
-I. PRELIMINAIRES
Comme un fleuve irriguĂ© par de nombreux affluents, voilĂ plus de neuf ans  que lâon entend des voix sâĂ©lever pour ou contre le « dĂ©coupage territorial », rappelant lâĂ©poque de la tour de Babel  avec son cortĂšge de divisions et dâincomprĂ©hensions. Cette cacophonie sâest intensifiĂ©e depuis la rĂ©cente  promulgation de la loi de programmation n° 15/004 du 28 fĂ©vrier 2015 dĂ©terminant les modalitĂ©s dâinstallation de nouvelle s provinces.
En effet, Ă la faveur de la rĂ©vision constitutionnelle sanctionnĂ©e par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011, lâarticle 226 de la Constitution fut modifiĂ© dans le sens de la suppression du dĂ©lai constitutionnel initial, laissant au lĂ©gislateur le soin dâadopter une loi de programmation dĂ©terminant les modalitĂ©s dâinstallation de ces nouvelles provinces.
Ladite loi de programmation – tant attendu – a pour objet la mise en application  de la volontĂ© du peuple congolais. Elle fixe un nouveau calendrier dâinstallation des provinces qui est conçu en deux phases : la premiĂšre concerne la Ville de Kinshasa et les quatre provinces actuelles non dĂ©membrĂ©es ; la seconde, dont la durĂ©e ne peut excĂ©der cent vingt jours Ă dater de la mise en place des commissions, concerne les autres provinces dont le Haut- Lomami, le Haut- Katanga, le Lualaba et le Tanganyika issues de la province du  Katanga.
Cette loi dĂ©finit Ă©galement les actions Ă entreprendre en vue de la mise en place effective de ces provinces, parmi lesquelles la dĂ©signation des membres de la commission, par le dĂ©cret du Premier Ministre, chargĂ©s dâeffectuer des tĂąches spĂ©cifiques notamment,  dâĂ©tablissement de lâactif et du passif des anciennes provinces.
En optant pour la « dĂ©centralisation », la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo (RDC) nâinnove pas. Plusieurs pays africains lâont optĂ© Ă la suite des crises Ă©conomiques, sociales et/ou politiques quâils ont connu. La dĂ©centralisation est souvent perçue comme la panacĂ©e pour relever toute une sĂ©rie de dĂ©fis en matiĂšre de dĂ©veloppement: reconstruire lâĂtat, combattre la corruption, restaurer la confiance dans le gouvernement, promouvoir des formes de gouvernance plus participatives et lutter contre la pauvretĂ©. En pratique, les choses sont loin dâĂȘtre aussi simples si, pour dâaucuns, la dĂ©centralisation est intrinsĂšquement une bonne chose Ă laquelle il convient dâavoir recours en toutes circonstances, il existe cependant un courant de scepticisme important et la RDC ne fait pas exception.
Câest pourquoi il sied de rĂ©flĂ©chir sur les conditions de sa rĂ©ussite !
II. AU DELA DES PESANTEURS ET SCEPTICISME AFFICHES
Depuis que la dĂ©centralisation fut introduite dans la Constitution, sa matĂ©rialisation en RDC nâa cessĂ©e de  rencontrer des pesanteurs qui font que lâurgence de lâapplication de cette politique fut diversement apprĂ©ciĂ©e. Pour nous en convaincre, nous faisons recours Ă la situation de la province du Katanga. En effet, au terme de lâarticle 2 de la Constitution, la RDC compte 25 provinces et la ville de Kinshasa, contre 10 provinces et la capitale actuellement. En clair, il sera procĂ©dĂ© au dĂ©coupage territorial. Ă ce sujet, le Katanga qui Ă©clate en quatre provinces : le Haut- Lomami, le Haut- Katanga, le Lualaba et le Tanganika. Mais lâon a assistĂ© au chapelet des pĂ©titions et des contre-pĂ©titions sur le dĂ©coupage ou non du Katanga, lettres ouvertes et prises de position confuses. Tous les coups furent permis. Certains opĂ©rateurs politiques soutenant mordicus le processus compte tenu de leur attachement Ă de sentiments tribaux et/ou ethniques. Par contre ceux qui sont en dĂ©faveur de la dĂ©cision craignent de perdre certains avantages.
Au-delĂ de toutes ces positions, contre-positions, peurs et cauchemars sur le dĂ©coupage territorial au Katanga, il est impĂ©rieux que les antagonistes aient prĂ©sent Ă lâesprit que la RDC est un « Etat uni et Indivisible» et la dĂ©centralisation, d’essence constitutionnelle soit-elle, n’est pas synonyme de fĂ©dĂ©ralisme, encore moins de confĂ©dĂ©ralisme. La ligne de dĂ©marcation mĂ©rite d’ĂȘtre rapidement tracĂ©eâŠ
Ainsi, nous soutenons quâil ne sâagit plus de dĂ©cider si le dĂ©coupage  territorial  est une option, ou de ne pas la voir franchir lâĂ©tape du stade initial, mais plutĂŽt de savoir comment le mettre en Ćuvre dans la pratique pour quâil puisse rĂ©aliser les objectifs quâil sâest fixĂ©s en assurant Ă la fois la stabilitĂ©, l’efficacitĂ© de l’Etat ainsi que les libertĂ©s dĂ©mocratiques crĂ©atrices d’idĂ©es et de progrĂšs. Ainsi, la RDC a pris un tournant dĂ©cisif dans le mode de gouvernance de ses provinces puisque les principes de l’Etat central fortement dĂ©centralisĂ© ont Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©s comme fil conducteur pour le fonctionnement des institutions.
Lâon doit effacer les peurs dâĂȘtre chassĂ©s dans telle ou telle autre contrĂ©e ou dâaller obligatoirement rĂ©sider ou travailler uniquement dans sa province dite dâorigine car, tout congolais a le droit de sâĂ©tablir partout ou il veut et personne ne pourra le lui en priver sans violer la Constitution et les droits fondamentaux. Pour ce faire, ayons tout simplement Ă lâesprit lâidĂ©e que  la dĂ©centralisation est juridiquement un mode d’organisation des pouvoirs publics. C’est le transfert de certaines compĂ©tences de l’Etat Ă des collectivitĂ©s territoriales, autonomes financiĂšrement et juridiquement du pouvoir central. Mais en rĂ©alitĂ©, elle est aussi l’affaire de chaque citoyen car elle modifie profondĂ©ment ses relations avec les pouvoirs publics. TOCQUEVILLE affirmait par exemple que la centralisation administrative n’Ă©tait propre « qu’Ă Ă©nerver les peuples » car elle tendait « Ă diminuer parmi eux l’esprit de citĂ© ».
En RDC, les mutations institutionnelles et socio-politiques attendues doivent ĂȘtre comprises comme un Ă©largissement de la dĂ©mocratie participative pour stimuler la responsabilisation des acteurs Ă la base. Dans ce sens, la dĂ©centralisation offre non seulement des espoirs dâun renforcement de la dĂ©mocratie et de la bonne gouvernance locale mais aussi des promesses dâune plus grande efficacitĂ© et efficience dans lâoffre de services adaptĂ©s aux besoins locaux et un cadre adaptĂ© pour atteindre les objectifs du millĂ©naire pour le dĂ©veloppement. Toutefois, la dĂ©centralisation nâapportera une plus grande efficience dans lâoffre des services, une meilleure gouvernance locale et ne contribuera Ă la rĂ©duction de la pauvretĂ© et Ă la consolidation de la paix sociale seulement si certaines conditions sont remplies.
III. QUELQUES CONDITIONS POUR UN DECOUPAGE TERRITORIAL REUSSI AU KATANGA ET EN RDC
3.1. Le respect et la compréhension des textes légaux qui organisent le découpage territorial  par le peuple et ses élus
La culture dĂ©mocratique veut quâaprĂšs la promulgation de la loi de programmation qui dĂ©termine, en application de lâarticle 226 de la Constitution les modalitĂ©s dâinstallation de nouvelles Provinces en RDC et pour le cas dâespĂšces, qui dĂ©termine les quatre provinces qui sont issues de la province du Katanga telles que Ă©numĂ©rĂ©es Ă lâarticle 2 de la Constitution, les frondeurs doivent sâincliner et se mettre au pas. Il leur aussi appartient le droit de mener dâautres dĂ©marches lĂ©gales pour que leurs desideratas soient entendus pour un remembrement ou pour un autre dĂ©membrement possible. Cela doit cependant se faire dans  le strict respect des normes.
Lâon entend donc par modalitĂ©s dâinstallation de nouvelles Provinces, lâensemble des opĂ©rations Ă effectuer dans chaque Province selon le calendrier dâinstallation des nouvelles provinces .
A ce sujet, lâon doit retenir que lâinstallation de nouvelles Provinces et de la Ville de Kinshasa se dĂ©roule en deux phases dont la premiĂšre phase concerne les Provinces du Kongo Central, du Maniema, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et la Ville de Kinshasa. La deuxiĂšme phase concerne les Provinces du Bas-UelĂ©, de lâEquateur, du Haut-Katanga, du Haut-Lomami, du Haut-UĂ©lĂ©, de lâIturi, du KasaĂŻ, du KasaĂŻ Central, du KasaĂŻ Oriental, du Kwango, du Kwilu, du Lomami, du Lualaba, de MaĂŻ-Ndombe, de la Mongala, du Nord-Ubangi, du Sankuru, du Sud-Ubangi, du Tanganyika, de la Tshopo et de la Tshuapa. [ Article 3]
Lâinstallation des nouvelles provinces issues du Katanga se fait dans les quinze jours suivant la promulgation loi  et pour les besoins de leurs installations, sur proposition du Ministre ayant lâintĂ©rieur  dans ses attributions, un DĂ©cret dĂ©libĂ©rĂ© en Conseil des Ministres met en place une Commission par Province Ă dĂ©membrer, ici le Katanga qui comprendra aussi des sous-commissions en vue dâeffectuer les opĂ©rations relatives Ă lâinstallation.
ComposĂ©e dâau plus quinze membres Ă raison de trois membres par sous-commission, la Commission a pour tĂąches de  :
– Ă©tablir lâĂ©tat des lieux de la Province ;
– dresser lâactif et le passif de la Province ;
– repartir, entre les nouvelles Provinces, le patrimoine ainsi que les ressources humaines et financiĂšres.
Il sied donc dâinsister sur le respect par lâexĂ©cutif national de mettre en place cette commission et que le travail dĂ©bute sans oublier  lâaudit afin de contrer les dissipations et autres manipulations financiĂšres et  dissimulations des deniers par les dirigeants sortant !
3.2. Lâavenir du  dĂ©coupage territorial quand les dĂ©putĂ©s provinciaux demeurent encore acteurs voire actifs
Dans les trente jours de sa constitution, la Commission prĂ©sente son rapport des travaux Ă lâAssemblĂ©e provinciale existante qui en prend acte.
La prĂ©sentation du rapport par la Commission et sa prise dâacte par lâAssemblĂ©e provinciale existante enclenchent le processus dâĂ©clatement de la Province.
Il sied de nous poser la question de la lĂ©gitimitĂ© et du sĂ©rieux des dĂ©putes provinciaux qui doivent prendre acte du rapport de la commission afin dâenclencher le processus si lâon sait que la plupart desdits dĂ©putĂ©s sont des godillots comme bien Ă©laborĂ© dans notre livre intitulĂ© « Le parlement provincial pour quoi faire ? » . Nâest-ce pas laisser cette charge entre les mains de ceux qui ne partagent pas voire ne portent pas la voix du peuple depuis leurs Ă©lections par hasard en 2006 ? Pour le cas du Katanga, comment cette institution – AssemblĂ©e provinciale – peut-elle enfin se prendre au sĂ©rieux et ne pas demeurer sous le dictat de son « speaker » ennemi du dĂ©coupage territorial quand ses intĂ©rĂȘts sont menacĂ©s oubliant que le fĂ©dĂ©ralisme tant prĂŽnĂ© nâest pas loin de ce qui se trouve sur le gĂąteau ?
Au regard de la loi de programmation, le quinziĂšme jour suivant la prĂ©sentation du rapport par la Commission et sa prise dâacte par lâAssemblĂ©e provinciale existante, chaque AssemblĂ©e provinciale de la nouvelle Province se rĂ©unit de plein droit en session extraordinaire en vue de :
1. lâinstallation du Bureau provisoire dirigĂ© par le doyen dâĂąge assistĂ© de deux membres les moins ĂągĂ©s ;
2. la validation des pouvoirs qui vaut pour le reste du mandat Ă courir.;
3. lâĂ©laboration et lâadoption du RĂšglement intĂ©rieur ;
4. lâĂ©lection et lâinstallation du Bureau dĂ©finitif ;
5. lâĂ©lection du Gouverneur et du Vice-gouverneur de Province, conformĂ©ment Ă lâarticle 168 de la Loi Ă©lectorale.
La sĂ©ance dâouverture est prĂ©sidĂ©e par le fonctionnaire ayant le grade le plus Ă©levĂ© dans lâadministration publique de la nouvelle Province.
La session extraordinaire prend fin Ă lâĂ©puisement de lâordre du jour.
Lorsquâune AssemblĂ©e provinciale ne se rĂ©unit pas dans le dĂ©lai sans motif valable, le Ministre ayant lâintĂ©rieur dans ses attributions la convoque en session extraordinaire. Dans ce cas, la sĂ©ance dâouverture est prĂ©sidĂ©e par un dĂ©lĂ©guĂ© du Ministre de lâIntĂ©rieur.
La durĂ©e de lâinstallation effective des institutions provinciales ne peut excĂ©der cent vingt jours Ă dater de la mise en place des Commissions. VoilĂ donc quâil est urgent que la commission soit nommĂ©e et mise en place et que le travail se fasse sans dĂ©lai pour que les dĂ©putĂ©s provinciaux ne se refugient derriĂšre le dĂ©faut de commission alors quâils doivent cette fois-ci sortir de leurs carcans et devenir des tambourineurs justifiant leur existence par les deux attributions fondamentales qui fondent la compĂ©tence de tout parlement : adopter la loi des hommes, et contrĂŽler lâAdministration chargĂ©e de lâappliquer. Cette double justification rĂ©pond Ă la thĂ©orie de la sĂ©paration des pouvoirs de MONTESQUIEU. Pourtant, le Parlement provincial du Katanga a fait montre de lâamateurisme ou carrĂ©ment ce quâil convient dâappeler « lâanalphabĂ©tisme parlementaire », « lâincultisme  dĂ©mocratique », etc.
Il est certes vrai quâavec les Ă©lections passĂ©es, nous avions dans une certaine mesure saluĂ© la victoire de la dĂ©mocratie. Mais, une question demeure : Avons-nous choisi des bons acteurs ? La rĂ©ponse est bien connue de tous. De plus en plus, nous dĂ©plorons amĂšrement la crise de lĂ©gitimitĂ© que les Parlements provinciaux, institutions pivots de la dĂ©mocratie â traversent. Au Katanga, le gouvernement provincial dominant lâagenda; la cohabitation entre les deux institutions politiques provinciales basĂ©e sur les intĂ©rĂȘts Ă©goĂŻstes et mesquins ont engendrĂ© une gouvernance provinciale peu transparente dĂ©mocratiquement, et les citoyens se demandant a quand le bout du tunnel ? Serait-ce par  lâinstallation des nouvelles provinces ?
De ce qui prĂ©cĂšde, lâon est en droit de se demander dans quelles mesures, lâAssemblĂ©e provinciale qui doit ĂȘtre le symbole de l’expression dĂ©mocratique joue-t-elle encore un rĂŽle dans le processus de dĂ©cision politique de nos dĂ©mocraties dans les nouvelles provinces? Ainsi, avec le lancement du processus dâinstallation des nouvelles provinces, il sied que les dĂ©putĂ©s rĂ©flĂ©chissent sur leur rĂŽle. Il est temps que le Parlement provincial cherche dâapparaĂźtre de plus en plus comme une institution Ă mĂȘme de rĂ©pondre aux attentes dĂ©mocratiques profondes. Sans ĂȘtre le lieu unique des dĂ©cisions importantes, le Parlement en est bien souvent la condition nĂ©cessaire. Il ne doit plus ĂȘtre  « la chambre dâenregistrement » ou mieux « la caisse de rĂ©sonance »  que lâon dĂ©nonce, mais un acteur incontournable dans un systĂšme global de production de la norme : lieu de nĂ©gociation de la dĂ©cision finale, tribune dâaffrontement des idĂ©es, meilleur moyen dâassurer un dĂ©bat transparent et Ă©quilibrĂ©. Par ailleurs, le Parlement devra ĂȘtre de plus en plus, notamment dans sa fonction de contrĂŽle, comme un acteur Ă mĂȘme de rĂ©pondre Ă lâexigence croissante de compte-rendu, constituant ainsi des garanties dĂ©mocratiques : les Gouvernements  provinciaux des nouvelles provinces issues du Katanga devront agir dĂ©sormais sous le contrĂŽle effectif des parlementaires.
3.3. Lâimplication active des citoyens dans le processus
Presque tous les dĂ©bats voire « Ă©bats et Ă©mois » sur le dĂ©coupage en RDC sont faits en lâabsence du peuple, le souverain et bĂ©nĂ©ficiaire primaire. Il est donc important que les citoyens soient au centre du processus par implication active dans le processus. En effet, pour que rĂ©ussisse la dĂ©centralisation, le processus doit ĂȘtre inspirĂ© par lâexigence de la population dâune redĂ©finition des rapports entre lâĂtat et ses citoyens et non ĂȘtre lâĆuvre des calculs politiciens. La population locale doit sâapproprier la rĂ©forme pour veiller Ă ce que lâesprit de la dĂ©centralisation soit respectĂ©, que les dispositions juridiques formelles reflĂštent ses prĂ©occupations et les rĂ©alitĂ©s dans lesquelles elle vit et que ces derniĂšres soient appliquĂ©es. Pour y parvenir de façon efficace, la population doit acquĂ©rir un certain nombre de compĂ©tences et dâaptitudes, en particulier une bonne comprĂ©hension des textes relatifs Ă la dĂ©centralisation. Les citoyens doivent avoir une meilleure comprĂ©hension des enjeux et de la maniĂšre dont ils peuvent participer et intervenir efficacement au niveau local dans les processus de prise de dĂ©cisions qui affectent leur vie et leurs moyens dâexistence. Fondamentalement, la population locale doit avoir foi dans les rĂ©formes et les opportunitĂ©s quâelles offrent, ĂȘtre convaincue quâelle est capable de jouer un rĂŽle important et demander aux collectivitĂ©s de lui rendre compte de la gestion des affaires locales.
Reconnaissons cependant que la rĂ©alisation de cette condition est un dĂ©fi majeur en RDC car le chapelet de la pauvretĂ© et lâanalphabĂ©tisme, freine la participation active et informĂ©e des populations locales. LĂ oĂč lâinformation existe, elle apparaĂźt souvent tintĂ©e des discours partisanes et de division pour faire Ă©chec Ă la dĂ©centralisation.
3.4. Rendre des entités décentralisées et leurs animateurs capables et compétitifs
Fort de lâarsenal juridique sur la dĂ©centralisation, les collectivitĂ©s locales doivent assurer des services sociaux et Ă©conomiques (santĂ©, alimentation en eau, Ă©ducation, etc.) sur la base de plans de dĂ©veloppement locaux. Elles sont censĂ©es sâacquitter de ces services dans la concertation et lâĂ©quitĂ©, en veillant Ă la pleine participation des communautĂ©s qui relĂšvent de leur autoritĂ©. Lâune des raisons principales de la dĂ©centralisation est dâaccroĂźtre lâefficience et lâefficacitĂ© gĂ©nĂ©rales en permettant aux collectivitĂ©s locales de renforcer leur sensibilitĂ©, leur responsabilitĂ© Ă lâĂ©gard des citoyens et lâefficacitĂ© de la production et de la fourniture de services. Ainsi, le processus de dĂ©centralisation est essentiel pour que les instances locales puissent jouer un rĂŽle actif et important en termes de gouvernance locale.
Ă court terme, le succĂšs de la dĂ©centralisation dĂ©pend largement de la mesure dans laquelle la population locale constate quâelle apporte des avantages tangibles. Ătant donnĂ©s les niveaux de pauvretĂ© actuels, cette population, qui perçoit les principes de la gouvernance dĂ©mocratique comme essentiels Ă lâexpression de ses initiatives, veut aussi voir mises en Ćuvre des mesures concrĂštes susceptibles de rĂ©soudre ses problĂšmes quotidiens : Installations sanitaires et Ă©ducatives inadaptĂ©es, alimentation en eau insuffisante, manque dâopportunitĂ©s en matiĂšre dâemploi, de dĂ©bouchĂ©s commerciaux et dâinvestissement, routes impraticables voire inexistantes, etc. Si les collectivitĂ©s locales ne peuvent rĂ©pondre Ă ces questions, cela compromettra gravement leur lĂ©gitimitĂ© et la possibilitĂ© dâopĂ©rer des changements structurels dans le mode de gestion des affaires locales.
Il sera aussi essentiel de renforcer les capacitĂ©s des autoritĂ©s locales pour rĂ©pondre aux dĂ©fis de la « dĂ©centralisation- dĂ©coupage » et leur permettre dâagir en adoptant une dĂ©marche participative, transparente et durable pour rĂ©ussir Ă gagner la confiance et la reconnaissance de la population locale, et, Ă terme, dĂ©velopper et renforcer leur autonomie financiĂšre. Reconnaissons cependant, que cela ne sera pas que facile.
3.5. Fournir un cadre institutionnel favorable qui donne lâautoritĂ© et les pouvoirs de dĂ©cision au niveau local.
Les textes lĂ©gaux sur la dĂ©centralisation permettent la crĂ©ation des entitĂ©s territoriales lĂ©galement reconnues, dotĂ©es dâun budget et dâun personnel propre, ainsi que des pouvoirs de dĂ©cision sur un Ă©ventail de domaines relevant directement de leur compĂ©tence. Le principe de subsidiaritĂ© et la nĂ©cessitĂ© de faire en sorte que le transfert de responsabilitĂ©s sâaccompagne dâun transfert simultanĂ© de ressources sont reconnus. Toutefois, dans la pratique, cet engagement politique en faveur dâun transfert de compĂ©tences connaĂźt des embĂ»ches en RDC quâil faille Ă©laguer au plus tĂŽt. De surcroĂźt, lâabsence dâun pouvoir effectif des collectivitĂ©s locales sur le contrĂŽle de leurs ressources financiĂšres compromettra leur viabilitĂ© Ă©conomique et nuira Ă la lĂ©gitimitĂ© du processus de dĂ©centralisation aux yeux de la population locale. Il appert donc nĂ©cessaire que tous les boulons dâĂ©tranglement du processus de dĂ©centralisation soient rĂ©ellement supprimĂ©s afin que renaisse la RDC de ses cendres comme le phĂ©nix. Ce nâest donc pas un problĂšme de moyens mais de volontĂ© et vision managĂ©riale. Quelles garanties avons-nous quâen rĂ©duisant les provinces de onze a une, la RDC serait nantie en infrastructures et que la misĂšre cesserait ? Aucune et lâon fausserait les prĂ©misses !
IV. En guise de conclusion !
Que conclure, sauf affirmer quâau delĂ des inquiĂ©tudes politiciennes plutĂŽt que citoyennes, il ne nous reste quâĂ affirmer que dĂ©coupage territorial du Katanga – en quatre nouvelles provinces – rĂ©ussi constituera une rĂ©forme politique mettant les Ă©lus locaux au dĂ©fi de rĂ©pondre aux demandes des populations.
Il permettra de mettre en relation directe le besoin social tel quâil est vĂ©cu par le citoyen et la dĂ©cision politique qui lui rĂ©pond. Il autorisera alors non seulement une rĂ©forme de lâEtat par la dĂ©concentration de ses moyens et la rĂ©duction de son pĂ©rimĂštre dâintervention. Un vĂ©ritable processus de reconstruction de lâEtat pourrait ainsi ĂȘtre amorcĂ© en sâappuyant sur les communautĂ©s de base et les entitĂ©s dĂ©centralisĂ©es. Cela est dâautant vrai car, lâespace local constitue, en effet, le lieu dâancrage de la citoyennetĂ©, le maillon initial des liens sociaux et la base du « vouloir vivre collectif ». Pour cette raison, il est impĂ©rieux de favoriser lâĂ©mergence dâentitĂ©s fortes au plus prĂšs des prĂ©occupations des citoyens. Mais une gouvernance locale ne peut ĂȘtre efficace que si les relations avec les autres niveaux de pouvoir sont prises en compte, donnant lieu Ă des Ă©changes, Ă des nĂ©gociations et Ă des actions de coopĂ©ration. Comme qui dirait lâunitĂ© dans la diversitĂ© et non dans lâadversitĂ© !
Dâou lâimportance des actions Ă entreprendre pour un dĂ©coupage territorial rĂ©ussi et la loi sous examen est explicite quand elle affirme  à son article 10 : «  âŠdĂšs lâinstallation de nouvelles Provinces, le Gouvernement de la RĂ©publique initie, en concertation avec les autoritĂ©s provinciales, un programme dâĂ©quipement, de rĂ©habilitation et de construction des infrastructures nĂ©cessaires au fonctionnement de nouvelles provinces. Il prĂ©voit, sur une pĂ©riode de cinq ans, un budget pluriannuel dâinvestissement destinĂ© au financement des travaux prioritaires de nouvelles Provinces. Il procĂšde annuellement Ă une Ă©valuation des travaux rĂ©alisĂ©s dans le cadre du programme âŠ. Le rapport dâĂ©valuation de ces travaux est prĂ©sentĂ©, Ă chaque session budgĂ©taire, Ă lâAssemblĂ©e Nationale et au SĂ©nat⊠».
Toutefois, pour prĂ©venir les risques dâiniquitĂ© territoriale, de dilution des responsabilitĂ©s et des compĂ©tences, lâinstauration dâune dĂ©mocratie locale doit ĂȘtre assortie de politiques complĂ©mentaires (renforcement des capacitĂ©s, dĂ©concentration des services de lâEtat, amĂ©nagement du territoire…) auxquelles tous les Congolais devront contribuer.
Au finish, retenons quâ « il nây a rien de plus puissant quâune idĂ©e dont le temps est venu ». Cette observation de Victor Hugo semble pouvoir avec modestie ĂȘtre appliquĂ©e Ă cette contribution pour une dĂ©coupage territorial rĂ©ussi au Katanga et partant en RDC.