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Par Jeune Afrique
-À peine nommé, déjà controversé. Le pasteur Daniel Ngoy Mulunda est un proche du chef de l’État. Il a pris la tête, en février, de la commission électorale.
S’il y a une chose dont le pasteur Daniel Ngoy Mulunda ne se cache pas, c’est qu’il aime l’argent. Début février, il a été nommé à la tête de la Commission électorale, mais, adolescent, il s’imaginait en militaire. À l’époque, racontera-t-il plus tard dans une interview à l’hebdomadaire congolais Le Soft, « les officiers menaient grand train », et il rêvait « de devenir comme eux ». Quand un pasteur, qu’il consulte avant de passer son examen du baccalauréat, lui promet un avenir dans la prêtrise, il renâcle. Il veut « rouler carrosse », comme les généraux.
Cependant, le message qu’il dit recevoir du ciel ce jour-là le rassure : « Toi, je fais de toi un pasteur. Je vais t’élever, tu verras toutes les nations, tu mangeras avec tous les grands de ce monde aussi longtemps que tu seras mon ministre. » Daniel Ngoy Mulunda promet qu’il servira Dieu. En attendant, il quitte Lubumbashi, où il est né à la toute fin des années 1950, et part étudier l’informatique à Kinshasa, avant d’entrer chez General Motors. Il faudra qu’un missionnaire américain lui assure qu’il aurait le même salaire s’il venait servir l’Église pour le convaincre d’entrer à la faculté de théologie de l’Université protestante.
Conseiller spirituel
Il n’aura pas le temps de terminer ses études. Dynamique, doté d’un excellent entregent, il se voit confier par la Conférence des Églises de toute l’Afrique (Ceta) l’organisation d’une réunion à Dakar. « Son talent a dépassé toutes les attentes », s’enthousiasme dans une brève biographie la Ceta, qui décide alors de lui donner la direction du bureau chargé de la jeunesse, à Lomé. Il y restera cinq ans, jusqu’en 1993. La Ceta, présidée par le Sud-Africain Desmond Tutu, lui offre ensuite la possibilité d’approfondir ses études. Il part aux États-Unis et en revient avec deux masters, dont un en « paix et résolution des conflits ». Il prend alors la direction du bureau des affaires internationales de la Ceta, puis le poste de secrétaire exécutif pendant quatorze ans.
En 1997, Desmond Tutu lui demande de préparer un mémo pour Nelson Mandela sur la situation au Zaïre, afin de préparer la réunion de la dernière chance entre Mobutu et Laurent-Désiré Kabila. Ce sera pour lui l’occasion d’entrer en contact avec le Mzee, qu’il reverra ensuite à plusieurs reprises. Ils sont originaires de la même province – le Katanga – et se découvriront plus tard lointainement apparentés.
Mais c’est avec Joseph, le fils de Laurent-Désiré, que le pasteur Mulunda s’investit en politique. Membre fondateur du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), il fait campagne pour le jeune Kabila en 2006, se présentant comme son conseiller spirituel. Très vite cependant, il se détachera du PPRD pour se consacrer à son Église et à son ONG, le Programme œcuménique de paix, transformation des conflits et réconciliation (Parec).
Controversée, cette ONG lance en 2005 un premier programme de récupération des armes dans le Nord-Katanga. Elle offre alors des vélos et reçoit en échange environ 10 000 armes et matériels militaires divers. Mulunda récidive en 2009 à Kinshasa et, cette fois, c’est 100 dollars pour un fusil. Il revendique la récupération de 12 000 armes. L’opération suivante est lancée dans l’Est de la RDC en 2010, avec une récompense de 50 dollars. Où le pasteur trouve-t-il cet argent ? D’abord dans la poche du président Kabila, qui lui a octroyé un don de 100 000 dollars. D’autres Katangais, dont l’actuel gouverneur de la province, Moïse Katumbi, apportent leur contribution.
Soupçons de trafic
Les opérations du Parec, qui se déroulent en marge du programme national de désarmement, sont très médiatisées et suscitent de nombreuses critiques. Des soupçons pèsent sur les trafics qui permettraient à des militaires de vendre leurs armes contre 100 dollars puis de les récupérer ensuite. Plus polémique encore, le sort de quelques centaines de soldats des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Selon l’ONU, une partie des hommes rapatriés par le Parec au Rwanda se sont révélés être des Congolais. Quant aux quelque 300 Congolais regroupés dans un camp du Katanga, ils n’ont reçu aucun soutien et auraient fini par retourner dans le Nord-Kivu. L’ONG n’en continue pas moins ses opérations dans l’Est, avec la protection de la garde républicaine.
En septembre, aux premières rumeurs concernant son accession à la présidence de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), la suspicion a pesé sur l’indépendance de l’institution. Depuis sa nomination, le pasteur Ngoy Mulunda s’entretient régulièrement avec Kabila, mais revendique son impartialité et demande à être jugé sur les actes.
Jovial, cet homme tout en rondeur prend son rôle à cœur, s’exprimant beaucoup, avec une forte tendance à personnaliser l’institution. « Il est incontrôlable et versatile. Il est matérialiste et a peu de principes. Aujourd’hui il est avec Kabila, mais rien ne dit que demain… », analyse un opposant. À 52 ans, l’homme a aussi envie de peaufiner une image de faiseur de paix. « Il a une haute idée de lui-même, il pourrait sortir grandi d’une élection réussie », insiste un autre ténor de l’opposition. Quant à Étienne Tshisekedi, candidat à la présidentielle, il a publiquement affirmé lui accorder sa confiance.
En réunion depuis le 24 mars à Lubumbashi, les membres de la Commission vont élaborer leur programme de travail et très vraisemblablement décider d’un calendrier électoral. Une première occasion de voir comment travaillera cette équipe qui, sous l’égide du pasteur, aura la lourde charge d’organiser les prochains scrutins, dont la présidentielle qui devrait se tenir avant la fin de 2011.