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RDC:La décentralisation sortie de la Constitution ?

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Source: La Libre
C’est ce que proposent les principales autorités congolaises. Mais…
Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur congolais, Adolphe Lumanu Mulenda – directeur de cabinet du président Kabila jusqu’à son entrée au gouvernement, en février dernier – a annoncé lundi les décisions prises par les autorités congolaises en vue d’une modification de la Constitution. Ces autorités “exhortent” le Parlement et le gouvernement à s’y conformer.

Les propositions de modification de la Constitution ont été adoptées lors de deux réunions “interinstitutionnelles”, les 20 et 27 mars. Y assistaient, outre le président Joseph Kabila, les présidents du Sénat et de l’assemblée nationale, MM. Kengo et Boshab, le Premier ministre Muzito, le Premier président de la Cour suprême de justice, le procureur général de la République, le premier président de la Haute cour militaire et l’auditeur général près celle-ci, les ministres de l’Intérieur et des Finances, le président de la Commission électorale indépendante.

Ils se sont prononcés en faveur d’une modification de l’Article 226 de la Constitution qui impose la division du pays en 26 provinces au lieu des 11 actuelles “endéans 36 mois qui suivront l’installation effective des institutions politiques prévues par la présente Constitution” , afin de ramener “la programmation du découpage à la compétence de la loi”.

Même choix en faveur d’une loi pour la retenue à la source, par les provinces, de 40 % des recettes à caractère national (Article 175 de la Constitution toujours non appliqué).

Idem encore pour la composition du Conseil supérieur de la magistrature, fixée par l’Article 152 de la loi fondamentale, que d’aucuns veulent voir présider par le chef de l’Etat – contrairement à ce que prévoit la Constitution.

D’autres questions “sont renvoyées à une réflexion approfondie” par les membres de la réunion interinstitutionnelle, parmi lesquelles “le mandat du Président de la République” actuellement fixé “à cinq ans” et “renouvelable une seule fois” (Article 70). ..

La réunion interinstitutionnelle s’est prononcée sur des sujets qui, pour certains, présentent un réel problème. Ainsi, le pays n’a pas encore pu se doter d’infrastructures suffisantes pour constituer les 26 provinces; certaines futures capitales provinciales sont, par exemple, démunies de locaux pour accueillir les futures administration et assemblée élue.

D’autres difficultés, comme la non-exécution de la retenue à la source, par les provinces, de 40 % des recettes à caractère national – pierre angulaire de la décentralisation prévue par la Constitution, puisque cette disposition doit permettre de financer les provinces, auxquelles sont dévolues des tâches accrues – relèvent plus de la réticence de Kinshasa “à partager le gâteau” et à se défaire des réflexes centralisateurs et accapareurs de l’époque mobutiste.

Dans tous les cas, une partie des projets de la réunion interinstitutionnelle se heurte à un sérieux obstacle. L’Article 220 de la Constitution, qui fixe les matières “qui ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle”, prévoit, en effet, parmi celles-ci “le nombre et la durée des mandats du Président de la République” et ” l’indépendance du pouvoir judiciaire”. En outre, ajoute l’article, “est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet [ ] de réduire les prérogatives des provinces”.

On notera que cette disposition a fait l’objet d’un article collectif dans la revue juridique de l’Université de Liège “Fédéralisme Régionalisme” (volume 9) signé par des constitutionnalistes, dont Evariste Boshab, le président de l’assemblée nationale ayant participé à la réunion interinstitutionnelle. Le texte précise que la procédure de révision constitutionnelle congolaise a été voulue “rigide” pour assurer “la stabilité des institutions démocratiques”. Si certains des auteurs pensent que l’Article 220 prône une irréversibilité absolue, d’autres estiment qu’on peut le supprimer par révision constitutionnelle après avoir réuni une assemblée constituante à cet effet et procéder ensuite à une autre révision constitutionnelle avec une autre assemblée constituante pour les articles visés plus haut.

Marie-France Cros