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Raphaël Katebe Katoto a un compte personnel à régler avec Joseph Kabila


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Tshisekedi-Kyungu-Artisan du grand rassemblement de l’opposition, organisé début juin en Belgique, Raphaël Katebe Katoto est l’aîné de Moïse Katumbi. Homme d’affaires prospère et influent, il a un compte personnel à régler avec le chef de l’État, Joseph Kabila.

Sur la photo, Raphaël Katebe Katoto arbore un sourire malicieux. Ce 6 juin, le demi-frère de Moïse Katumbi vient de réaliser un joli coup. Il est parvenu à rassembler deux adversaires irréductibles pour une poignée de main symbolique : Étienne Tshisekedi, l’opposant historique, originaire du Kasaï, et Gabriel Kyungu, affectueusement surnommé Baba (« papa », en swahili), à Lubumbashi. Kyungu est un ancien gouverneur du Katanga, très régionaliste ; il a dirigé de violentes campagnes d’expulsion contre les Kasaïens dans les années 1990.

Entre les deux hommes, le contentieux était lourd. « Ils ne se parlaient plus depuis plus de vingt ans, et le pouvoir faisait tout pour garder Kyungu de son côté », rappelle Katebe Katoto, pas peu fier de les avoir réunis.

À Kinshasa, l’image a fait le tour des réseaux sociaux, suscitant l’incrédulité, voire, chez les jeunes supporters de Tshisekedi, l’hostilité. Mais elle a aussi inquiété le Palais. Elle laisse entrevoir un rapprochement, encore inenvisageable il y a quelques mois, entre l’ouest et l’est de ce pays très divisé. Un rapprochement pour barrer la route à Joseph Kabila, qui n’a visiblement pas l’intention de quitter le pouvoir en décembre, comme le prévoit la Constitution.

Vers une fin des dissensions au sein de l’opposition congolaise

Pour Katebe Katoto, cette rencontre n’était que le hors-d’œuvre. Le plat de résistance, ce fut le « conclave de l’opposition », organisé dans la banlieue de Bruxelles les 8 et 9 juin. Pendant deux jours, le Château du lac, avec ses pelouses impeccables et ses hommes politiques tirés à quatre épingles, dégageait une atmosphère de mariage. Costume et lunettes teintées, Katebe Katoto serrait des mains en pagaille. Moïse, son frère, n’était pas là (lire encadré), mais il le représentait, avec ce sourire et ces intonations qu’ils partagent.

A-t-il contribué au financement de la réunion ? « L’important, c’est de réunir tout le monde autour de Tshisekedi pour défendre la démocratie », élude-t-il. Vital Kamerhe n’est finalement pas venu, et Jean-Pierre Bemba n’a pas envoyé de représentants. En revanche, les soutiens de Moïse Katumbi étaient présents en grand nombre. Katebe Katoto, lui, a été nommé au « conseil des sages », qui chapeaute ce « Rassemblement de l’opposition ». Kinshasa a immédiatement dénoncé une tentative de coup d’État institutionnel.

Katebe Katoto fut un intermédiaire clé entre son frère et « Le Vieux ». Exilé à Bruges, en Belgique, depuis deux décennies, Katebe Katoto est resté très proche de Moïse, de vingt ans son cadet (une source diplomatique décrit les deux hommes comme très « attachés » l’un à l’autre). Il jouit également de la confiance d’Étienne Tshisekedi, pour qui il organise même certaines rencontres.

Katebe et Tshisekedi, respectivement 71 et 83 ans, se connaissaient déjà du temps du Zaïre de Mobutu. Tshisekedi était l’un des bras droits du maréchal, avant de devenir son principal opposant dans les années 1980. Katebe Katoto était un puissant homme d’affaires du Shaba, comme on appelait alors le Katanga, avec un intérêt marqué pour la politique.

Comme Moïse Katumbi, il est le fils de Nissim Soriano, un Juif originaire de l’île de Rhodes. Enseignant de formation, il a fait fructifier la fortune familiale en devenant sous-traitant de l’entreprise minière d’État, la Gécamines, qu’il approvisionnait en produits frais et dont il transportait le minerai.

Allié de longue date avec Étienne Tshisekedi

Mais c’est en 2002 que Katebe Katoto se rapproche véritablement de Tshisekedi. Les belligérants de la deuxième guerre du Congo négocient alors la fin du conflit dans la ville sud-africaine de Sun City. Le président Joseph Kabila et le rebelle Jean-Pierre Bemba sont en train de trouver un accord pour gouverner ensemble, marginalisant de fait le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma, soutenu par le Rwanda) et l’opposition non armée, incarnée par Tshisekedi. Katebe Katoto parvient à les rassembler au sein de l’Alliance pour la sauvegarde du dialogue (ASD). Et c’est l’ASD qui, avec le soutien de la communauté internationale, obtiendra que l’on revienne à des négociations inclusives.

À cette période, Tshisekedi se rend à Kisangani, contrôlé par le RCD-Goma, ainsi qu’à Kigali. Aux yeux de nombreux Congolais, allergiques à tout ce qui touche, de près ou de loin, au Rwanda, cet épisode est une tache dans le parcours de « l’opposant historique », mais Raphaël Katebe Katoto assume : « Cette alliance était vitale. Sinon, le RCD allait déclencher la troisième guerre du Congo ! » En 2003, Katebe Katoto deviendra le vice-président du parti.

Très convoité pour sa fortune et ses réseaux, Raphaël Katebe Katoto s’imagine alors à la tête de la transition, à la place d’un Joseph Kabila pour lequel il n’a que peu de considération. « Il était anormal qu’il dirige une transition alors qu’il était candidat à la présidentielle, estime-t-il encore aujourd’hui. Je l’ai rencontré plusieurs fois à cette période. J’ai très vite compris que rien de bon ne viendrait de lui. »

Raphaël Katebe Katoto en est convaincu : cette rivalité est la cause de ses ennuis judiciaires. Ils furent nombreux – et souvent nébuleux. Dans les années 1990, son associé grec est retrouvé mort à Lubumbashi.

Il s’est, semble-t-il, suicidé, mais, quelques années plus tard, les autorités congolaises accuseront un Katebe Katoto devenu encombrant de l’y avoir aidé. Dans les années 2000, la Zambie lui reproche d’avoir détourné 20 millions de dollars lorsque Frederick Chiluba, dont il était très proche, était au pouvoir. En 2008, le groupe d’experts des Nations unies pointe des transferts d’argent vers des proches de Laurent Nkunda, alors à la tête d’une rébellion kinyarwandophone dans l’est du Congo.

Cent cinq mille dollars, qui vont coûter cher à son clan, et pas seulement en matière de réputation : en Belgique, ses comptes et ceux de sa famille sont un temps bloqués. Mais dans chacune de ces affaires, insiste-t-il, il a fini par être blanchi.

À la différence de son aîné, Moïse Katumbi n’a jamais été accusé de frayer avec des rébellions. Pour le reste, en revanche, il marche sur ses pas. C’est Raphaël qui lui a mis le pied à l’étrier dans les affaires familiales. « Il a fait ses preuves et, maintenant, il vole de ses propres ailes, explique Katebe Katoto. Mais je continue de le soutenir à 100 %. »

Comme Moïse après lui, Katebe Katoto a dirigé le grand club de foot de Lubumbashi, à l’époque nommé Tout-Puissant Englebert. Ensemble, ils ont remporté plusieurs titres continentaux. Reste un trophée, jusqu’à présent inaccessible : la présidence de la République. Il y verrait bien son jeune frère et fera tout pour l’y aider. Et, pour cela, il faut d’abord obtenir le départ de Joseph Kabila.


ENCORE UNE AFFAIRE DE POISON ?

L’histoire est rocambolesque. Mais plusieurs sources diplomatiques la relatent, de même que le demi-frère de Moïse Katumbi. Selon Raphaël Katebe Katoto, un policier cagoulé a injecté une substance inconnue à l’ancien gouverneur du Katanga à l’aide d’une seringue en profitant de la confusion lors d’une manifestation. Les faits se seraient produits en mai dernier, devant le palais de justice de Lubumbashi. Accusé, sans preuves pour l’instant, d’avoir recruté des mercenaires après avoir annoncé qu’il se portait candidat à la présidence, Katumbi devait y comparaître pour atteinte à la sûreté de l’État. C’est cette fameuse piqûre qui l’aurait inquiété au point qu’il demande un exil médical, le temps de faire des tests. Et c’est, selon Katebe Katoto, l’état de santé de Moïse Katumbi qui l’a empêché de se rendre au conclave de l’opposition, à Bruxelles, les 8 et 9 juin.

Reste qu’il avait aussi de bonnes raisons de se faire discret : d’abord parce que certains opposants le soupçonnaient de vouloir « récupérer » la réunion et menaçaient de claquer la porte. Ensuite parce qu’il s’est engagé, auprès de Kinshasa, à ne pas faire de commentaires sur l’affaire en cours afin qu’on le laisse quitter le pays. Quant à savoir s’il sera apte, physiquement notamment, à revenir au pays pour livrer bataille, lui qui a déjà été affaibli par un empoisonnement en 2011, c’est une autre histoire.

JA