livre le Prince où le Monarque doit apprendre les règles de la politique sans croire aux valeurs défendues par les uns et les autres. Pour lui, la finalité de l’art politique n’est pas de réaliser le bien commun ou la cité parfaite, mais simplement de prendre et de conserver le pouvoir par la manipulation des forces sociales. Les valeurs en politiques sont une réalité morale et culturelle incontestable. Toute prise de décision politique implique nécessairement des jugements de valeur. On doit donc travailler en démocratie pour garantir la liberté, la sécurité, l’égalité, la solidarité, et le bien-être. Ces valeurs ne peuvent être effectives que grâce à une gestion responsable de l’Etat selon une rationalité procédurale propre à la démocratie elle-même. Là où le jeu politique se joue dans le respect de cette rationalité démocratique, il y a nécessairement avènement de ces valeurs. A contrario, on peut aussi apprécier le manque de ces valeurs par le non-respect de ladite rationalité. Voilà pourquoi et de manière intransigeant, il ne suffit pas d’avoir un poste, une fonction donnée dans l’appareil de l’Etat pour se prétendre être un vrai homme politique. Au fait, on n’a pas besoin de quelconques hommes politiques pour gérer le pays, mais des hommes d’Etat dans le sens où le préconise Max Weber[4]. L’homme d’Etat, c’est un politicien qui est parvenu à prendre un point de vue plus global, plus réaliste sur les problèmes, il articule des valeurs différentes dans un contexte politique afin d’atteindre les objectifs répondants aux attentes de la société. Comment alors parler des hommes d’Etat au Congo si déjà dans la manière d’exercer le pouvoir il n’y a pas ce choix des valeurs dicté par la conviction ni par la responsabilité . Il y a donc manifestement un problème de manque d’homme d’Etat, car la philosophie d’action est celle des antivaleurs : corruption, clientélisme, mercantilisme, impunité etc. On est purement et simplement inscrit dans la logique de la politique cynique de Machiavels dont l’essence de la politique ne consiste qu’à prendre le pouvoir et à le conserver. Le pouvoir pour le pouvoir. L’exercice du pouvoir et le débat politique sont dictés par cette disposition. Ceci justifie la facilité avec laquelle on arrive à débaucher des acteurs politiques ou à acheter leur silence devant des violations aussi flagrantes des droits de souveraineté nationale ou des droits humains.

2. Quel type d’homme pour l’exercice du pouvoir au Congo ?

Dans un régime démocratique, c’est en principe tout homme qui et habilité à briguer le pouvoir. Mais, le pouvoir politique est une capacité en elle-même à décider, à diriger. Il y a des gens qui sont plus enclins que d’autres à diriger. C’est souvent une sorte de don, bien que l’expérience et l’apprentissage soient aussi des facteurs importants. Les élites ne sont pas des êtres d’exception, mais les compétences et surtout les risques politiques ne sont pas à la portée ou au goût de tous. Il y a donc nécessité d’un choix à faire sous deux dimensions : individuelle et collective.

Du point de vue individuel, la personne qui veut s’engager en politique doit estimer sans complaisance avoir les compétences voulues et la capacité d’exercer le pouvoir dans le cadre de la rationalité procédurale propre à la démocratie. Il doit se convaincre à lui-même d’être capable de conduire les hommes, d’accepter d’être contrarié, de ne pas avoir le monopole de la vérité et surtout que le pouvoir qu’il s’apprête à exercer ne lui appartient pas en propre mais il le reçoit de la politie, en tant que tel, il est appelé à l’exercer pour réaliser les objectifs de cette dernière. La dimension du pouvoir entendu comme service n’est pas à exclure car il vise les vertus à accomplir comme nous l’avons dit plus haut.

Du point de vue collectif, cela nécessite une formation de la société et une prise de conscience de ce que signifie l’exercice du pouvoir en démocratie. Le peuple doit prendre conscience que c’est lui qui lègue son pouvoir aux élus et cela pour un idéal qui dépasse les simples considérations claniques, ethniques, tribales ou amicales. En revanche, l’élu n’a pas à prendre le peuple en captivité en s’accrochant au pouvoir même si la confiance lui est retiré par la voie des urnes. Dans ce sens, les partis politiques, ne doivent pas être des caisses de résonance à la solde des « leaders ». Ils doivent apporter dans leur programme de vrais projets de société républicaine et admettre en leur sein des vrais débats contradictoires à travers lesquels émergent grâce à leurs idées et déterminations les vrais hommes d’Etat à soumettre aux suffrages. L’adhésion à un parti politique suppose une connaissance de son programme et de l’objectif qu’il poursuit. On adhère ainsi à un idéal et non au soutien à un individu de par l’appartenance tribale ou ethnique, bref cotérique. Au Congo, c’est tout le contraire qui se passe. Comment peut-on alors attendre plus ?

Quel type d’homme faut-il pour exercer la tâche politique au Congo ?

a. Un intellectuel

D’emblée, on aurait tendance à dire que l’espace politique congolais est plein d’intellectuels : professeurs d’université, médecins ; ingénieurs etc. Ce ne sont donc pas les intellectuels qui manquent au Congo. Il est question de bien redéfinir ce que nous entendons par le concept intellectuel.

Si banal que cela peut paraître, nous avons dans la scène politique congolaise, des hommes instruits bien sûr et même très instruits (qui ont accumulé les connaissances dans les différents domaines) mais qui ne sont pas des intellectuels. Pour des postes de responsabilité , ils bradent leurs sciences, leur capacité de guider le peuple sur la voie de la lumière. Ils sont incapables d’afficher leur désaccord par des actes de bravoure comme déposer sa démission, dire non à son chef de file, dénoncer les contre valeurs : détournement, corruption, mauvaise gestion, clientélisme, irresponsabilité , trahison etc. Ils ne voient que leurs intérêts ainsi sont-ils arrivés à ne prévaloir que la politique du ventre qui ne se définit que par la recherche du matériel : argent, voiture, villa, jouissance etc. Par leur silence ou leur implication, ils ont tous une responsabilité dans la crise sans nom que connaît le pays.

Le sage Socrate disait: « Car je ne passe mes journées à rien d’autre qu’à vous persuader, jeunes et vieux, de ne vous préoccuper de vos corps et de l’argent ni prioritairement ni même avec un zèle égal au soin de perfectionner votre âme : je vous dis que la vertu ne naît pas de l’argent, mais que c’est de la vertu que naissent et l’argent et tout le reste des biens utiles aux hommes, aussi bien privés que publics »[5]. La vertu mise au centre de l’action politique procure à tous les biens nécessaires pour bien vivre. Voilà pourquoi nous avons besoin des intellectuels.

L’intellectuel ne fait pas qu’assimiler les connaissances, mais il se rapporte constamment à un travail de l’intelligence qui le pousse à soumettre à l’appréciation critique ce qu’il a assimilé, ou ce qu’il vit. Se rapportant ainsi à l’intelligence, il éclaire et oriente les autres sur le bon chemin de ce que doit être les procédés scientifiques, les réalités de la vie etc. La probité intellectuelle exige de lui un comportement conséquent à ce qu’il prône comme vérité scientifique, ou vérité tout court se rapportant à d’autres réalités de vie. L’intellectuel est alors un vrai militant de la vérité dans toutes ses formes. C’est ainsi que les latins parleront des intellectuels en terme d’ « intelligentsia » : ceux qui montre le bon chemin, le chemin de la lumière aux autres. L’intellectuel qui utilise mal son intelligence (bien souvent pour tromper les moins intelligents) devient pernicieux. Pour la vérité de sa science ou de ses connaissances, l’intellectuel est prêt à mourir. Pour rien au monde il peut brader sa science, sa lucidité : l’intellectuel est un héros problématique. Il est donc capable d’une politique du respect de la rationalité procédurale, de l’élévation de l’esprit, une politique visionnaire dictée par un idéal noble. Par l’éducation et la formation, il nous faut ces intellectuels dans la société qui est la nôtre.

b. L’homme qui aime la patrie.

Une analyse simplement désintéressée sur la situation congolaise, surtout sur la manière dont la chose publique est gérée, amènent plusieurs observateurs à se demander si vraiment les congolais aiment leur pays. On a l’impression d’avoir affaire à des gens venus d’ailleurs et qui traitent les problèmes du pays avec une légèreté telle qu’ils n’ont pas le souci de son avenir. On est porté à l’immédiateté, avoir le pouvoir ou la responsabilité pour se servir, sans vision du lendemain sinon des promesses mensongères.

Dans son livre la République, Platon qui fait parler Socrate soutenait : « Si l’on arrive pas, dit Socrate, à ce que les philosophe règnent dans les cités, ou bien à ce que ceux qui, à présent, sont nommés rois ou hommes puissants philosophent de manière authentique et satisfaisante (…), le régime politique qu’à présent nous avons décrit ne pourra jamais naître »[6]. Bien sûr que la République proposée par Platon est un idéal, mais n’empêche que nous y lisions cette nécessité de confier la tâche de sa direction à des Hommes sages (philosophes) . L’enjeu ici consiste à rendre, par l’usage de la vertu dont le philosophe est le dépositaire, les hommes meilleurs, établir un ordre dans lequel chaque citoyen peut avoir part au bien public, telle est la mission de l’Etat. Pour réaliser cet objectif, il faut nécessairement aimer son pays.

Nous ne voulons pas ici faire appel à une culture d’un esprit nationaliste intransigeant et extrémiste qui nous couperait des autres, mais plutôt à une culture de fierté qui repousse aussi bien l’insolence que la bassesse. Fierté d’appartenir à un pays, et faire de ce pays sa raison d’être correspondant au battement de son cœur tel qu’on puisse porter sa main sur sa poitrine quand on entent retentir son hymne national et faire couler les larmes tant qu’on a pas réussi à lui procurer ce qu’on lui doit pour sa prospérité, sa paix et son rayonnement. Aimer le Congo implique donc tout un investissement, une rentabilité formulée en terme intellectuel, moral, et physique pour son bien (environnement et écologie) et pour le bien de tous ses enfants (bien être socio-économique) , le tout projeté dans une vision à court, moyen et long termes. La fierté pour son pays est un devoir patriotique et une exigence qui s’impose pour un homme d’état. Tout acte qui va à l’encontre de tout ce qui doit corroborer à la fierté d’un Etat (sa grandeur) est une trahison et est punissable (juridiquement ou par la sanction des urnes). Le peuple doit être éclairé et éduquée en cette matière. La politique du cliéntélisme qui consiste à faire des hommes politiques des « papa Noël » distribuant des dons par ci par là et privant ainsi le peuple de l’autonomie de se prendre en charge en lui assurant des emplois et des salaires conséquents, constitue ni plus ni moins une atteinte à la dignité de notre peuple. C’est un manque de respect et de considération qui dénote le manque d’amour à la patrie et à ses concitoyens.

c. Un homme d’abnégation.

Il nous incombe de revenir encore une fois sur la question fondamentale que nous avons posé tout au début de cette réflexion : avoir le pouvoir pourquoi faire ? Dans la notion de politique, nous avons essayé de dire ce qu’était la mission politique dans un Etat démocratique moderne dont ne fait pas exception le Congo. Malheureusement, l’expérience congolaise nous fait voir qu’on vient en politique pour se faire de l’argent. Aujourd’hui au Congo, les politiciens, les généraux sont des hommes les mieux placés non pas parce qu’ils ont des responsabilité s d’Etat, mais ce sont eux qui ont des moyens (argent) et peuvent faire largesse à leurs proches. D’où vient cet argent ? L’exercice du pouvoir est une porte ouverte à la malversation financière, à la corruption, à l’enrichissement facile, au détournement et à la falsification. Tout cela se fait en toute impunité. Ainsi, devenir politicien ou courtisan auprès des politiciens est devenu le rêve de plusieurs.

En plus de la qualité d’intellectuelle, et du patriote aimant son pays, le bon dirigeant congolais doit apprendre à éduquer ses appétits et à acquérir le sens civique de la gestion du bien commun. Il est question de faire prévaloir cette culture citoyenne du respect de la rationalité procédurale démocratique au détriment de la politique du ventre qui fait place à la bassesse, à l’arrogance, et à l’insolence. L’homme d’abnégation est capable de sacrifice, de se priver des choses pour les autres. Nous avons affirmé que le but de l’Etat était de viser le bien-être de tous. Et sans cet esprit d’abnégation, on ne pourra être capable de viser le bonheur des autres. L’homme d’Etat, le politicien à la culture de responsabilité , ce politicien porté au sens de la vérité ne peut se verser au nivellement par le bas en faisant des avoirs matériels l’unique motif de son action politique. Le sens de l’abnégation ouvre au travail de l’esprit, et aide à se démarquer de l’égoïsme et de la cupidité de sorte qu’on soit capable de conjuguer ou d’articuler l’exercice du pouvoir à la pratique des vertus.

3. Conclusion.

Notre analyse se veut une réflexion pour envisager une possibilité de sortie de la crise qui sévit au Congo surtout dans le chef des animateurs des institutions de l’Etat. On nous taxera peut-être d’être naïfs ou idéaliste. Ça serait là s’inscrire dans la conception de la notion de politique au sens de la recherche du pouvoir pour le pouvoir. Il est vrai qu’il n’y a aucun système politique qui est parfait, ni aucune gestion d’un Etat, fut-il les Etats-Unis d’Amérique, qui est parfaite. Telle n’est pas une raison pour ne pas viser l’excellence qui est propre à l’essence de l’action politique moderne. Il est indéniable qu’il est possible de faire mieux au Congo et que les congolais ne méritent pas ce que les dirigeants politiques leurs servent comme recette politique. C’est signe de maturité que d’en prendre conscience et de s’engager comme l’ont fait les autres qui aujourd’hui sont des grandes puissances ou envoie de le devenir (Chine, Brésil, Inde, Afrique du sud, les pays d’Amérique latine)

Abbé Faustin KWAKWA

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