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Par Emmanuel Chaco
Plateau Des Bateke — Etalé sur 331 hectares, un projet chinois lancé dans la province du Bandundu, dans l’ouest de la République démocratique du Congo (RDC), est en mesure de fournir, tous les trois mois, environ 4.000 tonnes de maïs à la population congolaise, affirme Samuel Hsieh, un haut responsable chinois du projet.
«Pourtant, cela fait deux ans que le projet a été mis en place» sur le Plateau des Batéké, déclare Guy Matondo, habitant de cette région, mais qui voudrait savoir «où passent les 4.000 tonnes produites tous les trois mois». Selon lui, un simple calcul permet de déduire que «le maïs produit à ce jour pourrait atteindre plus ou moins 30.000 tonnes».
Quant à la réalité sur le marché, «depuis deux ans, le prix du maïs n’a pas baissé», affirme Francine Matondo, une ménagère vivant à Kinshasa, la capitale de la RDC, indiquant : «Il y a deux ans, un ‘ekolo’ (un vase équivalent à un kilogramme) de maïs valait 600 francs congolais (FC, environ 0,6 dollar US)». Pour elle, «la grande production du maïs par le projet chinois devait influencer les prix sur le marché. Ce qui n’est pas le cas, puisque le prix de l’ekolo est entre-temps passé à 1.200 FC (environ 1,20 dollar)».
Vendeuse de maïs au petit marché de Kingasani, à Kinshasa, Emérence Banzuzi avoue s’être «déjà rendue sur le Plateau des Bateke pour y acheter 200 kilos de maïs à revendre à Kinshasa». Elle a «acheté quatre sacs de 50 kilos à l’équivalent de 25 dollars par sac; ce qui ramène le kilo à environ 0,5 dollar».
Banzuzi a indiqué à IPS qu’il «est impossible que le prix du maïs baisse puisqu’au prix d’achat, il faut ajouter tous les frais de manutention et de transport jusqu’à Kinshasa», qu’elle évalue à environ 10 dollars pour 200 kilos et auxquels elle ajoute sa «marge bénéficiaire».
Le gouvernement croit pourtant que «le projet chinois a été agréé puisqu’il présente plusieurs atouts pour la population congolaise et qu’il a été conçu pour contribuer à la lutte contre l’insécurité alimentaire et à renforcer l’autosuffisance alimentaire au sein des ménages», déclare à IPS, Marcel Kabambwe, un conseiller technique au ministère de l’Agriculture, Pêche et Elevage.
«Comment le gouvernement peut-il affirmer que le projet agricole chinois contribuera à lutter contre l’insécurité alimentaire lorsque son maïs est déjà vendu plus cher que le maïs importé et qui semble de meilleure qualité?», demande l’activiste Patrice Musoko, coordonnateur de l’Association congolaise des consommateurs des produits vivriers, basée à Kinshasa.
Musoko ajoute à IPS : «Contrairement aux allégations du gouvernement, le projet chinois ne semble pas avoir été conçu pour lutter contre l’insécurité alimentaire». Il en donne pour preuve «cette montée de prix de maïs depuis deux ans» et le fait qu’il «n’existe aucun mécanisme gouvernemental pour encadrer cette production et en contrôler la destination».
Les activistes s’interrogent donc sur la destination réelle de la production du maïs chinois qui, selon eux, ne parvient pas encore aux consommateurs congolais. Ils se demandent également si des agences des Nations Unies achètent ce maïs pour le distribuer aux populations nécessiteuses ailleurs.
Mais, aucune confirmation n’a été obtenue du bureau de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à Kinshasa, alors que Hsieh, le responsable chinois du projet, affirmait à IPS, le 26 février, qu’une «partie de la production pourrait être achetée par la FAO, venue, quelques jours plus tôt, demander le prix et les conditions d’achat».
Selon Hsieh, «le maïs pourrait être acheté par cette organisation pour, peut-être, être distribuée dans des camps de réfugiés au Congo Brazzaville», ajoutant: «En tout cas, les ventes en détail ont été stoppées».
Pour sa part, Damas Balinga, expert au ministère du Plan qui centralise le processus de mise en oeuvre des Objectifs du millénaire pour le développement, voudrait bien croire qu’un «tel projet pourrait effectivement lutter contre l’insécurité alimentaire», mais il se ravise : «Ces Chinois sont des hommes d’affaires; tous font partie du personnel de l’entreprise ZTE». (C’est une entreprise chinoise basée en RDC dont une branche des activités dans l’agrobusiness).
«C’est leur bénéfice qui les intéresse en premier lieu. Le gouvernement devrait mettre en place une politique d’encadrement et de financement des Congolais qui désirent investir dans l’agriculture pour que des problèmes congolais soient résolus par des Congolais», ajoute-t-il à IPS.
«Heureusement que cet encadrement existe déjà et qu’il est assuré à des exploitants qui le désirent», affirme à IPS, Juvénal Bahune, un conseiller technique au ministère de l’Agriculture, Pêche et Elevage.
Mais, «il reste un problème auquel le gouvernement devrait réfléchir, puisque des Congolais désireux d’investir dans le domaine agroalimentaire n’ont généralement pas de capitaux pendant que le pays ne dispose d’aucune politique de crédits», indique Patrick Mushagalusa, ingénieur chercheur en agriculture, à Kinshasa.