-“Les dirigeants régionaux devraient exercer des pressions sur le gouvernement de Kabila pour qu’il mette fin aux abus et organise d’urgence des élections crédibles” à la fin de cette année, a déclaré directrice pour l’Afrique centrale de Human Rights Watch (HRW).
L’ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé jeudi les dirigeants africains à faire pression sur le régime du président congolais Joseph Kabila en vue de la tenue de la présidentielle cette année en République démocratique du Congo.
“Les dirigeants régionaux devraient exercer des pressions sur le gouvernement de Kabila pour qu’il mette fin aux abus et organise d’urgence des élections crédibles” à la fin de cette année, a déclaré à l’AFP dans un email Ida Sawyer, directrice pour l’Afrique centrale à HRW.
“Nous parlons des dirigeants de l’Union africaine et aussi de l’Afrique centrale et de la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe), notamment l’Angola”, a-t-elle précisé.
Ces pressions peuvent “inclure des déclarations publiques et/ou des conséquences dans leurs relations bilatérales avec la RDC”.
Mme Sawyer a également salué les sanctions infligées lundi par l’Union européenne (UE) à huit responsables de l’appareil sécuritaire congolais et à un ex-chef rebelle accusé d’atteintes aux droits de l’homme.
“Les nouvelles sanctions ciblées de l’UE et des États-Unis à l’encontre de hauts responsables congolais et d’intérêts commerciaux, envoient un message puissant : la répression violente menée par le gouvernement à l’encontre d’activistes, de journalistes et de l’opposition politique a un coût élevé”, soutient Mme Sawyer. Ces sanctions consistent en un gel des avoirs et une interdiction de voyager dans l’Union.
A Kinshasa, des responsables politiques de la majorité ont jugé “arbitraire” cette décision de l’UE.
Pour Mme Sawyer, “le Conseil de sécurité de l’ONU devrait aussi imposer de nouvelles sanctions ciblées” contre des responsables congolais.
La RDC traverse une crise politique née du maintien au pouvoir du président Kabila au-delà de la fin de son mandat qui a expiré le 20 décembre 2016.
M. Kabila est au pouvoir depuis 2001 et la Constitution lui interdit de se représenter.
Un accord conclu le 31 décembre entre la majorité et l’opposition prévoit la tenue de la présidentielle à la fin de cette année, mais cette échéance semble aujourd’hui hypothétique.
-Processus de normalisation politique à l’arrêt, violences récurrentes dans le centre du pays, deux officiels de l’ONU portés disparus, les grandes puissances qui condamnent, le Pape François qui annule sa visite… Rien ne va plus en RDC.
Le site d’information congolais Actualités CD a fait les comptes : « depuis août 2016, la situation au centre de la RDC se dégrade au jour le jour. Plus de 400 tués, 100.000 personnes affectées, le drame du Kasaï commence à ressembler à celui de Beni. Le week-end a été particulièrement violent suite aux affrontements entre les forces de l’ordre et des combattants se réclamant du gourou Kamwina Nsapu près de Mwene-ditu dans la province de Lomami. »
Les autorités congolaises ont par ailleurs confirmé, poursuit Actualités CD, que « deux officiels de l’ONU ont été enlevés dimanche, près de Tshimbulu, à près de 120 km de Kananga, dans le Kasaï Central. Il s’agit d’un Américain et d’une Suédoise. Egalement enlevés, leur trois chauffeurs et leur interprète. Ils auraient tous été conduits dans la forêt par leurs ravisseurs qui ne sont pas encore identifiés. La milice Kamwina Nsapu qui sévit dans la région n’a pas été formellement pointée du doigt tant par l’ONU que par le gouvernement congolais. » En tout cas, relève encore le site congolais, « les attaques attribuées à cette milice font percevoir une vive tension à Kananga et dans plusieurs villes et localités des provinces de l’espace Kasaï. Au niveau international, la France, les USA, l’Union européenne et même le Vatican appellent à des enquêtes internationales sur ces violences. »
« Avec Kabila, ça ne va pas… »
C’est notamment en raison de ce contexte brûlant que le pape François a annulé sa visite en RDC… « C’est un coup dur pour les autorités congolaises qui attendaient ce qui devait être une visite à dimension internationale retentissante, souligne le site d’information congolais Cas-Info. Mais François ne viendra pas. Dans une interview au journal allemand Die Zeit cité par Jeune Afrique, le Pape explique les raisons de cette annulation : ‘Il était prévu d’aller dans les deux Congo, mais, avec Kabila, ça ne va pas, je ne crois pas qu’on puisse y aller’, a affirmé le souverain pontife. »
L’Eglise catholique et son chef manifestent ainsi leur colère envers le président congolais : «au plus fort de la crise politique née de l’absence des élections et du maintien au pouvoir du chef de l’État, le souverain pontife avait reçu Joseph Kabila au Vatican en septembre dernier, rappelle Cas-Infos. François avait alors souligné l’importance de la collaboration entre les différents acteurs politiques et les représentants de la société civile ainsi que les communautés religieuses. Depuis, les relations entre le pouvoir congolais et l’Eglise catholique sont restées mitigées. (…) En annulant la case RDC de son agenda africain devant le conduire prochainement seulement au Soudan du Sud, François ajoute encore un peu plus de pression sur Kinshasa, conclut Cas-Info. Alors que les négociations politiques censées sortir le pays de la crise sont au point mort. »
Obstination ?
Dans la presse ouest-africaine, on s’inquiète également… « Les choses vont de mal en pis au pays de Joseph Kabila, soupire Le Pays au Burkina, avec cette flambée de violences tous azimuts, au moment où le processus politique est aussi dans l’impasse, depuis la mort de l’opposant historique, Etienne Tshisekedi. A cette allure, la RDC court le risque de devenir un brasier ardent, si rien n’est fait pour arrêter l’escalade à temps. »
Ledjely.com, en Guinée, pointe la responsabilité, selon lui, du pouvoir congolais : « dans les événements du Kasaï de ces dernières semaines, à l’image de tous les autres foyers de tension dans le pays, il est tout d’abord question de la faible autorité d’un Etat qui, peinant à s’exercer sur l’ensemble du vaste territoire du Congo, s’obstine cependant à vouloir se maintenir en place contre vents et marées. Un paradoxe si évident que ce même Etat, outre le fait qu’il se révèle inapte à assurer la sécurité à tous les citoyens, est également incapable de créer les conditions économiques qui permettraient à chacun de trouver sa pitance. Dans un tel contexte, conclut Ledjely.com, à l’image de ce que les terroristes font dans le Sahel et dans d’autres parties du continent en proie à la pauvreté, à la misère et à l’abandon de l’Etat, des gourous comme Kamwina Nsapu n’ont aucune peine à prendre possession d’une jeunesse rendue vulnérable par le désespoir et l’absence de perspectives. »
-L’ONG britannique Global Witness a accusé vendredi le géant minier suisse Glencore d’avoir versé plus de 75 millions de dollars à un homme d’affaires israélien proche du président congolais Joseph Kabila au détriment de la principale société publique minière de RDC.
Dans une enquête, Global Witness “a découvert que de 2013 à 2016, Katanga Mining, société cotée à la bourse de Toronto et détenue majoritairement par Glencore, a adressé des ‘pas de porte’ et d’autres paiements d’un total de plus de 75 millions de dollars US à la société Africa Horizons, détenue par Dan Gertler et enregistrée dans les îles Caïmans”, écrit l’ONG dans un rapport.
“En vertu du contrat initial, ces paiements auraient dû être effectués à la Gécamines (Générale des carrières et des mines, ndlr)”, écrit Global Witness.
Cette accusation s’est ajouté aux révélations de l’ONG de novembre sur des versements des royalties de la Gécamines au milliardaire israélien Dan Gertler, homme d’affaires proche de M. Kabila.
Glencore a justifié ces versements en déclarant que “les paiements de pas de porte pour 2013, 2014, 2015 et 2016 à Africa Horizons Investment Limited ont été effectués conformément à l’instruction de paiement de Gécamines” et “des accords tripartites de royalties entre KCC (Kamoto copper compagny), Gécamines et AHIL”.
“Il est scandaleux que Glencore ait effectué des paiements à un ami du président congolais accusé de pots-de-vin et de corruption et qu’elle n’ait pas informé ses actionnaires ou le public de ces transactions”, s’insurge l’ONG britannique.
Le 13 février, Glencore avait annoncé le rachat pour 905 millions d’euros de parts dans deux mines de la République démocratique du Congo appartenant à Dan Gertler.
Global Witness a souvent accusé le magnat israélien d’avoir acquis dans des conditions opaques des concessions minières en RDC, l’un des pays les moins développés de la planète en dépit de ses immenses ressources naturelles.
A la crise économique et sociale en RDC s’ajoute la crise politique aggravée par le maintien au pouvoir de M. Kabila, à qui la Constitution interdit de se représenter et dont le mandat a échu le 20 décembre. Un accord passé entre pouvoir et l’opposition pour cogérer le pays avant des élections prévues d’ici la fin de l’année est au point mort.
-Les évêques catholiques, médiateurs des pourparlers en cours en RD Congo, ont reconnu ce vendredi que l’opposant Étienne Tshisekedi, décédé début février, avait laissé une lettre au président Joseph Kabila. La missive produira-t-elle l’effet escompté ? Rien n’est moins sûr.
Même si son contenu n’a toujours pas été révélé, on en sait un peu plus sur la lettre écrite par Étienne Tshisekedi quelques jours avant sa mort. Son destinataire est bien Joseph Kabila, le président de la RD Congo. Pour mettre fin aux spéculations, la Conférence nationale épiscopale du Congo (Cenco) a fait une mise au point à ce sujet vendredi 24 février, à Kinshasa.
Contrairement aux rumeurs répandues dans le pays, la fameuse lettre n’a pas été remise aux évêques à la veille du dernier départ de l’opposant historique en Belgique. Mais bien avant ! « Le 17 janvier 2017, M. l’abbé Théo Tshilumbu [alors secrétaire particulier de Tshisekedi, ndrl] et M. Pierre Lumbi [cadre du Rassemblement de l’opposition] ont déposé au bureau de la médiation de la Cenco une lettre provenant de M. Étienne Tshisekedi destinée au chef de l’État », indique la Cenco dans une déclaration lue devant la presse par M. l’abbé Donatien Nshole, son porte-parole.
« Les porteurs de cette missive ont donné avec insistance trois conditions pour sa remise à qui de droit : la stricte discrétion, attendre le moment opportun − c’est-à-dire si toutes les négociations entre le Rassemblement et la Majorité présidentielle (MP) n’aboutissent pas − et la remise en mains propres au destinataire », souligne le communiqué de la Cenco.
Selon certains, le courrier contiendrait le nom du futur Premier ministre, poste qui doit revenir au Rassemblement de l’opposition selon les termes de l’accord de la Saint-Sylvestre. Étienne Tshisekedi aurait porté son choix sur son fils, Félix.
Problème : le président Kabila a « estimé qu’il revient au futur président du conseil des sages du Rassemblement de lui présenter la liste des candidats » premiers ministrables, selon les évêques. Passant ainsi outre le compromis politique conclu le 31 décembre qui voudrait que le Rassemblement « présente » un seul nom, en vue de la nomination. Une disposition à laquelle s’accroche le principal regroupement de l’opposition.
Joseph Kabila aurait souhaité un contact direct avec le successeur de Tshisekedi à la tête du Rassemblement.
Visiblement, le couac demeure après la présentation de la correspondance de Tshisekedi à Kabila. À quoi aura-t-elle servi ? Ne risque-t-elle pas de rester lettre morte ?
La médiation, elle, soutient que la missive n’a pas été récusée par le chef de l’État. Ce dernier aurait plutôt souhaité un « contact direct » avec le successeur de Tshisekedi à la tête du Rassemblement. Et comme la plateforme peine à trouver un remplaçant au « Vieux », le statu quo est assuré. À dix mois de l’organisation de plus en plus hypothétique de la présidentielle.
-Un mois après la signature de l’accord de la Saint Sylvestre qui avait désamorcé une explosion imminente grâce à la médiation des évêques congolais, la situation politique est toujours bloquée à Kinshasa.
Certes, des concessions majeures avaient été faites, par les uns et les autres : les négociateurs de la majorité présidentielle avaient accepté que les élections aient lieu fin 2017 et que M. Kabila ne soit pas candidat à sa propre succession. Ils avaient aussi accepté de confier à un représentant de l’opposition le poste de Premier ministre. En contrepartie, l’opposition avait accepté que le chef de l’Etat, dont le deuxième mandat expirait le 19 décembre, reste en fonctions jusqu’aux élections sans qu’un « régime transitoire » soit mis en place.
Les prélats auraient du s’en douter : dans cet accord comme dans tant d’autres, le diable se trouvait dans les détails. Et le diable, c’était la notion d’ « arrangements particuliers » c’est-à-dire les modalités pratiques de la mise en œuvre de l’accord., où chacun (mais surtout le pouvoir, qui avait tout) tente de mettre en œuvre la vieille tactique du « ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est négociable ». Malgré le deuxième ultimatum fixé par les évêques et qui a expiré le week end dernier, quatre points de blocages importants subsistent. Le premier concerne le poste de Premier Ministre. Certes, ce dernier doit être issu de l’opposition et désigné dans les rangs du « Rassemblement », la coalition dirigée par Etienne Tshisekedi. Mais outre le fait que le vieux leader charismatique, malade et affaibli, a du être ramené à Bruxelles dans un jet privé, une divergence majeure subsiste : les partisans de Kabila estiment que c’est au chef de l’Etat qu’il appartient de choisir le chef du gouvernement sur une liste de cinq personnalités qui lui sera soumise par l’opposition. Faut-il dire que la lutte pour le poste est serrée, que le premier ministre sortant Sammy Badibanga (un Kasaïen qui fut proche de Tshisekedi) n’a pas encore dit son dernier mot, que le chef de l’Etat avant de faire son choix définitif, pourra jouer sur la gamme des ambitions et des appétits ?
La répartition des postes ministériels est tout aussi problématique : arguant de sa majorité au Parlement, issue des élections –contestées- de 2011, le camp présidentiel n’entend pas céder les ministères dits régaliens (intérieur, défense, affaires étrangères, justice) et il revendique également les ministères considérés comme « juteux » c’est à dire les mines ou les finances. Autrement dit, Kabila et les siens entendent bien garder en mains les rênes du pays, un atout évident au moment de la future campagne électorale.
La médiation de la Conférence épiscopale (Cenco) représente elle-même le troisième point de blocage : pour la majorité, l’accord conclu à la veille du Nouvel An marquait la fin d’une médiation momentanée. Pour l’opposition, méfiante ou échaudée, les prélats doivent continuer à exercer leurs bons offices et demeurer des arbitres jusqu’au jour du scrutin. Et cela même si certains évêques souhaiteraient retourner dans leurs diocèses respectifs.
La « ligne du temps » est tout aussi problématique : d’un côté les médiateurs comme l’opposition souhaitent respecter les délais et arriver aux élections d’ici fin 2017. Mais de l’autre, les « pinaillages » du camp présidentiel permettent de gagner du temps, afin peut-être, d’atteindre 2018. Ce délai avait été initialement demandé par Kabila et aujourd’hui déjà, il apparaît comme le plus probable. Ajoutons aussi que le jour où l’opposition sera effectivement associée au pouvoir, elle sera peut-être moins désireuse de tout remettre en jeu.
Dans ces négociations en forme de procession d’Echternacht, un non dit progresse dans les esprits : l’idée d’un referendum constitutionnel, soutenu par les amis du président, refusé par l’opposition. Cette consultation, présentée comme une issue à l’impasse actuelle, permettrait de faire sauter le verrou constitutionnel et elle autoriserait M. Kabila à exercer un mandat supplémentaire. A condition que la population consultée marque son consentement. Mais dans un pays où les «mesures de décrispation » (elles aussi promises le 31 décembre dernier) sont loin d’être prises, où la presse demeure sous haute surveillance, chacun sait que poser la question ce sera probablement y répondre…
-Depuis 2003, la famille Kabila a mis en place un empire qui couvre un nombre considérable de domaines, selon une enquête de “Bloomberg”. Cette emprise très rémunératrice sur l’économie du pays expliquerait les réticences du président à quitter le pouvoir, estime l’agence.
D’un Kabila, l’autre… Il y a eu Laurent-Désiré, le père, maquisard, chef rebelle qui a conquis la République avant d’être assassiné dans son palais. Il y a Joseph, le fils aîné, qui a succédé au Mzee (le « vieux », en swahili, surnom donné au père). Dans le sillage de Joseph, il y a Jaynet, la sœur jumelle, et Zoé, l’un des cadets de cette famille nombreuse dont le point commun est un goût prononcé pour la discrétion. De longs mois ont été nécessaires, par l’entremise de certains de ses proches et via les réseaux sociaux, pour convaincre Zoé Kabila Mwanza Mbala, 37 ans, d’ouvrir ses portes à Jeune Afrique.
« Pour un échange, pas une interview », s’est-il empressé de préciser en message privé sur Twitter, car il « déteste » l’exercice. Il se méfie de la presse, qui « ne rapporte que des mensonges sur lui », tente de justifier l’un des collaborateurs de celui qui traîne une réputation d’enfant terrible. Peu bavard mais soucieux que personne n’oublie de qui il est le fils, et de qui il est le frère…
Préparation du dialogue national
Député du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, principale formation politique de la coalition au pouvoir), l’élu de Manono, dans l’ex-Katanga, province natale du Mzee, n’a jamais pris la parole lors des débats au sein de l’hémicycle, en cinq ans de législature.
Sous le ciel brumeux de Kinshasa, l’imposant portail de l’avenue Likasi s’ouvre sur le bâtiment qui abrite ses bureaux. Deux agents de sécurité en civil escortent les visiteurs jusqu’au premier étage. Apparaît alors le maître des lieux dans un cadre minimaliste. Tiré à quatre épingles mais décontracté, le regard braqué sur son iPad, celui qui se définit d’abord comme un businessman a des airs de CEO tout droit sorti de la Silicon Valley.
Le 23 juillet, l’un de ses grands projets a été inauguré à Muanda, dans le Kongo-Central (Ouest). Le président est venu personnellement couper le ruban de La Beviour, un luxueux complexe hôtelier construit sur 7 ha, le long de la rivière Tonde. Un site pressenti pour accueillir le « dialogue national inclusif » préconisé par le chef de l’État. « Dans l’histoire, plusieurs accords de paix ont été conclus dans des stations balnéaires, pourquoi La Beviour ne serait-elle pas le lieu de la réconciliation des Congolais ? » interroge Hippolyte Nyembo, un collaborateur de Zoé.
Patriote
Problème : l’opposition boude toujours ces pourparlers, multipliant les conditions de son éventuelle participation au scrutin présidentiel qui aurait dû se tenir en novembre (une nouvelle date doit être définie prochainement).
Les Kabila ne sont pas prêts à abandonner le pouvoir à n’importe qui
Elle craint surtout que ces assises ne soient qu’un stratagème de la majorité présidentielle pour maintenir Joseph Kabila au-delà de son second mandat, le dernier, théoriquement, en l’état actuel d’une Constitution qui lui interdit d’en briguer un nouveau. Qu’en pense le frère du président sortant ? Celui qui participe « quelquefois » à des réunions informelles au sommet de l’État soutient, dans un parfait swahili teinté d’un accent anglophone, que son aîné n’a nullement l’intention de s’éterniser à son poste, mais aussi que les Kabila ne sont « pas prêts à abandonner le pouvoir à n’importe qui ».
« Notre père a versé son sang pour ce pays, renchérit-il. Lorsque nous étions enfants, il nous répétait que c’était nous qui allions reconstruire la RD Congo. » Si au 19 décembre, date officielle de la fin du mandat de Joseph Kabila, le scrutin présidentiel n’a pas eu lieu, « le président restera en fonction, comme l’a rappelé la Cour constitutionnelle », souligne-t-il d’un ton déterminé.
Né en exil, Zoé ne cesse de rappeler son « attachement infaillible à [sa] patrie ». « Enfant, je ne savais même pas que j’étais congolais. C’est mon père qui nous parlait souvent de la RD Congo, de l’amour que nous devions porter chaque jour à l’égard de ce grand pays », poursuit, un brin nostalgique, l’enfant du Mzee. « Avec ses frères et sœurs, il a été élevé dans le respect de la Bible, mais aussi des pères de l’indépendance », raconte l’ambassadeur honoraire Théodore Mugalu, chef de la Maison civile du chef de l’État.
Zoé est ensuite envoyé en Afrique du Sud pour y poursuivre ses études. « C’est aussi parce que, comme tous les enfants de Laurent-Désiré Kabila, il était recherché par les services secrets zaïrois », croit savoir Mugalu.
Cette parenthèse scolaire, loin du Zaïre (nom de la RD Congo sous Mobutu, de 1971 à 1997) couronnée par un bachelor en gestion, affirme Zoé, ne lui permet pas d’accompagner son père et son grand frère dans la lutte armée contre le régime de Mobutu. Une fois ce dernier vaincu, en 1997, Zoé rejoint sa famille de temps en temps pendant les vacances. Il ne s’installe définitivement qu’en 2001, au lendemain de l’assassinat de son père.
Homme d’affaires aux multiples facettes
À ceux qui menacent la fratrie de « sanctions ciblées » (gel des avoirs, interdiction de quitter le territoire), le cadet réplique sans ambages : « Où croient-ils qu’on irait ? Nous n’avons ni comptes ni résidences à l’étranger. L’Europe ? Je n’y vais qu’une fois par an, et encore », dit-il. Avant de balayer du revers de la main les « Panama Papers », ces montages offshore révélés en avril par des médias occidentaux, qui avaient cité « Dada », la grande sœur.
Dans l’ombre de son frère président, Zoé s’intéresse d’abord au business et fait prospérer ses affaires. « Il a acquis rapidement des actions dans des entreprises minières, de transport, et dans des sociétés financières », rapporte une source diplomatique occidentale à Kinshasa.
« Il était déjà dans le commerce depuis des années, notamment dans l’immobilier, quand il pose ses valises à Kinshasa », précise Mugalu à ceux qui s’interrogent sur l’origine de sa fortune. Et de poursuivre : « Contrairement aux fils de Mobutu et à ceux des autres dignitaires de l’ancien régime qui ont dilapidé leur argent, les enfants de Kabila ont suivi à la lettre ce que leur père leur recommandait : “Prenez-vous en charge.” »
Marié et père de deux enfants, un garçon et une fille, Zoé Kabila est également à la tête du complexe sportif Shark Club et du club Shark XI FC. « Mon équipe de football a récemment débauché deux joueurs du TP Mazembe », se félicite-t-il, amusé, tandis que les rapports sont à couteaux tirés entre son frère et Moïse Katumbi, le propriétaire du célèbre club lushois. Ce dernier, ancien gouverneur de l’ex-Katanga, passé dans l’opposition en septembre 2015 après avoir claqué la porte du PPRD, est même perçu aujourd’hui comme le rival le plus sérieux du camp Kabila. « C’était un frère », reconnaît Zoé Kabila avant de se lancer dans une diatribe contre la classe politique congolaise.
La plupart de ses acteurs ne seraient animés, selon lui, que par un « esprit opportuniste » et des « intérêts égoïstes ». Des pics adressés surtout à des politiciens de la partie ouest du pays. Lui affirme qu’il ne « partage pas les mêmes valeurs » qu’eux et qu’il n’est « pas évident de leur faire confiance. » Mais « on fait du feu avec le bois qu’on a », tranche finalement le cadet, qui dit s’appuyer sur la jeunesse.
Des associations des « amis de Zoé Kabila » (Azoka) fleurissent ces derniers mois un peu partout à Kinshasa et dans l’ex-Katanga. Surtout dans le Tanganyika, sa province d’origine, qu’il aimerait un jour diriger. « Il voulait se présenter lors de la dernière élection des gouverneurs dans les nouvelles provinces, mais il n’a pas eu le soutien de son frère », explique un cadre de la MP. Tapi dans l’ombre, Zoé « n’a pas abandonné cette ambition », conclut-il. Trésor Kibangula, envoyé spécial à Kinshasa.
-Trois semaines de palabres pour rien. Les évêques de la CENCO (conférence épiscopale natioanle du Cogo) qui ont tenté d’arracher un accord entre majorité et opposition pour éviter le chaos en République démocratique du Congo, sont sortis ce jeudi soir sans mot dire de leur dernière rencontre avec le président Kabila dont le second et dernier mandat s’est terminé le 19 décembre dernier.
Alors que depuis dix jours ces évêques annoncent qu’ils sont sur le point d’obtenir la signature d’un accord de partage du pouvoir pendant une période de transition devant amener le pays vers des “élections apaisées et démocratiques”, ils se sont fait éconduire sans ménagement jeudi soir par le président Joseph Kabila qui leur a annoncé qu’il n’entendait signer aucun accord et qu’il allait organiser un référendum populaire. Comme pour prouver qu’il s’agissait d’une vraie détermination, les kabilistes ont déjà commencé à collecter des signatures, dès ce jeudi, dans la ville de Kolwezi (sud-est), pour obtenir le droit d’aller au référendum. Objectif : une modification de la constitution en violation complète de l’article 220 de cette même constitution.
Ce vendredi, les évêques congolais, comme ils l’avaient annoncé, clôtureront les débats du dialogue. Mais, contrairement à ce qu’ils espéraient, ils n’auront pas de signature d’un accord mais bien ce qui pourrait passer comme une déclaration de guerre du pouvoir de Joseph Kabila à l’égard d’une opposition qui a fait énormément de concessions pour entrer dans ce dialogue et, surtout, à l’égard de la population congolaise qui a souvent martelé qu’elle ne voulait pas de prolongation du mandat de Kabila et encore moins d’un nouveau mandat.
Des heures troubles s’annoncent en République démocratique du Congo pu le jeu politique paraît plus bloqué que jamais par la (mauvaise) volonté d’un seul homme.
-Lubumbashi, poumon économique du pays, vit dans la peur de la répression après les émeutes, alors que le second mandat de Joseph Kabila s’est achevé le 19 décembre.
Dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), une ville aime à cultiver son image de cité minière, charmante et prospère. Plus proche de Dar es-Salaam, en Tanzanie, que de la capitale congolaise, Kinshasa, Lubumbashi pourrait même paraître prétentieuse avec son centre-ville soigné, ses maisons coloniales aux jardins fleuris, ses répliques de centres commerciaux sud-africains et ses routes asphaltées.
Dans de nombreux villages des environs, sur des pancartes de fer rouillé s’affiche le visage de l’ancien chef d’Etat Laurent-Désiré Kabila, assassiné en 2001. Son fils et successeur, le président Joseph Kabila, de même que ses principaux conseillers économiques et sécuritaires, ses ministres les plus stratégiques – hydrocarbures, mines, finances, portefeuille – sont originaires de cette ancienne province du Katanga, grande comme la France avant qu’elle soit administrativement redécoupée, en quatre, en juillet 2015.
Lubumbashi est aussi le fief de l’ancien gouverneur Moïse Katumbi. Accusé par le pouvoir d’avoir détourné des fonds lorsqu’il était à la tête de la province, M. Katumbi a bâti sa popularité sur une générosité de façade à l’égard des populations défavorisées, une habileté à impliquer ou à contraindre les sociétés minières à prendre en charge les infrastructures dont le prestige lui revenait. Sans oublier le TP Mazembe, le club le plus connu d’Afrique, dont les victoires servaient à son ascension politique. Depuis la dernière présidentielle en 2011, nul n’ignorait son ambition de succéder à Joseph Kabila, pour qui il a fait campagne avant de se muer en opposant fin 2015, ce qui lui a valu de voir exhumer des dossiers judiciaires.
Début d’insurrection
Menacé d’arrestation, M. Katumbi a négocié avec Joseph Kabila son départ du pays. Son immense villa fastueuse reste occupée par l’un de ses gardes du corps. Parmi ses voisins dans le quartier huppé Golfe, il y a le richissime homme d’affaires George Forrest, à la tête d’un empire minier, industriel et bancaire, ainsi qu’un certain Gédéon Kyungu Mutanga. Ce dernier est un ancien chef de guerre à la cruauté redoutée – et féticheur – qui a un temps usé de la menace sécessionniste avant d’être condamné à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité par la justice congolaise. Il s’est évadé de la prison de Lubumbashi en 2001 puis s’est rendu en octobre 2016, vêtu d’habits à la gloire du président.
Le 19 décembre, date de la fin constitutionnelle du second mandat de Joseph Kabila, les quartiers populaires de Kinshasa se sont soulevés, le temps d’une nuit et d’une journée. Des jeunes armés de pierres ont affronté les forces de sécurité. A Lubumbashi, jusque-là assommée par la répression, les affrontements ont pris la forme d’un début d’insurrection dans leszones défavorisées. Sans pour autant menacer le centre-ville. Huit morts dont quatre par des balles perdues,« pourtant tirées dans le ciel bleu »,assure le porte-parole de la police, et 47 blessés. Des postes de police et des maisons communales du grand marché ont été pillés ou incendiés.
Lubumbashi, poumon économique de la RDC, fief ethnique du président et de ses hommes clés, a défié le pouvoir plus qu’aucune autre ville. Un symbole sonnant et trébuchant. Joseph Kabila ne peut pas se permettre de perdre la deuxième ville du pays. Ces derniers mois, Lubumbashi a fait l’objet de toute l’attention des services de sécurité. Les leaders de l’opposition, dont le vieux Gabriel Kyungu, charismatique chef historique de la mouvance indépendantiste katangaise, ont fait l’objet d’attaques. Des militants de l’opposition et des activistes de la société civile ont été traqués, emprisonnés pour certains.« On vit comme sous une dictature »,dit un opposant qui demande l’anonymat. En réaction à ces deux jours d’insurrection, les services de sécurité auraient interpellé près de 150 personnes originaires de ces communes frondeuses, souvent de manière brutale. Lubumbashi a soudainement perdu de sa superbe.
« On réduit nos dépenses de prestige »,dit, implacable, Jean-Claude Kazembe. Cet ancien ami de Moïse Katumbi resté fidèle à Joseph Kabila, inconnu du gotha de Lubumbashi, a été élu gouverneur du Haut-Katanga en mars. Parmi ses premières décisions : l’embellissement spectaculaire de l’enceinte du gouvernorat, jalonnée de petites maisons de pierre blanche aux toits pointus.« Ce sont des travaux qui contribuent à asseoir le respect des autorités,déclarait avant le 19 décembre M. Kazembe, qui prend la tête d’une province désargentée.J’ai dû baisser mon salaire de même que ceux des fonctionnaires car je dois gouverner avec un budget de 300 milliards de francs congolais seulement[près de 300 millions d’euros]. »
Asphyxie économique
Fini le temps de l’eldorado minier. La deuxième ville du pays s’enfonce dans une crise économique aggravée par le contexte politique. Les principales mines du Haut-Katanga sont à l’arrêt et l’élite de Lubumbashi reste suspendue au cours du cuivre, qui a chuté de 25 % en 2015 et remonte peu à peu, sans pour autant rassurer des investisseurs. Seuls les Chinois, avides de ressources cuprifères et peu exigeants en matière de droits de l’homme, semblent trouver leur compte, opérant le plus souvent à travers des sociétés opaques dissimulées dans des montages financiers qui le sont tout autant. Depuis 2015, des dizaines de milliers d’emplois salariés ont été supprimés dans un pays où l’informel reste prédominant. Les usines disparaissent peu à peu. Restent les creuseurs illégaux qui risquent leur vie pour quelques dollars. La délinquance est en hausse et, dit-on, s’exporte d’Afrique du Sud pour viser les riches expatriés du quartier Golfe.
L’économie minière héritée de l’époque coloniale a endormi la ville, qui a négligé son potentiel agricole, préférant importer les denrées alimentaires produites en Zambie, à une trentaine de kilomètres de là. Le prix des produits de base comme la farine s’est envolé depuis que l’Etat zambien, qui subventionne ses producteurs, a freiné l’exportation en RDC. Cette asphyxie économique a nourri la colère dans les quartiers populaires privés des dons de l’ancien gouverneur populiste, Moïse Katumbi.« Que ce soit Kabila ou Katumbi, ça ne compte pas pour nous, les politiques ne pensent qu’à eux,dit Joseph Mulaj, un petit commerçant des quartiers populaires quadrillés par l’armée.On lutte pour acheter à manger et ça ne peut plus durer. »
Depuis le 19 décembre, Lubumbashi vit dans la peur de la répression et d’une dégradation de la situation économique. Le pouvoir est déterminé à y maintenir sa mainmise. Il en va de la survie du système Kabila.
-Un an d’enquête dévoile la pieuvre qui rapporte “des centaines de millions”.
Les internautes congolais ont partagé, durant toute la journée de jeudi, un article publié par le groupe américain spécialisé dans l’information financière, Bloomberg, dévoilant “le réseau d’entreprises” qui “a rapporté des centaines de millions de dollars à la famille” du président Joseph Kabila. Et ses auteurs de suggérer que cette manne pourrait expliquer pourquoi le chef de l’Etat congolais ne veut pas quitter le pouvoir à la fin de son dernier mandat légal, ce 19 décembre, malgré le risque de troubles.
Septante compagnies
Selon Bloomberg, des “milliers de documents” montrent un “réseau” international de quelque “70 compagnies” construit par la famille de Joseph Kabila. “Sa femme, ses (deux) enfants et huit de ses frères et sœurs contrôlent plus de 120 permis” miniers pour exploiter “or, diamants, cuivre, cobalt et autres minéraux“. “A elles seules, deux des affaires de la famille possèdent des permis miniers pour le diamantpour des superficies s’étirant sur plus de 450 miles” (724 km).
La famille a aussi des parts dans “des banques, des fermes, des distributeurs de carburant, des opérateurs aériens, un constructeur de routes, des hôtels, un grossiste en pharmacie, des agences de voyage, des boutiques et des night-clubs. Et même une entreprise qui a essayé d’envoyer un rat dans l’espace”.
Par la propriété directe d’entreprises et par la détention de parts dans des co-entreprises, les Kabila ont créé “un système tellement invasif que même un paiement aussi apparemment innocent que le loyer payé par l’Onu pour un bureau de police finit par trouver son chemin vers la famille“.
Bloomberg estime que “le manque de transparence dans certaines transactions de la famille a causé des dommages à l’économie du Congo. En 2012, le FMI a coupé son programme de prêt d’un demi-milliard de dollars au Congo après que le gouvernement a refusé de publier les contrats concernant un accord de 2011 sur une mine de cuivre appelée Comide. Une des compagnies impliquées, Goma Mining, appartient pour au moins 10 % à la famille et est présidée par Joséphine, sœur de Kabila”.
Acacia et la Gécamines
Les intérêts miniers de la famille sont partiellement représentés par l’entreprise “Acacia, majoritairement possédée par Jaynet”, sœur jumelle du Président; “Masengo, un de ses petits frères; Sifa, sa fille de 16 ans; et son assistant financier Emmanuel Adrupiako”.
Acacia, poursuit l’article, possède notamment trois mines sur six, près de Luisha, appartenant officiellement à la Gécamines, société nationale, “qui n’a jamais annoncé de partenariat avec la compagnie des Kabila“. “Des soldats, sur le site, forcent les creuseurs à ne vendre leurs minéraux qu’à Acacia et au-dessous des prix du marché“, ajoute Bloomberg, qui cite un rapport financé par la Banque mondiale.
Une autre compagnie contrôlée par la famille, écrit Bloomberg, Kwango Mines, détient “96 permis miniers“; la rivière Kwango, près de l’Angola, est en pleine zone diamantifère.
Un ancien employé de De Beers au Congo a expliqué à Bloomberg que les compagnies minières internationales “n’ont eu d’autre choix que de négocier avec les Kabila”.
Bloomberg souligne qu’en février dernier, Standard and Poor’s a baissé la note du Congo pour les investissements jusqu’à “négatif” en raison des tensions suscitées par le refus de Joseph Kabila de quitter le pouvoir. Et de rappeler que la guerre (1998-2003) avait “diminué la production” de cuivre “de plus de 96 %”.