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  • Blaise Compaoré est citoyen ivoirien et devrait échapper à la justice

    Blaise Compaoré est citoyen ivoirien et devrait échapper à la justice

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    -C’est désormais officiel : Blaise Compaoré, l’ancien président burkinabè, est Ivoirien. Son décret de naturalisation, signé de la main du président Alassane Ouattara, est daté de novembre 2014, soit seulement un mois après la chute de l’ancien président. Ce décret a été publié au Journal officiel en janvier 2016. L’ancien président du Burkina Faso est exilé en Côte d’Ivoire depuis qu’il a été chassé du pouvoir. Blaise Compaoré fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour son implication présumée dans la mort de l’ancien chef d’Etat Thomas Sankara. Il devrait donc devrait échapper à la justice car il ne peut pas être extradé.

    Le décret numéro 2014-701 ne fait qu’une vingtaine de lignes. Signé d’Alassane Ouattara, il annonce sobrement, que suite à sa demande, Blaise Compaoré, né en 1951 à Ouagadougou, est naturalisé ivoirien. Le décret suivant annonce, lui, la naturalisation de François Compaoré, le frère de l’ancien président burkinabè.

    Les textes sont datés du 17 novembre 2014, soit à peine plus de quinze jours après la chute de l’ex-chef d’Etat et son exil à Abidjan. Mais ils sont entrés en vigueur au lendemain de leur publication, le 18 janvier 2016.

    Ces naturalisations interviennent donc un mois seulement après l’émission d’un mandat d’arrêt international par la justice du Burkina Faso contre l’ancien président du pays. Celui-ci est inculpé pour son rôle présumé dans l’assassinat de l’ancien président du Burkina Faso Thomas Sankara en 1987 lors d’un coup d’Etat qui porta Blaise Compaoré au pouvoir. De plus, il est impliqué d’attentat contre la sûreté de l’Etat, complicité d’assassinat et complicité de recel de cadavre.

    Les autorités ivoiriennes ne souhaitent pas commenter ces informations. « C’est une affaire strictement personnelle », réagit ainsi une source.

    Blaise Compaoré devrait donc devrait échapper à la justice du pays qu’il a dirigé pendant de longues années. Etant donné les liens d’amitié entre Blaise Compaoré et Alassane Ouattara, une extradition semblait peu probable, après cette naturalisation, elle l’est encore moins.

    « Lamentable »

    En tout cas, la nouvelle fait débat à Ouagadougou. Si certains partisans de l’ancien président n’y voient aucun inconvénient, d’autres par contre, ses adversaires, qualifient d’acte « honteux » de celui qui a dirigé le Burkina Faso pendant 27 ans.

    Pour Pascal Zaida, secrétaire exécutif du mouvement populaire des jeunes, un mouvement qui avait soutenu le projet de référendum défendu par les partisans de l’ancien président, il sera difficile pour Blaise Compaoré de se présenter devant une justice à deux vitesses. « Nous estimons que d’un point de vue légal, c’est normal, il peut avoir la nationalité, ce n’est pas interdit. Maintenant, vous savez que nous sommes dans un pays où sous la transition, il y avait la justice des vainqueurs, et c’est cette même justice qui prévaut aujourd’hui. Si les autorités actuelles peuvent lui garantir une justice impartiale et équitable, je ne vois pas pourquoi il ne viendra pas y répondre. Mais par contre, si c’est pour faire encore la justice des vainqueurs, il a bien entendu raison de prendre la nationalité ivoirienne. »

    La stabilité du pays reste la priorité

    De l’autre côté, les mouvements qui ont mené la lutte contre le régime de Blaise Compaoré, se disent affligés par cette décision de l’ancien président burkinabè de se réfugier sous une autre nationalité. « En un mot comme en mille, c’est tout simplement lamentable. Il l’a fait pour échapper à la justice de son pays, parce qu’il sait que la Côte d’Ivoire n’extrade pas ses ressortissants. Mais ceci est terriblement honteux. Il jette l’opprobre sur lui-même et sur tous ceux qui sont liés à lui », déplore Ismaël Diallo, coordonnateur du Front de renforcement de la citoyenneté.

    A moins de renoncer à la nationalité burkinabè, poursuit Ismaël Diallo, Blaise Compaoré « n’échappera pas éternellement à la justice de son pays ».

    Mais, à Ouagadougou, on estime, presque résigné, que l’urgence est ailleurs. L’important pour la stabilité du pays, c’est surtout de neutraliser les anciens membres de l’ex-régiment de sécurité présidentielle, déclarait ainsi Alpha Barry lundi lors de sa visite à Abidjan. Après l’extradition de Moussa Niébé, considéré comme un des fidèles de Blaise Compaoré. Le ministre burkinabè des Affaires étrangères assurait qu’Alassane Ouattara s’était engagé à aider le Burkina Faso à arrêter les ex-soldats du RSP.

    «Rambo», pilier de l’ex-RSP, extradé de Côte d’Ivoire

    Quand on regarde les conditions de naturalisation en droit ivoirien, on se rend compte qu’il y a quand même une condition de durée que ni Blaise Compaoré, ni son frère, ne remplissent
    Guy Hervé Kam

    rfi

  • Video:Le président de l’Assemblée nationale ivoirienne visé par un mandat d’arrêt burkinabè

    Video:Le président de l’Assemblée nationale ivoirienne visé par un mandat d’arrêt burkinabè

    Selon une source judiciaire, la justice burkinabè a émis vendredi un mandat d’arrêt contre Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale ivoirienne, soupçonné d’avoir voulu soutenir la tentative de putsch de septembre dernier au Burkina Faso.

    Un mandat d’arrêt a été lancé par la justice militaire du Burkina Faso contre le président de l’Assemblée nationale ivoirienne Guillaume Soro, ancien chef de la rébellion ivoirienne, dans le cadre du coup d’État raté du 17 septembre au Burkina Faso, a affirmé, vendredi 15 janvier, une source judiciaire à l’AFP.

    “Nous avons été informés via les réseaux sociaux qu’un mandat d’arrêt contre le président de l’Assemblée nationale ivoirienne aurait été envoyé. La notification par les réseaux sociaux n’a pas de valeur juridique”, a toutefois ironisé Moussa Touré, un conseiller de Guillaume Soro.

    Qualifiant le mandat “d’improbable”, ce dernier a ajouté qu’il n’avait pas “connaissance que le président de l’Assemblée ivoirienne ait été inculpé (…), inculpation qui aurait donné lieu à un mandat”.

    “Si ce mandat était avéré, ce serait un acte hostile contre la Côte d’Ivoire et il ne resterait pas sans réponse”, a-t-il prévenu.

    Des enregistrements téléphoniques attribués à Djibrill Bassolé, qui fût ministre des Affaires étrangères burkinabè sous le régime du président déchu Blaise Compaoré, et à Guillaume Soro, ont été évoqués dans la presse en novembre.

    >> À lire sur France 24 : “Putsch au Burkina Faso : l’enregistrement qui agite le Web ivoirien et burkinabè”

    Guillaume Soro et Djibrill Bassolé, actuellement emprisonné et qui fut un homme clé du régime Compaoré tombé en 2014, ont tous deux nié depuis avoir eu cette conversation, dénonçant une “manipulation”.

    Dans un enregistrement d’une quinzaine de minutes, les deux interlocuteurs envisagent la possibilité de soutenir le putsch alors en cours et mené par le général Gilbert Diendéré, ancien bras droit de Compaoré et chef de Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’unité putschiste.

    Guillaume Soro s’estime victime d’une “campagne de dénigrement”

    Les deux interlocuteurs évoquent aussi la possibilité de “frapper” dans le nord du Burkina pour faire “paniquer” l’armée régulière qui se préparait à donner l’assaut contre la base du RSP.

    En décembre, le commissaire du gouvernement (procureur militaire) du Burkina, le lieutenant-colonel Norbert Koudougou, avait indiqué que les enregistrements avaient été versés au dossier, soulignant qu’”un expert” serait chargé d’authentifier ou de discréditer ces écoutes.

    Début décembre, lors d’une interview à la radio privée Savane FM de Ouagadougou, le Premier ministre en exercice Isaac Zida avait affirmé que les écoutes téléphoniques étaient “authentiques”.

    Le 16 septembre, des soldats du RSP avaient pris en otage le président Michel Kafando et le gouvernement avant de proclamer le coup d’État le lendemain. La mobilisation des citoyens et de l’armée loyaliste avait toutefois conduit à l’échec du putsch une semaine plus tard.

    Djibrill Bassolé a été interpellé à son domicile le 29 septembre. Il a notamment été inculpé de “haute trahison”, “attentat à la sûreté de l’État” et “collusion avec des forces étrangères pour déstabiliser la sécurité intérieure”.

    Guillaume Soro, qui a également fait l’objet en décembre d’un mandat d’amener français dans le cadre de la plainte d’un fils de l’ancien président Gbagbo, s’était défendu mi-décembre devant l’Assemblée nationale affirmant que ces écoutes étaient des “chimères” et qu’il était “victime d’une des pires campagnes de dénigrement et de calomnie”.

    “La spirale, l’emballement et l’affolement médiatique sans précédent contre ma personne méritent des clarifications après le passage de cette tempête inouïe”, avait-t-il dit aux députés.

    Avec AFP

  • Bilan, revendication : ce qu’on sait sur l’attaque terroriste de Ouagadougou

    Bilan, revendication : ce qu’on sait sur l’attaque terroriste de Ouagadougou

    BURKINA ATTACKS-Au moins 29 personnes, de nationalités différentes, sont mortes dans l’attaque jihadiste survenue dans la nuit de vendredi à samedi à Ouagadougou. Au moins quatre jihadistes ont été tués.

     Le bilan : au moins 29 morts

    Au moins 29 personnes ont été tuées et une trentaine blessées dans une attaque jihadiste contre un hôtel et un restaurant de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, selon un nouveau bilan donné samedi 16 janvier au soir par le ministère de la Sécurité burkinabè.

    La plupart des tués sont des Blancs, a indiqué une source proche du parquet, selon laquelle au moins cinq Burkinabè figurent aussi parmi les victimes. Ces dernières seraient de 18 nationalités différentes, d’après une source sécuritaire burkinabè.

    Parmi les nationalités étrangères, on compte pour le moment un Américain, deux Français, deux Suisses, et six Canadiens.

    Les corps de trois jihadistes ont été identifiés, tous des hommes, a précisé dans la soirée Simon Compaoré. Une source sécuritaire avait auparavant évoqué la présence d’au moins quatre jihadistes, dont deux femmes. Le ministre de la Sécurité intérieure a précisé que les assaillants étaient “très jeunes” – “le plus âgé ne doit pas avoir plus de 26 ans” – et qu’ils étaient arrivés à bord de véhicules immatriculés au Niger.

    – L’opération est terminée

    La fin de l’assaut a été annoncée en fin de matinée, après une douzaine d’heures d’opérations.

    Les opérations de ratissage se poursuivaient dimanche à Ouagadougou à la recherche d’éventuels jihadistes, tandis que les enquêteurs travaillaient toujours sur les lieux.

    – Le président Kaboré appelle le peuple au “courage”

    Le président Roch Marc Christian Kaboré a appelé le peuple burkinabè au “courage”, à la “vigilance”, et un deuil national de 72 heures sera observé à partir de dimanche.

    Un total de 126 personnes, dont 33 blessées, ont été libérées au cours des opérations, selon le ministre de l’Intérieur Simon Compaoré. Parmi les rescapés figure le ministre du Travail Clément Sawadogo, présent dans l’hôtel Splendid au moment de l’attaque.

    – Une attaque revendiquée par Aqmi et attribuée à Al-Mourabitoune

    L’attaque a été revendiquée dans la nuit par le groupe jihadiste Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi), qui l’a attribuée au groupe Al-Mourabitoune du chef jihadiste Mokhtar Belmokhtar, selon SITE, une organisation américaine qui surveille les sites internet islamistes.

     Les réactions

    Paris et Washington, deux alliés clés du Burkina Faso, ont condamné l’attaque samedi, ainsi que l’Union européenne et le Royaume-Uni.

    Des forces spéciales françaises sont stationnées dans la banlieue de Ouagadougou dans le cadre de la lutte anti-jihadiste dans le Sahel. Washington dispose également de 75 militaires dans le pays, et a indiqué apporter un soutien aux forces françaises dans l’opération.

    La Commission de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a affirmé “sa détermination à lutter sans relâche contre toute forme de terrorisme dans la région”, selon un communiqué.

    “Nous considérons comme dirigée contre chacun de nos pays et contre l’ensemble de notre Communauté, l’attaque terroriste de Ouagadougou”, a déclaré le président en exercice de l’organisation régionale, le chef d’Etat Sénégalais Macky Sall, se disant prêt à prendre “toutes les mesures que requiert la situation”.

    Avec AFP

  • Burkina Faso: Roch Kaboré, président du changement dans la continuité

    Burkina Faso: Roch Kaboré, président du changement dans la continuité

    BURKINA-POLITICS_0-Issu d’un processus électoral exemplaire, le nouveau président du Burkina Faso a prêté serment en présence de nombreux chefs d’Etats et de gouvernements de la sous-région. Premier président élu de l’histoire du Pays des hommes intègres marquée par de nombreux coups d’Etat, Roch Marc Christian Kaboré est pourtant un ex-baron du régime Compaoré qui a été renversé suite à une insurrection générale en 2014. Populaire et consensuel, l’homme saura-t-il se renouveler pour répondre aux aspirations de la jeunesse qui a mis à terre son ancien mentor ?

    Le palais de Kosyam a désormais un nouveau locataire. Vainqueur de l’élection présidentielle du 29 novembre qu’il a remportée dès le premier tour avec un score historique de 53%, le nouveau président du Burkina Faso a la réputation d’être un homme de dialogue, consensuel et capable de s’élever au-dessus des intérêts partisans. Cela tombe bien car du président Roch Marc Christian Kaboré qui prend les rênes du pouvoir 14 mois après la puissante insurrection populaire qui a renversé l’ancien régime et a poussé à la fuite son leader Blaise Compaoré, on attend qu’il réconcilie les Burkinabè et les aide à tourner l’une des pages les plus turbulentes de leur histoire.

    Ce ne sera peut-être pas chose facile pour quelqu’un comme Roch Kaboré, 58 ans, qui est aussi marqué par le passé. Paradoxalement, l’insurrection d’octobre 2014 qui a profondément bouleversé la vie politique burkinabè, n’a pas permis de faire émerger des leaders politiques neufs, laissant le champ libre aux partis traditionnels. Aussi, le nouveau président que les Burkinabè ont élu n’a-t-il de nouveau que le nom.

    Le président Kaboré n’est pas en effet un nouveau venu dans les allées du pouvoir au Burkina. Il est bien connu des populations pour avoir été un fidèle de l’autocrate Blaise Compaoré pendant trois décennies, occupant plusieurs fonctions importantes avant de quitter le navire tout juste dix mois avant qu’il ne coule définitivement. Un départ dicté essentiellement par opportunisme et par dépit, si l’on croit les détracteurs du nouveau président. L’homme avait en effet été progressivement écarté des instances décisionnelles du pays et du parti pour s’être opposé à la réélection anti-constitutionnelle du « Beau Blaise » en 2015, après l’avoir soutenue. C’est toute l’ambiguïté du nouvel homme fort d’Ouagadougou, issu de l’élite burkinabè qui gouverne le pays depuis l’indépendance. Renversée par la rue, puis rappelée au pouvoir par ceux-là mêmes qui l’avaient mise en cause, cette élite est condamnée à faire peau neuve pour ne pas retomber dans ses travers du passé. Des travers qui ont pour nom impunité, mal-gouvernance, corruption…

    C’est donc en proposant le changement dans la continuité que Roch Kaboré s’est fait élire à la présidence. Pendant la campagne électorale, l’homme avait mis en avant sa longue expérience de la gestion des affaires de l’Etat, faisant habilement oublier sa proximité avec le régime déchu. Tout le monde apparemment n’avait pas oublié, puisque son rival le plus sérieux Zéphirin Diabré, venu deuxième à la présidentielle avec 21,65% des suffrages, a fait un tabac avec son slogan de campagne, « C’est même pipe, même tabac, même chose », accusant son adversaire de vouloir faire du Compaoré sans Compaoré. Un avertissement qui n’a pas empêché le président élu de remporter le scrutin par un « coup KO », comme on appelle une victoire électorale dès le premier tour en Afrique de l’Ouest.

    Instinct de survie

    Fin stratège, Roch Marc Christian Kaboré a appris la politique dans le berceau. Né en 1957, ce catholique pratiquant, issu de l’ethnie majoritaire du Burkina, les Mossis, est le fils d’un ancien ministre des Finances dans le premier gouvernement voltaïque (le Burkina s’appelait encore la Haute-Volta) après la colonisation. Si les récits de son père l’ont initié très tôt aux us et coutumes de la vie politique nationale, les premiers engagements personnels du jeune Kaboré datent du milieu des années 1970 lorsqu’il débarque en France pour poursuivre ses études universitaires. Il s’implique étroitement dans l’activisme syndical estudiantin, tout en préparant à l’université de Dijon une maîtrise en sciences économiques, puis un diplôme d’études supérieures spécialisées en (DESS) en gestion.

    Séduit par les idées de la gauche radicale, le jeune homme milite, à son retour au pays en 1984, au sein du parti marxiste l’Union de lutte communiste reconstruite (ULC-R), qui avait soutenu la prise de pouvoir à Ouagadougou par Thomas Sankara. Proche du gouvernement révolutionnaire que dirige ce dernier, le futur président Kaboré se fait alors connaître en devenant à 27 ans le plus jeune directeur de la Banque internationale du Burkina (BIB). Mais après l’assassinat de Sankara, alors que les marxistes sont poursuivis par les hommes de Blaise Compaoré qui avaient pris le pouvoir, il se rallie opportunément au camp des putschistes. Il ira jusqu’à saluer publiquement la « rectification de la révolution » des nouveaux maîtres d’Ouaga, faisant ainsi preuve d’un grand instinct de survie qui n’est sans doute pas étranger au parcours exceptionnel que Roch Marc Kaboré a effectué depuis dans la vie politique burkinabè.

    La carrière politique du nouveau président débute véritablement sous le régime Compaoré. Il collectionne les fonctions ministérielles (Transport, Communication, Plan, Finances) et accède à la primature en 1994. Il sera aussi député, Président de l’Assemblée nationale pendant 10 ans, tout en assurant la présidence du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti-Etat de Blaise Compaoré qui rafle toutes les élections. Considéré un temps comme dauphin de son mentor tout-puissant, il est progressivement marginalisé à partir de 2010 lorsque l’entourage proche de Compaoré prend les commandes du parti et organise la vie politique de façon mono-obsessionnelle pour faire aboutir le changement constitutionnel indispensable à la réélection de son chef.

    Disgrâce et nouveaux défis

    Sa disgrâce a été une chance pour Roch Kaboré qui a su la transformer en un formidable tremplin politique, créant son propre parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), en collaboration avec deux autres caciques du régime Compaoré, Salif Diallo et Simon Compaoré. Hommes de réseaux, le trio a mobilisé soutiens et ressources et a utilisé les mêmes méthodes qu’ils avaient expérimentées dans le CDP dont ils furent les principaux architectes dans les années 1990 et 2000, pour asseoir la popularité de leur nouvelle formation.

    Le MPP est devenu une formidable machine à gagner les élections et a assuré la victoire de son poulain Roch Marc Christian Kaboré à la présidentielle de novembre 2015. Cette victoire est d’autant plus éclatante qu’elle a réussi à rassembler au-delà des clivages politiques (ancien régime et ses opposants) et socoio-géographiques (villages et villes) habituels. « Moins de deux ans après la création du MPP, nous nous retrouvons dans la position d’être le premier parti du Burkina Faso », s’est félicité le nouveau président, avant de rappeler que ce parti a été implanté « sur toute l’étendue du territoire national ». Suivie par l’Afrique toute entière, cette victoire a été saluée dans le monde entier comme un exemple de la démocratie en marche. Ami de la famille Kaboré, le chef de l’Etat de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara, fut l’un des premiers leaders internationaux à appeler le président élu pour le féliciter.

    Malheureusement pour le MPP, les résultats des législatifs ont été moins glorieux, avec une plus grande atomisation du score qu’à la présidentielle. Avec 55 élus sur 127 sièges mis en concurrence, le parti présidentiel n’a pas réussi à obtenir la majorité absolue escomptée, obligeant sa direction à négocier avec les petits partis proches de sa sensibilité social-démocrate pour former une coalition pour gouverner le pays. C’est chose faite, si l’on croit Me Bénéwendé Sankara, le leader charismatique du parti sankariste UNIR, qui a confié à RFI qu’ « une majorité présidentielle composée de 55 députés MPP et de 14 députés des partis alliés dont le nôtre, soutiendra l’action du gouvernement au Parlement ».

    Cette entente cordiale n’en révèle pas moins, comme l’écrit le chercheur Daniel Eizenga du Groupe de recherche sur le Sahel, les limites de la stratégie du MPP : « La politique burkinabè sera désormais plus compétitive. L’ère de Blaise Compaoré avec un Etat-parti dominant est derrière nous. Même si les principaux acteurs de la vie politique demeurent les mêmes, leurs stratégies pour gouverner sont appelées à évoluer. »

    « Plus rien ne sera comme avant », répète à son tour Guy Hervé Kam, porte-parole de l’organisation de la société civile du Burkina Le Balai citoyen. « Les Burkinabè veulent plus de démocratie, plus de justice, fin de l’impunité et des inégalités sociales », déclare-t-il. Rappelant les promesses du candidat Roch Kaboré, il explique que les attentes sont immenses dans tous ces domaines. « La société civile attend le nouveau gouvernement au tournant, affirme-t-il. Nous espérons que dans les six mois qui suivent l’installation du nouveau président, le dossier de la nouvelle Constitution soit sur les rails. De même, pour le dossier sur le chômage des jeunes et last but not least le dossier de l’extradition de l’ancien président Compaoré pour qu’il soit interrogé par les tribunaux burkinabè. » « Notre système est tout à fait apte à le juger », souligne-t-il.

    Si Guy Hervé Kam a été secoué par les rumeurs sur l’envoi des émissaires par le président élu à son prédécesseur pour le rassurer, il veut continuer de croire à la bonne volonté de Roch Kaboré. « C’est vraiment un homme de consensus, quelqu’un qui cherche des compromis plutôt que d’imposer sa décision. »

    Et ses défauts : « Il en a trois : son passé, son passé et, encore et toujours,  son passé », fuse la réponse.


    (1) The Washington Post, 6 décembre 2015.

    RFI

  • Burkina: Michel Kafando,«Libre de mes mouvements, je reprends du service»

    Burkina: Michel Kafando,«Libre de mes mouvements, je reprends du service»

    Michel Kafando-« La transition est de retour. » Les mots sont signés Michel Kafando, qui a repris ses fonctions de président du Burkina Faso ce mercredi 23 septembre à Ouagadougou. Il avait été déposé par le coup d’Etat du 17 septembre dernier. Il assure que le gouvernement se réunira dès jeudi. « En ce qui concerne les dernières propositions de la Cédéao pour une sortie de crise, il est évident que nous ne nous engagerons que si elles prennent en compte la volonté du peuple burkinabè », a dit M. Kafando. Ci-dessous, l’intégralité de cette déclaration au ton très offensif.

    « Mes chers compatriotes,

    dans le malheur nous avons lutté ensemble, dans la liberté nous triomphons ensemble. A présent, libre de mes mouvements, je reprends du service. Et par là même, je m’affirme en la légitimité nationale. La transition est ainsi de retour et reprend à la minute même l’exercice du pouvoir d’Etat. L’a-t-elle d’ailleurs jamais perdu ? Non, vu la clameur nationale contre les usurpateurs, vu la réprobation internationale contre l’imposture, c’est l’aveu même que le gouvernement de transition que vous avez librement choisi, et en qui vous avez totalement mis votre confiance, est resté le seul à incarner la volonté du peuple souverain.

    Au demeurant, le président du Conseil national de la transition, M. Chérif Sy, agissant en intérimaire du président du Faso, a su garder la flamme intacte. Je lui en suis gré. Je vous invite donc à rester mobilisés autour de la transition, pour qu’ensemble nous continuions ce que nous avons commencé. A savoir, remettre le processus électoral sur les rails, après avoir naturellement pansé les plaies et honoré la mémoire de nos compatriotes injustement tombés pour la défense de la patrie, et dont certains gisent toujours dans les morgues. Je m’incline très respectueusement devant leur mémoire. La nation toute entière leur rend hommage.

    En attendant d’examiner la façon dont nous solderons les conséquences de cette funeste barbarie, à toutes les familles éplorées je présente nos sincères condoléances. Nous sommes fiers de la mobilisation et de l’intrépidité du peuple burkinabè, en particulier de sa jeunesse dont la détermination sans faille a permis d’arrêter l’imposture. Tout indique que la conscience aiguë qui a guidé l’insurrection ne s’est guère émoussée, bien au contraire. Je salue notre armée nationale qui, réalisant elle aussi le défi et l’anathème qui lui ont été lancés par cette horde d’insoumis, dans son amour propre a volé au secours du peuple martyrisé.

     Je salue tous les hommes de l’extérieur. Je salue la communauté internationale pour avoir rejeté sans équivoque et de façon péremptoire, ce pronunciamento d’une autre époque. Je salue toutes les forces vives du Burkina Faso, les partis politiques, les organisations de la société civile, les syndicats, le monde de la presse, les autorités coutumières et religieuses, pour leur patriotisme, leur bravoure et leur dévouement. Je rends hommage à tous ceux qui, à travers de longues chaînes de prières continues, de suppliques et d’incantations, ont confié la destinée de notre pays à la mansuétude de la providence divine.

    A tous, je dis merci et reconnaissance. Dès demain, le gouvernement de la transition se réunira au nom de la continuité de la vie nationale. En ce qui concerne les dernières propositions de la Cédéao pour une sortie de crise, il est évident que nous ne nous engagerons que si elles prennent en compte la volonté du peuple burkinabè, clairement exprimée dans la charte de la transition. Vive le Burkina Faso ! Paix et honneur à nos victimes ! A nos morts ! Que Dieu nous vienne en aide ! Que Dieu bénisse le Burkina Faso ! »

    (rfi)

  • Burkina Faso: les jeunes ouagalais prêts à la résistance

    Burkina Faso: les jeunes ouagalais prêts à la résistance

    BURKINA--Alors qu’à l’hôtel Laico se jouent les transactions politiques, les actions des jeunes se préparent dans la rue et dans les maquis. Les jeunes de Ouagadougou ne semblent pas prêts à accepter ce coup d’Etat. Ils réfléchissent à différents types d’actions même si la police tire à balles réelles.

    La déclaration du chef d’état-major qui prend ses distances avec les putschistes n’a pas laissé les Ouagalais indifférents. Au bord des rues ou dans les maquis, ils sont nombreux a appelé l’armée régulière à réagir. « Nous appelons les responsables de l’armée burkinabé à prendre leurs responsabilités, à prendre des engagements parce qu’ils ont prêté serment de protéger la population. L’occasion est là, ils n’ont qu’à nous montrer qu’ils nous défendent » harangue ce premier.

    Le sankarisme en bandoulière, certains veulent croire que l’armée ralliera le peuple contre le Régiment de sécurité présidentielle (RSP). « Ceux qui ont tué notre père, le père de la révolution Thomas Sankara, qu’ils sachent que les enfants de Thomas Sankara ont grandi. Donc tout ce qu’ils font, ça ne passera pas », prévient ce second avec tout autant de ferveur.

    Dans le quartier des 1 200 logements au bord de la route des jeunes sont attablés à l’ombre d’un maquis. Garçons et filles commentent la situation. Ici, personne ne soutient le général Diendéré désigné ennemi public numéro 1. « C’est vraiment l’anarchie que monsieur Gilbert Diendéré veut. On ne va pas nous soumettre à ses désirs. C’est un criminel de guerre, nous le savons. Il a soutenu Blaise Compaoré que nous avons chassé. Si dans son propre village, sa maison a été brulée, je ne pense pas qu’il pourra soumettre le Burkina Faso. Vraiment, qu’il s’en aille. »

    Fasse aux armes et à la répression les jeunes sont prudents. Mais s’il est parfois difficile de manifester, il leur reste d’autres options. « La solution c’est de suivre les mots d’ordre des partis politiques sur internet, on arrive un peu à suivre ce qu’ils disent. On va essayer de lutter à notre manière pour essayer de lutter à notre manière pour ne pas leur rendre la tâche facile. C’est tout ce qu’on peut faire. On va paralyser le pays et je ne pense pas qu’ils tiendront longtemps », explique ce jeune homme.

    Les rues du quartier sont jonchées de pierres et de pneus brûlés parfois de barricades de branchages où paissent quelques chèvres. Les jeunes sont déterminés malgré les tirs à balles réelles et malgré les morts. « Ce n’est plus une histoire de peur, c’est une histoire de courage. Pour l’instant nous on n’a plus peur on va manifester. Ils ont les armes, nous on a le peuple avec nous. Nous on va les affronter. » La mobilisation continue donc. « La patrie ou la mort, nous vaincrons », affirme l’un d’entre eux.

    RFI