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RDC:Joseph Kabila se déplume pour voler de ses propres ailes

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Par Marc Jaber

Kabila-main2Le Président Kabila semblait conscient de ses limites personnelles et se replie dans un mutisme protecteur. Ses sponsors et protecteurs avaient pris soin de le faire entourer d’ une garde rapprochée de supplétifs fidèles, prêts à s’ exprimer et à débattre à sa place. Les réunions de conseil de ministre, les rencontres internationales au sommet, les audiences aux personnalités extérieures et les conférences de presse étaient de sérieux pièges qu’il a systématiquement évités. Même le débat électoral, le “face à face” avec Bemba avait été évité, malgré son obligation légale. On s’habituait à une ombre présidentielle et à une présidence par procuration.

Sous le régime de transition de 1+4, Me Nimy avait dû démissionner du gouvernement pour avoir poussé Kabila dans les cordes. Jean Moanda Vita rapportait en janvier 2004 sur Congolité ce qui suit : ” le Ministre Roger Nimy était intervenu pour mettre en cause la compétence du Président de la République, relever ses insuffisances dans la maîtrise des dossiers discutés en Conseil, et contester sa nationalité congolaise! Cette sortie verbale de Roger Nimy a fortement embarrassé les membres du gouvernement, et jeté de l’émoi dans la salle de réunion. Le Président de la République pour sa part est demeuré silencieux, tandis que d’autres membres influents du Conseil s’efforçaient en vain de tempérer les ardeurs verbales de Roger Nimy.” Le Phare a fait un rapport différent, mais tout aussi caractéristique : ” le Président de la République avait demandé que les membres du gouvernement en mission à l’intérieur du territoire national en informent le ministère de l’Intérieur. Roger Nimy, le ministre du Tourisme de la composante MLC, n’aurait pas accepté d’avoir à requérir un quelconque aval même pour se rendre dans son Bas-Congo natal. Il l’aurait dit brutalement au Chef de l’Etat, lequel, en guise de réponse, avait quitté précipitamment le conseil des ministres, visiblement fâché”.

Après l’investiture de fin 2006, Kabila avait retenu au gouvernement le général Kalume, en violation de l’incompatibilité entre les fonctions politiques et militaires, et Me Nkulu pour siéger à toutes les réunions stratégiques et donner la réplique à la place du président de séance. En avril 2008, une délégation belge conduite par le ministre Karel De Gucht avait sollicité une audience en tête à tête pour délivrer un message délicat. Mais Kabila ne pouvait pas se séparer de ses assistants. C’est ainsi que le message belge a été lu. Sur le champ, Kabila n’avait rien saisi et il avait pris congé de ses visiteurs. Mais lorsque ses assistants l’informèrent du contenu, il rappela les Belges pour une seconde audience où il monta le ton. Un mois plus tard, ce sont les mêmes assistants qui ont imposé la rupture avec la Belgique lors d’un conseil des ministres auquel Kabila avait évité de participer.

Tout cela semble avoir changé en 2009. Kabila n’a plus de challenger crédible avec les déboires judicaires de Bemba; il s’est débarrassé de Vital Kamerhe et remis au pas le Parlement. Personne ne lui demande des comptes sur les arrangements avec Kigali, alors que Nkunda n’a pas été extradé et que la paix n’est pas revenue au Kivu. L’homme a fini par croire en ses habits présidentiels et aux capacités qui lui sont prêtées pour exercer ses lourdes et délicates fonctions.

A 38 ans, le Président se croit suffisamment mûr pour voler de ses propres ailes. Il a commencé par envoyer à l’étranger ses proches lieutenants : Kikaya comme ambassadeur à Londres, Mova Sankanyi à Bruxelles, Okoto à Kampala, Nkulu à Kigali, etc. Le général Kalume s’occupe des festivités du cinquantenaire de l’ indépendance. Enfin, Augustin Katumba Mwanke, le bras droit, l’argentier et l’homme des manipulations de l’ombre vient d’être écarté du secrétariat exécutif de l’AMP.

Bref, le Président se débarrasse de son armure, au moment des grandes échéances politiques. Saura-t-il voler tout seul? Il semble y croire, lui.