Tag: manifestations

  • “Kin-la-belle” tient tête à la police de Kabila

    “Kin-la-belle” tient tête à la police de Kabila

    -La situation redevenait calme en fin d’après-midi. Lundi, le commerce va reprendre dans les petites échoppes de Kintambo et des Kinois retourneront boire des bières à Matonge. Jusqu’à la prochaine marche? Les prochaines élections présidentielles ne sont pas prévues avant le 23 décembre.

    “Elle n’est pas morte pour rien. C’est une martyr”, lance Jean-Claude qui s’improvise porte-parole du clan dans la cour de la résidence familiale, à Kinshasa.

    Elle, c’est sa grande sœur, Deshade, 24 ans, aspirante à la vie religieuse, qui vient d’être fauchée par une rafale de balles devant la paroisse Saint-François de Salles, à Kintambo, un quartier populaire de la capitale de la République démocratique du Congo.

    La jeune femme de 24 ans aux tresses noires et marrons, qui sourit à la vie sur un selfie présenté par ses proches en pleurs, est l’une des six victimes de la répression des marches des catholiques contre le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila.

    “Des soldats ont tiré au moins cinq balles. Ma grande sœur a perdu beaucoup de sang”, poursuit Jean-Claude.

    C’est une femme officier qui a donné l’ordre de tirer le coup de rafale fatale, accusent des témoins.

    Derrière le frère, parmi les femmes qui hurlent de douleur, un membre du clan se tait. Le père. “Je ne peux rien dire, je suis officier de police. Dieu jugera”, soupire l’homme, acteur malgré lui d’une tragédie congolaise.

     Une chaise renversée, des rameaux dispersés, une mare de sang qui sèche: les traces de l’agonie de la jeune femme, sont encore visibles devant l’église Saint-François.

    Saint-François, Christ-roi, Saint-Joseph, cathédrale Notre-Dame…: dans la capitale aux 160 paroisses, les fidèles ont défié les forces de sécurité et marché après les messes pour dire non à la prolongation du pouvoir du président Kabila, dont le dernier mandat a expiré le 20 décembre 2016.

    Contrairement à la précédente marche du 31 décembre, les catholiques ont résisté après les premiers tirs de gaz lacrymogènes.

    Pneus brûlés, poubelles renversées, rues barricadées, le quartier de Kintambo, l’un des plus vieux de Kinshasa avec ses petites échoppes à un étage, a été l’un des centres de la colère populaire.

    Des jeunes, des femmes, des hommes ont marché rameaux à la main, entonnant des chants anti-Kabila, au nez et à la barbe des policiers.

    “Ils nous tueront ensemble”

    “Qu’il parte! Il ne fait que tuer les gens, on n’en peut plus”, hurle un jeune homme d’une vingtaine d’années. “Kabila doit partir, nous n’allons plus lui laisser du temps”, lance un autre.

    L’espace d’une matinée, “Kin-la-belle”, la troisième mégapole africaine qui déborde d’énergie malgré la misère, a renoué avec les heures sombres de son histoire.

    Plus loin dans un autre quartier, à Lemba, un homme en civil se promène à l’arrière d’une moto en tirant des coups de feu en l’air. La scène se déroule en face du camp militaire “Mzee Kabila”, en référence à Laurent-Désiré Kabila, père de l’actuel président, assassiné il y a tout juste 17 ans en janvier 2001.

    A une vingtaine de mètres, un groupe de jeunes en colère défient des policiers, visiblement débordés.

    Les marches ont commencé à la fin des messes, comme dans la paroisse Saint-Joseph de Matonge, quartier connu en temps ordinaire pour ses bars et ses boîtes.

    “S’il arrivait qu’on nous menaçait, restons unis et s’ils veulent nous tuer, ils nous tueront ensemble”, donne pour consigne à l’assistance un responsable laïc avant la marche.

    La procession sort, les fidèles arrachent des branches d’arbres pour les agiter comme des rameaux de paix, derrière un enfant de chœur qui porte le crucifix.

    Après 100 mètres, les cantiques religieux s’arrêtent net aux premiers coups de gaz lacrymogènes.

    “Je voudrais qu’on appelle à une nouvelle marche même dans trois jours. Il faut continuer à faire pression sur ce pouvoir”, s’emporte Jean-René, un fidèle.

    “Nous avons tenu tête aux policiers malgré leur brutalité”, se félicite Néhémie, un spécialiste en communication numérique, sonné par les gaz lacrymogènes.

    Dans une autre paroisse, Christ-Roi, les fidèles ont marché sur près de deux kilomètres, avant de recevoir des tirs de lacrymogènes et de balles réelles.

    Ils ont répondu par des jets de pierre. Après un quart d’heure d’affrontement, le curé leur demande de regagner l’enceinte de l’église ou de retourner chez eux.

    “Le pays va bien, la police est très gentille”, ironise un policier qui contrôle l’équipe de l’AFP à l’un des très innombrables barrages déployés dès l’aube.

    Avec AFP

  • Le pape demande aux autorités d’éviter “toute forme de violence” en RDC

    Le pape demande aux autorités d’éviter “toute forme de violence” en RDC

    -Le pape François a appelé dimanche les autorités de la République démocratique du Congo à éviter “toute forme de violence”, à la fin d’un Angelus prononcé à Lima.

    Six personnes ont été tuées dimanche à Kinshasa dans la dispersion de marches interdites à l’appel d’un collectif catholique contre le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila, selon la Mission des Nations unies au Congo (Monusco).

    “Aujourd’hui, des nouvelles très inquiétantes me parviennent de la République démocratique du Congo. Prions pour le Congo”, a déclaré le souverain pontife face à la foule réunie sur la place principale de Lima.

    “Je demande aux autorités, aux responsables et à tous dans ce pays bien-aimé qu’ils mettent en oeuvre tous leurs efforts pour éviter toute forme de violence et chercher des solutions en faveur du bien commun”, a-t-il ajouté.

    Le pape argentin conclut dimanche une tournée d’une semaine en Amérique latine, la sixième de son pontificat, qui a débuté au Chili avant de se poursuivre au Pérou, où il célébrera dans l’après-midi une messe géante dans la capitale.

    Les violences en RDC ont aussi fait 49 blessés dans tout le pays où 94 personnes ont été arrêtées, selon la porte-parole de la Monusco, Florence Marchal.

    La dispersion de précédentes marches interdites le 31 décembre avait fait six morts dont cinq à Kinshasa, selon la Monusco et la nonciature apostolique, aucun d’après les autorités.

    Avec AFP

  • Lacroix, Delattre, Haley demandent une enquête après les violences du 31 décembre en RDC

    Lacroix, Delattre, Haley demandent une enquête après les violences du 31 décembre en RDC

    Les Chrétiens de la paroisse « Bienheureuse Anuarite» en pleine marche pacifique contre la balkanisation se dirigent vers la Cathédrale Notre Dame du Très Saint Rosaire pour assister à une messe en faveur de la paix dans l’est de la RDC. Radio Okapi/Ph. Aliana Alipanagama

    -Le secrétaire général adjoint pour les opérations de paix des Nations unies Jean-Pierre Lacroix a réclamé mardi à Kinshasa “des enquêtes” sur les auteurs des violences du 31 décembre commises par des forces de sécurité congolaises contre des civils.

    “Il est essentiel que les autorités nationales compétentes diligentent les enquêtes nécessaires pour établir les responsabilités et traduire en justice les auteurs présumés de violations des droits de l’homme”, a indiqué M. Lacroix devant le Conseil de sécurité.

    Il a aussi déploré “les entraves” au travail des Casques bleus ce jour-là par les forces de sécurité de la République démocratique du Congo.

    D’après l’ONU et la nonciature apostolique, au moins cinq personnes sont mortes dans la dispersion de marches organisées le 31 décembre à l’appel de laïcs proches de l’Eglise qui demandaient au président Joseph Kabila de déclarer publiquement qu’il quitterait le pouvoir et ne se représenterait pas.

    M. Kabila n’a pas organisé d’élections dans son pays alors que son second et dernier mandat a pris fin le 20 décembre, provoquant des manifestations étouffées dans le sang en septembre et décembre. Des élections pour organiser son départ et sa succession sont désormais prévues le 23 décembre 2018.

    Selon la nonciature, 134 paroisses ont été encerclées et cinq messes interrompues le 31 décembre.

    “La situation politique reste extrêmement fragile” et “la situation sécuritaire des plus préoccupantes”, a souligné M. Lacroix. “Le dialogue reste la seule voie” pour sortir le pays de la crise, a-t-il ajouté, mettant en garde contre tout nouveau retard du calendrier électoral.

    L’ambassadeur français à l’ONU François Delattre a “fermement condamné les violences” commises par les forces de sécurité et a appelé à “une application effective” du calendrier électoral.

    Sur la même ligne, son homologue ivoirien Bernard Tanoh-Boutchoue a appelé tous les acteurs en RDC à “la retenue” et à “éviter les manifestations violentes”.

    L’ambassadrice des Etats-Unis, Nikki Haley, a ajouté que M. Kabila devait “rendre ses forces de sécurité responsables, respecter les droits de l’homme de ses citoyens et respecter son engagement de démissionner” à la suite des élections de décembre.

    “Entendre des rapports de brutalité et de cruauté contre des civils innocents et des enfants dans les lieux les plus sacrés est vraiment horrifiant”, a-t-elle indiqué dans un communiqué.

    Ignace Gata Mavita, ambassadeur onusien de la RDC, a dénoncé des manifestations le 31 décembre dont les organisateurs n’ont pas respecté les procédures prévues par la législation du pays.

    “S’agissant des éléments de forces de l’ordre qui se seraient introduits dans les églises, (…) une enquête a été ouverte et des sanctions” vont être envisagées “à l’endroit des coupables”, a-t-il précisé.

    Début janvier, le gouvernement avait “félicité les forces de police et de sécurité” qui avaient fait preuve “de rigueur, de fermeté et de conformité au droit international humanitaire dans la gestion” des marches du 31 décembre 2017.

    Avec AFP

  • La RDC réprime par la force des marches anti-Kabila

    La RDC réprime par la force des marches anti-Kabila

    -Les forces de sécurité de République démocratique du Congo (RDC) ont réprimé dimanche des messes dans des églises à coups de gaz lacrymogène, et empêché des marches après l’appel des catholiques à manifester contre le maintien du président Joseph Kabila.

    A 13h00 (locales et GMT) toutes les marches et rassemblements dans les églises avaient été dispersés, a constaté un journaliste de l’AFP.

    Coupure internet, déploiement sécuritaire, barrages policiers: les autorites congolaises ont sorti l’artillerie lourde pour étouffer les “marches pacifiques” des catholiques contre le chef de l’Etat, malgré l’appel des Nations unies et des chancelleries au respect du droit à manifester.

    Ces “marches pacifiques” sont organisées par les catholiques congolais, un an jour pour jour après la signature sous l’égide des évêques d’un accord prévoyant des élections fin 2017 pour organiser le départ du président Joseph Kabila.

    A Kananga, au KasaÏ, dans le centre du pays, un homme a été tué par balles par des militaires qui ont ouvert le feu sur des chrétiens catholiques en marge d’une marche anti-Kabila dont le mandat a expiré depuis décembre 2016.

    A Kinshasa, au moins une quinzaine de personnes ont été blessées, selon un décompte d’une équipe de l’AFP qui s’est rendue dans plusieurs paroisses.

    Trois personnes ont été blessées par balles à la paroisse Don Bosco dans la commune de Massina, selon cette source.

    Une dizaine d’autres personnes ont été blessés à la paroisse Saint-Joseph dans la commune populaire de Matonge. A la paroisse Saint-Dominique, un vicaire et une fidèle ont également été touchés, au visage et à au front.

    La police a interpellé douze enfants de chœur catholiques à la sortie d’une paroisse du centre-ville.

    -Kinshasa quadrillée –

    Alors que Kinshasa était quadrillée par les forces de sécurité, la police menait des opérations dans plusieurs paroisses, selon des témoignages recueillis par l’AFP.

    Des militaires de la “garde républicaine procèdent à un contrôle systématique des chrétiens à la paroisse Saint Luc”, a déclaré à l’AFP, un habitant, Giscard, à la sortie d’une messe.

    “Les gens sont placés en file indienne, les mains en l’air, ils sont fouillés avant de sortir de l’enceinte de la paroisse” par cette unité chargée de la protection du président Kabila. “Une fois dans la rue, ils sont soumis à un deuxième contrôle fait par la police”, a-t-il ajouté.

    Toute l’opposition et la société civile qui réclament le départ du président Kabila (46 ans) dès ce 31 décembre 2017 s’est jointe à l’appel à cette marche à hauts risques, interdite par les autorités comme les précédentes manifestations organisées en RDCongo.

    Dans un pays majoritairement catholique où les habitants survivent avec moins de un dollar par jour, c’est en pleine prière au coeur des églises que les forces de sécurité ont fait irruption.

    “Alors que nous étions en train de prier, les militaires et les policiers sont entrés dans l’enceinte de l’église et ont tiré des gaz lacrymogènes dans l’église” où se déroulait la messe, a déclaré à l’AFP un chrétien de la paroisse Saint-Michel, dans la commune de Bandalungwa, dans le centre de Kinshasa.

    “Des gens sont tombés, les secouristes étaient en train de réanimer des vielles dames, mais le prêtre n’a pas arrêté de dire la messe, elle s’est poursuivi avec les chrétiens qui n’ont pas fui”, a affirmé Chantal, une autre paroissienne.

    A la cathédrale Notre-Dame du Congo, à Lingwala, quartier populaire du nord de Kinshasa, les forces de sécurité ont également tiré des gaz lacrymogènes à l’arrivée du leader de l’opposition Félix Tshisekedi, selon des journalistes de l’AFP.

    Des militaires sont ensuite entrés dans l’enceinte de la principale église de Kinshasa, demandant aux gens d’évacuer les lieux.

    A Kinshasa, les catholiques du “comité laïc de coordination” ont invité les fidèles à marcher, bibles, chapelets et crucifix à la main, après la messe de ce dimanche matin.

    Ils demandent au président Joseph Kabila de déclarer publiquement qu’il ne sera pas candidat à sa propre succession.

    Ils souhaitent aussi un “calendrier électoral consensuel” à la place de l’actuel, qui prévoit des élections le 23 décembre 2018 pour remplacer le président Kabila, dont le dernier mandat a pris fin le 20 décembre 2016.

    – Internet coupé –

    Les autorités congolaises ont coupé l’internet “pour des raisons de sécurité d’État” avant cette marche, a constaté dimanche l’AFP.

    Au cours de la nuit, l’armée et la police se sont déployées massivement devant les paroisses de Kinshasa, la capitale aux quelque 10 millions d’habitants. L’armée et la police contrôlaient et fouillaient les véhicules.

    De son côté, Kinshasa a affirmé avoir été informé d’une “distribution d’armes” destinée à déstabiliser le régime.

    Le président Kabila ne s’est pas exprimé.

    Devant l’église Saint-Michel dans le quartier populaire de Bengalou, une équipe de l’AFP a été menacée par un officier congolais.

    “Si vous ne videz pas les lieux, j’ordonne qu’on tire sur vous” , a lancé cet officier. “Moi je ne suis pas de la police, c’est l’armée. Presse ou pas, personne n’entrera. En plus vous êtes avec un Blanc, une race qui nous crée des problèmes. Si vous résistez, on va tirer”, a-t-il ajouté.

    La correspondante de la radio française RFI a été brièvement interpellée, a constaté l’AFP.

    La très puissante conférence épiscopale (Cenco) tout comme le représentant du Vatican en RDC n’ont pas soutenu officiellement ces marches mais ne les ont pas rejetées non plus.

    Avec AFP

  • Mobilisation limitée pour l’appel de l’opposition en RDC

    Mobilisation limitée pour l’appel de l’opposition en RDC

    Manifestants de l’UDPS

    -L’appel à manifester mardi de l’opposition en République démocratique du Congo, rejeté par les autorités, a rencontré un écho très limité, avec par endroits quelques dizaines de personnes dispersées et des villes au ralenti.

    L’opposition tentait de mobiliser une nouvelle fois contre le calendrier qui renvoie au 23 décembre 2018 les élections pour organiser le départ du président Joseph Kabila, dont le deuxième et dernier mandat a pris fin il y a un an, le 20 décembre 2016.

    Le Rassemblement de l’opposition conteste ce calendrier et demande une “transition sans Kabila” dès le 1er janvier 2018.

    Le gouverneur de la capitale Kinshasa avait prévenu le principal parti du Rassemblement, l’UDPS, qu’il “ne saurait prendre acte” de son intention d’organiser une “marche pacifique”, parce “la commission électorale a déjà fixé l’opinion (nationale et internationale) sur la date de la tenue des élections”.

    L’appel de l’opposition s’est traduit par un ralentissement de l’activité à Kinshasa, où la circulation était bien plus fluide que d’habitude.

    Sans être massive, la présence policière était plus importante qu’un jour ordinaire, à l’image d’un camion de police à l’entrée de la rue menant vers la résidence du chef de l’opposition Félix Tshisekedi dans la commune de Limete.

    A Lubumbashi (sud-est), ​les manifestants ont mis le feu au parquet prés le tribunal de paix de Lubumbashi.

    Les activités sont paralysés en grande partie dans la commune.

    A Bukavu (est), une dizaine de personnes qui tentaient de se regrouper ont fui par peur d’être arrêtées par des policiers du groupe mobile d’intervention. Une autre tentative de rassemblement aurait été dispersé à Mbuji Mayi (Kasai, centre), selon le site actualité.cd.

    A Goma (est), la ville est quadrillée depuis lundi par les forces de l’ordre en raison d’une conférence des 26 gouverneurs provinciaux, en présence du président Kabila.

    La précédente journée de mobilisation le 30 novembre s’était soldée par un mort, des dizaines de blessés et d’arrestations.

    Des dizaines de personnes avaient été tuées en septembre 2016 et décembre 2016 à Kinshasa, lorsque des manifestants étaient descendus dans la rue pour demander le départ M. Kabila à la fin de son mandat le 20 décembre 2016.

    Un accord majorité-opposition avait alors été trouvé sous l’égide de l’église catholique le 31 décembre 2016 prévoyant des élections au plus tard en décembre 2017.

    La communauté internationale a pris acte du nouveau calendrier renvoyant les élections au 23 décembre 2018, sous plusieurs conditions, dont le respect du droit de réunion.

    Avec AFP

  • RDC : pourquoi l’opposition peine à mobiliser ?

    RDC : pourquoi l’opposition peine à mobiliser ?

    -Apres deux reports de l’election presidentielle, l’opposition congolaise en appelle a la rue pour faire partir Joseph Kabila. Mais la repression policiere et l’inconstance des opposants decouragent pour l’instant les Congolais. Explications.
    La grande marche de l’opposition pour réclamer le départ de Joseph Kabila du 30 novembre s’est finalement transformée… en journée ville morte, faute de troupes dans les rues. Depuis fin 2016 et les violentes manifestations pour l’absence d’élections pour remplacer président Joseph Kabila arrivé fin mandat, les manifestations de l’opposition sont systématiquement interdites et fortement réprimées par la police congolaise. La dernière mobilisation du 30 novembre n’a pas échappé à la règle. Annoncée comme une grande marche pour exiger que Joseph Kabila quitte le pouvoir, la mobilisation a tourné court pour se terminer en une timide journée ville morte. Une stratégie bien peu efficace pour qui veut faire partir un chef d’Etat qui s’accroche à son fauteuil.

    Que manque-t-il à l’opposition pour réussir à mobiliser la rue ? La violente répression policière qui s’abat à chaque appel à manifester constitue sans aucun doute la première raison de la faible mobilisation populaire. En janvier 2015, la forte mobilisation contre la loi électorale qui repoussait la tenue de la présidentielle s’était soldée par un bilan « d’au moins 50 morts » selon les ONG internationales. Idem pour les manifestations de fin 2016. La répression policière massive avait également fait une cinquantaine de victimes et plusieurs centaines de blessés. Depuis, les manifestants se font plus rares dans les rues à chaque appel de l’opposition, mais les arrestations continuent de se multiplier. Au moins 186 personnes ont été arrêtées le 30 novembre selon le Bureau Conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH).

    Réitérerlamobilisationde2015
    Particularité cette fois-ci, les forces de sécurité ont ciblé de nombreux leaders de l’opposition. Jean-Marc Kabund, le secrétaire général de l’UDPS, et Martin Fayulu, du Rassemblement, ont été interpelés alors qu’ils tentaient de rejoindre la marche. Tout comme Aimé Nzuzi, secrétaire général adjoint de la Démocratie chrétienne et le député Olivier Endundo. Le reste des arrestations ont concerné des militants de partis politiques d’opposition, mais surtout des sympathisants de mouvements citoyens comme la Lucha, très actifs à chaque mobilisation. Mais la population apparaît dans sa grande majorité lassée par une crise politique sans fin, à l’issue incertaine.

    L’opposition sait bien qu’il faudra du temps pour enclencher un nouveau cycle de la contestation, comme celui de 2015. A l’époque, plusieurs marches et journées ville morte avortées avaient précédé les trois jours de forte mobilisation populaire qui avaient fini par faire plier le pouvoir. Une montée en puissance nécessaire pour avoir le temps de sensibiliser la population aux risques que faisaient courir la nouvelle loi électorale sur la tenue des élections. Deux ans plus tard, la situation a peu évolué en République démocratique du Congo : les élections ont été reportées par deux fois, et l’impasse politique est total. Le pouvoir tente à nouveau de reculer les échéances grâce à une loi électorale qui prévoit un « seuil de représentativité » qui verrouille l’hégémonie du parti présidentiel, et une nouvelle « machine à voter » électronique, que l’opposition appelle déjà la « machine à tricher ». Pourtant, l’opposition peine cette fois-ci à mobiliser. Pour quelles raisons ?

    Despoliticienstrèsvolatiles
    L’inconsistance et l’inconstance politique des opposants à Joseph Kabila participent grandement au sentiment de défiance des Congolais vis à vis du personnel politique d’opposition. De nombreux leaders de l’opposition viennent en effet des rangs de la majorité présidentielle, qu’ils ont quitté, non pas sur des désaccords politiques avec Joseph Kabila, mais parce qu’ils jugeaient que le président congolais ne leur laissait pas assez d’espace. Ce fut le cas de Vital Kamerhe, puis de Moïse Katumbi, mais aussi d’Olivier Kamitatu ou de Pierre Lumbi, qui n’ont jamais critiqué la répression politique ou la corruption lorsqu’ils étaient dans la majorité. Dans le sens inverse, un certain nombre d’opposants ont rejoint le pouvoir, en acceptant des portefeuilles ministériels. Oubliant d’un coup de baguette magique, les critiques qu’ils proféraient à l’encontre de Joseph Kabila. Et la liste est longue. Citons les derniers en date, comme Samy Badibanga et Bruno Tshibala qui ont accepté le poste de Premier ministre contre la volonté de leur propre formation politique, l’UDPS.

    Qui croire ? A qui faire confiance ? Léon Engulu, philosophe et ancien coordonnateur adjoint du Mécanisme National de Suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, résume assez bien sur son compte Twitter la grande confusion qui règne dans la classe politique congolaise : « Où donner de la tête? Les opposants avec qui je débattais sur les plateaux télé sont aujourd’hui dans la Majorité, archi-convaincus. Ceux qui m’applaudissaient de cette Majorité sont dans l’opposition, hyper-convertis. Virevolte et volte face, voilà les politiciens congolais ! ».

    Enattendantle19décembre2017
    Pour l’heure, aucun leader n’émerge clairement dans la galaxie des opposants. Moïse Katumbi, le plus en vue, est en exil forcé en Europe, harcelé par la justice congolaise depuis qu’il s’est déclaré candidat à la succession de Joseph Kabila. Son réel poids politique est incertain et bon nombre d’observateurs confondent l’engouement populaire pour le patron de l’équipe de foot et l’adhésion à un projet politique. Quant à Félix Tshisekedi, allié de circonstance à Moïse Katumbi, il peine à s’imposer sur la scène politique. Peu charismatique, le fils de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, a raté son entrée en piste lors de deux manifestations qu’il avait lui-même organisé. Le patron du Rassemblement était« absent » de Kinshasa le jour de la grande mobilisation du 10 avril 2017, et il a manqué le départ de la marche du 30 novembre 2017, attendant en vain les militants qui devaient venir le chercher à son domicile… et qui ne sont jamais arrivés.

    Pour l’instant, force est de constater que l’opposition n’arrive pas à cristalliser la colère des Congolais. De part une répression féroce, mais aussi à cause d’un manque de leadership et de confiance au sein de l’opposition. Pourtant, la colère et bien là et les atermoiements sans fin de Joseph Kabila pour retarder les échéances électorales, ont fini par lasser tout le monde, y compris dans son propre camp. L’opposition n’a d’autre choix que de retenter sa chance dans la rue. Joseph Kabila Kabila n’est visiblement pas décidé à partir et la communauté internationale ne semble pas disposée à le chasser de force. Au sein de l’opposition, nombreuses sont les critiques sur le manque de stratégie et de coordination des principaux leaders. Beaucoup se tournent vers le Togo, où la répression policière est forte, l’opposition divisée, mais où le peuple manifeste régulièrement et massivement dans les rues pour faire pression sur Faure Gnassingbé. L’opposition congolaise a d’ors et déjà pris rendez-vous une nouvelle fois avec les Congolais dans la rue. Ce sera le 19 décembre prochain pour une « marche de sommation ». En espérant que cette fois-ci… ce sera la bonne.

    Christophe RIGAUD – Afrikarabia