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Eventuel troisième mandat des présidents Nkurunziza (Burundi), Kabila (RD Congo) et Kagame (Rwanda)


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KABILA- KAGAME-Comment réagir face à un éventuel troisième mandat des présidents Nkurunziza (Burundi), Kabila (République démocratique du Congo) et Kagame (Rwanda) ?En Afrique centrale, un débat intéressant fait rage actuellement à propos d’un éventuel troisième mandat pour les présidents en exercice. Les présidents Nkurunziza du Burundi (en 2015), Kabila de la République démocratique du Congo (en 2016) et Kagame du Rwanda (en 2017) s’approchent peu à peu de la fin de leur second mandat. Aucun des trois n’a annoncé, de façon explicite, sa candidature aux prochaines élections présidentielles. Par contre, certaines déclarations récentes faites par des conseillers dans leur entourage immédiat indiquent que, dans les trois cas, un délai supplémentaire au pouvoir n’est tout au moins pas exclu.

Dans les régimes généralement fort présidentiels en Afrique, une alternance du pouvoir au sommet constitue un événement délicat. Dans certains cas (Botswana, Ghana), l’alternance se fait sans remous. Dans bien d’autres cas (Madagascar, Côte d’Ivoire), les élections présidentielles donnent lieu à des années d’instabilité politique et de chaos. Jusqu’à ce jour, au Burundi, en RDC et au Rwanda, aucun président élu au suffrage universel n’a succédé à un prédécesseur élu.

Quelle sera l’attitude belge face à une éventuelle candidature des présidents en exercice du Burundi, de la RDC et du Rwanda pour un troisième mandat ? Et quelle leçon pouvons-nous en tirer en ce qui concerne la politique belge à l’égard de ces trois pays ? Cinq perspectives et approches se présentent : la croissance économique, la paix et la sécurité, la démocratisation, la gouvernance constitutionnelle et la lutte contre l’impunité.

1 Croissance économique. Des chercheurs de l’ODI (Overseas Development Institute) à Londres ont récemment plaidé pour que, dans les pays africains pourvus d’un taux de croissance économique significatif (dit “double digit”), les élections présidentielles n’aient surtout pas d’impact négatif sur la croissance économique. Toute turbulence politique doit être évitée, ce qui revient à suggérer que, dans certains pays, la succession soit “réglée” à l’intérieur du parti dominant. Les élections n’ont alors d’autre fonction que de conférer un semblant de légitimité démocratique à cet arrangement. Appliqué au Rwanda (dont les taux de croissance économique sont impressionnants depuis quelques années), cela signifie logiquement que Paul Kagame devrait tranquillement encore pouvoir entamer un mandat supplémentaire. L’usage de conditionnalités politiques de l’aide par des bailleurs n’est dès lors pas souhaitable.

2 Paix et stabilité. Une deuxième approche, où non l’économie mais la paix, la sécurité et la stabilité constituent les principaux objectifs, mène souvent à la même conclusion. Même dans les pays sans croissance économique majeure, les bailleurs craignent généralement une alternance chaotique du pouvoir politique. De véritables élections libres et équitables – où l’opposition n’a pas perdu d’avance – constituent un facteur de risque pour des accords de paix et des équilibres politiques souvent difficilement négociés, particulièrement dans des contextes post-conflit fragiles comme au Burundi. Les partenaires internationaux préfèrent alors le statu quo et la stabilité à court terme, même si cela représente un prix démocratique considérable à payer.

3 Etat de droit. Si l’on place la démocratisation en tête de sa liste des priorités, un troisième mandat n’est par contre pas du tout souhaitable. Dans la littérature scientifique, il existe un consensus sur le fait que la limitation à deux mandats présidentiels consécutifs constitue à la fois un indicateur ainsi qu’un moteur de la libéralisation politique. Une telle restriction et la simple possibilité qu’une alternance du pouvoir présidentiel se produise, empêche la concentration du pouvoir au niveau de partis dominants “quasi-uniques”, donne de l’oxygène au débat politique et conduit à davantage de “checks and balances”.

4 Gouvernance constitutionnelle. Une quatrième approche est depuis peu adoptée par l’Union africaine (UA). Dans cette approche, ce qui compte avant tout est la conformité à la constitution nationale. Un changement inconstitutionnel du gouvernement est de plus en plus sanctionné par l’UA. Ce n’est sans doute pas un hasard si, sur le continent le plus touché par des coups d’Etat, on en ait fait une priorité. Appliquée à des troisièmes mandats, cela signifie que ceux-ci sont possibles s’ils sont en conformité avec la constitution du pays concerné. Parfois, cependant, la constitution fournit peu d’indications. Au Burundi, il y a une polémique sur l’interprétation de la constitution. En RDC et au Rwanda, on observe une tendance à éventuellement changer la constitution. En RDC, à l’occasion des élections de 2011, la modification en dernière minute des règles de jeu électorales a d’ailleurs eu lieu sans trop de protestations internationales.

5 Lutte contre l’impunité. Enfin, on peut aussi aborder la question sous l’angle des droits de l’homme. Les chefs rebelles qui viennent au pouvoir après un conflit armé ont généralement du sang sur les mains. Malgré d’importants progrès dans le domaine de la mondialisation de la justice pénale internationale au cours des vingt dernières années, les dirigeants restent généralement impunis. La meilleure recette pour échapper aux poursuites judiciaires, entre autres pour les présidents des trois pays concernés, est donc de perpétuer leur pouvoir politique et militaire, de préférence par des élections que la communauté internationale finance et légitime. On demande alors aux victimes de leurs crimes de guerre d’avoir un peu de patience dans leur quête de la vérité et de la justice.

6 Quelle politique belge ? Il ne fait guère de doute que, du moins au niveau du discours public, la politique belge concernant le Burundi, la RDC et le Rwanda, poursuit tous les nobles objectifs mentionnés ci-dessus : croissance économique, paix et sécurité, démocratie, constitutionnalisme et droits de l’homme. Mais en matière de coopération au développement et de relations internationales, même les objectifs les plus nobles ne vont pas toujours de pair. Cette observation s’applique également ici. En fonction de l’objectif prioritaire (par exemple stabilité ou lutte contre l’impunité ?), la position belge peut varier. Quelle sera l’approche que le gouvernement belge va privilégier ? Notre aide sera-t-elle liée à cette question ? Et adopterons-nous la même politique vis-à-vis des trois pays ? Bien évidemment, l’objectif de cet appel n’est pas du tout de donner des leçons à l’ancienne “Afrique belge”. Il reste d’ailleurs à voir si la politique belge aura un impact sur le terrain et si cela est vraiment souhaitable. Mais la transparence – une autre vertu très souvent mise en avant par les bailleurs – de notre politique à l’égard d’un troisième mandat des présidents Nkurunziza, Kabila et Kagame peut nous renseigner sur les véritables priorités et stratégies de la Belgique en Afrique centrale.

Stef Vandeginste

Chargé de cours, Institut de politique et de gestion du développement Université d’Anvers.

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