Tag: Reportages

  • Au “minimum 25 ans” de prison requis contre Bemba

    Au “minimum 25 ans” de prison requis contre Bemba

    BEMBA-La procureure de la Cour pénale internationale a requis cette peine prison contre l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba pour les meurtres et viols commis par sa milice en Centrafrique en 2002 et 2003.

    “Une telle condamnation serait proportionnelle à la gravité des crimes commis par M. Bemba et à son degré de culpabilité”, a affirmé Fatou Bensouda au terme de trois jours d’audience sur le sujet.

    Si les juges écoutent le procureur, il s’agira de la peine la plus importante jamais décidée par la CPI. La défense, elle, demande entre 12 et 14 ans de détention. Une décision sera prise à une date ultérieure.

    Le 21 mars, au terme d’un procès ouvert en novembre 2010, la CPI avait reconnu l’ancien chef rebelle du nord de la République démocratique du Congo (RDC) coupable de cinq crimes de guerre et crimes contre l’humanité, en vertu du principe de la “responsabilité du commandant”.

    Ce jugement était également le premier de la Cour à avoir condamné le recours au viol comme un crime de guerre.

    Selon l’accusation, il existe deux grandes circonstances aggravantes qui doivent être prises en considération : les crimes ont été commis contre des “victimes particulièrement vulnérables” et avec “une cruauté toute particulière”, a affirmé Jean-Jacques Badibanga, un représentant du bureau du procureur.

    En octobre 2002, quelque 1.500 hommes de la milice de M. Bemba, le Mouvement de libération congolais (MLC), s’étaient rendus en Centrafrique pour soutenir le président Ange-Félix Patassé, victime d’une tentative de coup d’Etat menée par le général François Bozizé.

    Jusqu’en mars 2003, les troupes du MLC y avaient tué, pillé et violé.

    ‘A des milliers de kilomètres’

    “M. Bemba n’a pas participé à ces crimes, il n’était même pas dans le même pays”, a affirmé l’avocat de la défense, Peter Haynes. “Sa culpabilité vient du fait qu’il n’a pas réussi à contrôler une petite partie de ses troupes à des milliers de kilomètres”.

    Lors du procès, M. Haynes avait argué que M. Bemba n’avait émis aucun ordre envers ses troupes en Centrafrique mais les juges ont estimé que l’ancien vice-président, alors en brousse dans le nord-ouest de la RDC, était bel et bien “en contact constant” par téléphone, radio ou téléphone satellite.

    La défense a présenté mercredi M. Bemba comme un homme de paix, devenu pour beaucoup un “croque-mitaine” : “cette image est aussi éloignée de la réalité que l’était l’homme des événements pour lesquels nous sommes ici aujourd’hui”.

    Minimisant la possibilité d’un retour en politique de M. Bemba, Peter Haynes a demandé aux juges de prendre en compte différentes circonstances atténuantes, comme le fait que son client ait déjà passé huit ans en détention ou que ses enfants aient grandi sans leur père.

    Jean-Pierre Bemba, dont le procès a été entaché d’accusations de subornation de témoins, a écouté les arguments des uns et des autres de manière impassible, avachi sur sa chaise.

    Devenu depuis lors le deuxième plus gros parti d’opposition à l’Assemblée nationale congolaise, le MLC a affirmé que la justice de la CPI était “sélective et discriminatoire”. “Il ne s’agit que du réquisitoire du procureur”, a réagi la secrétaire du MLC, Eve Bazaïba.

    Depuis sa fondation, la CPI a condamné deux personnes, à 14 et 12 ans de détention pour enrôlement d’enfants soldats et complicité dans l’attaque d’un village, respectivement.

    Riche homme d’affaires devenu chef de guerre, Jean-Pierre Bemba a été de juillet 2003 à décembre 2006 l’un des quatre vice-présidents du gouvernement de transition de Joseph Kabila en RDC. En 2006, il avait perdu au second tour de l’élection présidentielle contre ce dernier, puis s’était installé en Europe. Arrêté à Bruxelles en 2008, il a déjà passé huit années en détention.

    Avec AFP

  • A Lwiro, la recherche congolaise ne manque pas d’enthousiasme mais de moyens

    A Lwiro, la recherche congolaise ne manque pas d’enthousiasme mais de moyens

    lwiro-“Ce jour-là, on était presque en deuil”. Luc Bagalwa, chef du département de géophysique de Lwiro se souvient de sa tristesse lors de l’éruption du volcan Nyiragongo en 2002: ses appareils de mesure n’avaient plus de papier pour consigner l’activité sismique.

    Comme ses pairs du Centre de recherche en sciences naturelles (CRSN) installé dans cette localité de l’est de la République démocratique du Congo, à plus de 200 km au sud de ce volcan qui détruisit la moitié de la ville de Goma cette année-là, M. Bagalwa témoigne d’un enthousiasme communicatif à faire avancer la science mais déplore un manque criant de moyens.

    Perché dans les hauteurs à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, le CRSN est un miracle. Il a survécu aux guerres et aux conflits armés qui déchirent la province depuis plus de vingt ans, et le tremblement de terre qui frappa la région en 2008 ne lui a causé que quelques fissures.

    Avec sa succession de cloîtres décrépis, le centre a des airs de phalanstère. Construit en 1947 sous la colonisation belge treize ans avant l’indépendance du pays, Lwiro semble s’être figé dans le temps.

    Le directeur général, Jean-Pierre Baluku Bajope, reçoit dans une vaste salle aux murs verts et lambrissés autour d’une gigantesque table en marqueterie entourée de chaises carrées tapissées de cuir. “Elle pèse douze tonnes”, précise-t-il. N’était-ce le grand portrait du président congolais Joseph Kabila en équilibre au-dessus de la cheminée, on se croirait cinquante ans en arrière.

    Aujourd’hui, le centre accueille environ 120 chercheurs et emploie en tout près de 790 personnes en comptant les techniciens, le personnel administratif et les agents chargés de l’entretien des lieux et de 75 hectares de forêts, jardins et vergers au milieu des bananeraies et des champs de maïs, haricot et manioc cultivés par les habitants des environs.

    De l’entrée, on aperçoit le lac Kivu en contrebas, du côté opposé, la ligne de crêtes du parc Kahuzi-Biega, repaire de gorilles menacés et de quelques groupes armés.

    Pour M. Baluku, “la force [du centre] c’est que malgré les guerres, les agents n’ont pas quitté les lieux, ils ont continué à travailler”. Quand ils passaient par le CRSN, parfois pour y dormir, les militaires ou miliciens “ne touchaient pas, ils regardaient”, raconte-t-il, notant même un intérêt de leur part pour le travail des chercheurs.

    – ‘Prix Nobel’ –

    Aujourd’hui, l’Etat congolais paye les salaires. Pour le reste c’est au Centre de se débrouiller. Avec des financements internationaux et les recettes dégagées par les visites ou les frais versés par les chercheurs étrangers de passage, le budget tourne autour 5. 000 dollars par mois, dit M. Baluku, rêvant de pouvoir disposer du double.

    Une ambiance studieuse règne dans la bibliothèque. Mis à part l’absence de publications récentes, l’endroit n’aurait rien à envier à une salle de lecture européenne.

    Depuis quatre jours, l’électricité est coupée, comme cela arrive fréquemment pour ceux qui ont la chance d’en avoir au Congo. On s’enfonce dans un long couloir en s’éclairant à l’aide de son téléphone portable pour découvrir à l’étage l’herbarium : des milliers de spécimens de plantes locales soigneusement archivées dans des pochettes cartonnées empilées dans des armoires métalliques.

    La RDC Congo est une énorme réserve de biodiversité. Dans la salle du laboratoire de rodentologie (étude des rongeurs), les chercheurs s’animent en parlant de leurs récentes trouvailles : l’identification d’une nouvelle espèce de musaraigne, et d’une autre de chauve-souris.

    Malheureusement, pour la chauve-souris, on n’a trouvé qu’un seul exemplaire et elle est conservée à Chicago, l’équipe ayant financé la recherche étant américaine, dit Robert Kizungu, le directeur scientifique du centre.

    M. Kizungu voudrait des fonds pour pouvoir financer des sorties sur le terrain mais il s’emballe quand on lui parle de sa chauve-souris : “C’est fantastique, vous découvrez quelque chose que personne n’a jamais découvert, c’est une contribution pour la science, d’autres personnes ont eu le prix Nobel pour cela !”

    Au laboratoire de phytochimie, Melchi Kazadi Mizangi expose ses travaux sur des oléagineuses locales destinés à trouver de nouveaux aliments pour le bétail. En face, ses confrères entomologues étudient sur les tiques afin de trouver un remède aux maladies qu’elles transmettent au cheptel de la région.

    Sur la table traînent les dernières publications des chercheurs. Selon M. Baluku, le centre a publié environ 70 articles dans des revues scientifiques internationales en 2014. Pour 2015, l’objectif est que chaque chercheur publie au moins une fois.

    ( Jeuneafrique)

  • Remous dans la majorité au sujet de la loi électorale

    Remous dans la majorité au sujet de la loi électorale

    Kabila moto pasi-Sept partis de la majorité congolaise (RDC) ont exprimé leurs inquiétudes sur la révision de la Constitution. Après une réunion agitée, ils ont fini par rentrer dans le rang.

    Les débats ont été houleux, et ont laissé entrevoir les divisions au sein de la majorité présidentielle congolaise (RDC). Dimanche, les partis de la majorité ont tenté d’aplanir les dissensions liées à la révision de la Constitution et à la loi électorale.

    “Dimanche, le président Kabila a ouvert une grande réunion rassemblant les partis de la majorité. Il est par la suite parti et nous (…) avons débattu pendant plusieurs heures, ouvertement, sans tabou”, a indiqué Aubin Minaku, le président de l’Assemblée nationale. “La conclusion est positive (…) la majorité présidentielle demeure unie, elle va se consolider davantage derrière son chef Joseph Kabila Kabange, qui va incessamment s’entretenir avec tous les députés nationaux de la majorité présidentielle ainsi que les sénateurs”, a résumé Aubin  Minaku.

    Inquiétudes

    Cette réunion avait été convoquée après que sept partis de la majorité ont fait part de leurs inquiétudes, dans une lettre adressée au chef de l’État. Évoquant les manifestations sanglantes de la fin du mois de janvier, à la suite du projet de révision de la loi électorale, ils dénonçaient, dans cette lettre, une “rupture du contrat de confiance entre notre pouvoir et le peuple d’une part, et entre nos institutions et la communauté internationale de l’autre”. Une fracture qui risque, selon les membres des sept partis, de planter le décor d’une crise politique grave et difficilement maîtrisable dans les jours à venir.

    “Ils se sont lâchés”

    “Cette lettre est inacceptable, ils se sont totalement lâchés en disant que, quasiment, la majorité n’avait plus de projet à proposer aux Congolais, a déclaré un haut-responsable ayant participé à la réunion. Ils ont pris fait et cause pour l’opposition”, a-t-il ajouté.

    Selon lui, les échanges ont été extrêmement houleux et il a été envisagé d’exclure les sept partis. Finalement, les représentants de ces formations ont fait machine arrière, et réaffirmé qu’ils appartenaient à la majorité présidentielle.

     (Avec AFP)

  • RDC: passe d’armes au Conseil de sécurité sur l’avenir de la Monusco

    RDC: passe d’armes au Conseil de sécurité sur l’avenir de la Monusco

    Raymond_tshibanda_et_Martin_kobler-L’ONU et la République démocratique du Congo (RDC) se sont livrés à une passe d’armes au Conseil de sécurité jeudi, le chef de la diplomatie congolaise réclamant un départ rapide des Casques bleus alors que le patron de la mission de l’ONU plaidait pour un “retrait progressif”.

    Pour le ministre congolais des Affaires étrangères Raymond Tshibanda, “le moment est venu (pour la RDC) d’assumer pleinement ses responsabilités quant à sa sécurité”. Il a demandé fermement au Conseil de “respecter cette aspiration légitime”.

    Le ministre a fait valoir des progrès politiques et économiques accomplis par son gouvernement et des “avancées importantes” des forces gouvernementales contre les rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dans l’est du pays. Il a évoqué un “Etat qui fonctionne et dont l’autorité s’exerce effectivement sur la quasi-totalité du territoire national”.

    Tout au plus, a-t-il reconnu, “il reste encore quelques poches d’insécurité entretenues par des terroristes ougandais dans et autour de Beni (Nord-Kivu) et par les FDLR à certains endroits bien localisés du Nord et du Sud Kivu”. “Partout ailleurs, sur le territoire national, la paix et la sécurité règnent”, a-t-il ajouté.

    Des affirmations battues en brèche par le chef de la Monusco, Martin Kobler, qui a souligné que “la situation générale de sécurité reste instable” et que “beaucoup vivent toujours dans la peur” dans l’est du pays.

    “La Monusco ne restera pas éternellement en RDC, a-t-il expliqué, mais il y a encore des efforts à faire pour ramener la menace des groupes armés et les violences contre les civils à un niveau gérable” par l’Etat congolais.

    “Le départ de la Monusco doit être lié aux résultats obtenus et à l’amélioration concrète de la situation sur le terrain”, a-t-il martelé.

    Selon des diplomates, le Conseil envisage de réduire de 2.000 les effectifs de la Monusco (près de 20.000 hommes) alors que Kinshasa réclame le retrait de 6.000 Casques bleus.

    M. Kobler a aussi critiqué “l’arrestation il y a quelques jours de plus de 40 acteurs de la société civile”. “Laisser un espace politique à la société civile est une condition préalable pour des élections crédibles”, a-t-il souligné.

    Les deux hommes sont revenus sur la nomination par Kinshasa de deux généraux coupables d’abus selon l’ONU, qui a amené la Monusco à se retirer de l’offensive contre les FDLR.

    “Nous ne voulons pas devoir choisir entre combattre les FDLR et soutenir les droits de l’homme”, a lancé M. Kobler. M. Tshibanda a affirmé que Kinshasa n’avait pas été averti à l’avance des soupçons contre les deux officiers qui avaient déjà travaillé avec l’ONU.

    De plus, a-t-il rétorqué, la RDC “tient à garder une totale autonomie sur le plan de la nomination de ses cadres civils et militaires”.

    M. Kobler a cependant offert à M. Tshibanda de “réenclencher la coopération” tandis que le ministre se disait “prêt à engager un dialogue stratégique” pour sortir de l’impasse.

    AFP
  • Tracer les munitions en RDC

    Tracer les munitions en RDC

    Une enquêtrice spécialisée dans les armes et les munitions de petit calibre examine le matériel militaire dans une base reprise aux mains d’une milice, dans le parc national des Virunga, en RDC

    PARC NATIONAL DES VIRUNGA, (IRIN) – Son métier consiste à pister les armes et les munitions de petit calibre dans les zones de conflit en Afrique, et à en déterminer la provenance.

    Chaque cartouche, fusil d’assaut, mortier, roquette ou autre article d’armement militaire qu’elle enregistre constitue une pièce du gigantesque puzzle en cours d’élaboration par l’ONG britannique Conflict Armament Research (CAR), dans le but de cartographier avec précision les flux d’armes de guerre en Afrique.

    L’enquêtrice, qui se déplace au gré des aléas du conflit en République démocratique du Congo (RDC), a souhaité garder l’anonymat. « Idéalement, il est préférable de suivre les affrontements de façon à arriver sur place dès que c’est terminé [pour vérifier le type et la provenance des munitions et des armes de petit calibre] », a-t-elle dit à IRIN.

    La brigade d’intervention de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) bénéficie d’un mandat « musclé » du Conseil de sécurité des Nations Unies pour neutraliser les groupes armés sévissant dans le pays en partenariat avec l’armée nationale (FARDC), et des opérations ciblant toute une série de milices sont en cours.

    « On trouve des munitions soudanaises en RDC. L’essentiel provient du gouvernement de Khartoum. »

    Des éléments des FARDC et de la brigade d’intervention du Malawi se sont récemment emparés de la position des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR, un groupe rebelle rwandais hutu) dans le parc national des Virunga. Deux combattants des FDLR ont été tués, et le reste – une vingtaine d’hommes environ – se seraient dispersés dans la brousse, selon les indications que les FARDC ont données à IRIN.

    Jonglant avec deux téléphones portables, l’enquêtrice multiplie les appels et obtient l’autorisation (ainsi que quelques refus) de certains membres de la hiérarchie militaire des FARDC d’accéder à l’ancien camp de brousse des FLDR, également connu sous le nom de « Kilomètre 9 ».
    « Le mieux est de se rendre sur place et de parler directement avec eux [les FARDC] », dit-elle. « Il faut que nous arrivions avant que les munitions [des FDLR] soient récupérées par les FARDC ».

    Il est impératif de documenter ses découvertes aussi rapidement que possible, sur le terrain. Les groupes armés et les armées régulières partagent le plus souvent les mêmes armes à feu. Après s’être emparé de positions militaires, les vainqueurs se redistribuent généralement les armes et les munitions saisies, et un maillon de la chaîne d’approvisionnement se perd.

    Depuis la route en roche volcanique, rien ne laisse deviner la base qui assurait un revenu aux FDLR grâce au péage de 0,21 dollars US auquel étaient soumis les voyageurs traversant le parc entre Kalangera et Tongo, dans le territoire de Rutshuru (Nord Kivu).

    À la recherche de « marques de culot »

    En s’enfonçant de quelques mètres dans l’épaisseur de la brousse, une clairière dévoile pourtant des traces d’habitation : de la viande de brousse pend aux arbres, et l’odeur qui flotte trahit des problèmes d’assainissement. Il s’y trouve un lit de branchages, au matelas de paille, au-dessus duquel est accroché un poncho en guise de protection contre la pluie – et une caisse de munitions.

    Une à une, l’enquêtrice photographie les marques de culot à la base de chacune des cartouches. Bien qu’il puisse sembler dénué de sens à l’œil non averti, le marquage des munitions est source d’informations pour le spécialiste.

    Les marques de culot d’une cartouche sont imprimées sur le lieu de fabrication, et « on y retrouve le plus souvent le pays d’origine et la date de fabrication », a dit à IRIN le directeur de CAR, James Bevan.

    « Par exemple, le numéro d’identification de la Bulgarie est le 10. Luwero Industries, en Ouganda, utilise du matériel de fabrication chinois et présente donc le même style de police. LI à la position de 12 heures, et les deux chiffres de l’année à la position de 6 heures », a-t-il dit.

    Le code des munitions zimbabwéennes est ZI, tandis qu’au Soudan, certaines portent le code SU ou SUD.

    Les marques de culot comportent d’autres indices évocateurs permettant d’en confirmer l’origine, même s’ils ne suffisent pas à la déterminer, tels que la couleur du joint d’amorce ou la configuration des petites dentelures entourant l’amorce (l’élément de mise à feu à la base de la cartouche).

    « On trouve des munitions soudanaises en RDC. L’essentiel provient du gouvernement de Khartoum. Le M23 [une milice agissant supposément pour le compte du Rwanda voisin] en possédait beaucoup également. Nous essayons de comprendre comment elles sont arrivées jusqu’ici. Elles ne sont pas de très bonne qualité », a dit M. Bevan.

    Fondée en 2011, CAR surveille les mouvements d’armes au Mali, en Somalie, au Soudan et au Soudan du Sud, et a commencé à faire de même en République centrafricaine il y a peu.

    « Il est ressorti [de recherches initiales] que le Soudan approvisionne des forces gouvernementales et non gouvernementales dans toute la région, de l’est à l’ouest de l’Afrique », a dit M. Bevan.

    Le rapport sur les mouvements d’armes en provenance du Soudan devrait être publié en juin 2014. Le même mois, l’ONG lancera une base de données ouverte – baptisée iTrace – au siège des Nations Unies à New York. Il est envisagé que ces informations accessibles au public servent notamment aux autorités nationales de contrôle des exportations d’armes, aux ONG et aux journalistes d’investigation.

    Publié par Small Arms Survey en mai 2014, le rapport intitulé Following the thread : Arms and ammunition tracing in Sudan and South Sudan (Suivre la piste : le traçage des armes et des munitions au Soudan et au Soudan du Sud) a découvert, lors d’une période d’enquête s’étendant d’avril 2011 à juillet 2013, que « les forces de sécurité soudanaises sont la principale source d’approvisionnement en armes des groupes armés non étatiques au Soudan et au Soudan du Sud, par le biais d’une stratégie d’armement délibérée et de prises au champ de bataille ».

    Traité sur les armes

    Le 2 avril 2013, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le Traité sur le commerce des armes (TCA) visant à réguler le marché des armes conventionnelles, estimé à 70 milliards de dollars US annuels. L’Iran, la Syrie et la Corée du Nord ont voté contre. Un an après l’adoption du traité, 118 États l’avaient signé, et 31 l’avaient ratifié. L’entrée en vigueur du TCA est soumise à sa ratification par 50 pays.

    « On trouve des munitions soudanaises en RDC. L’essentiel provient du gouvernement de Khartoum. »

    CAR recueille aussi bien des données sur l’arsenal des milices que sur celui des forces gouvernementales, étant donné que « le commerce illicite et le commerce licite [d’armes et de munitions] sont liés. Les circuits primaires légaux alimentent le marché illicite », a dit M. Bevan.

    Allison Pytlak, directeur de campagne auprès de l’ONG britannique Control Arms Coalition (CAC), a dit à IRIN que le TAC était dépourvu de « mécanismes de suivi [intégrés] ».

    « Certaines études évaluent le commerce annuel de munitions pour les armes légères et de petit calibre à 4,3 milliards de dollars – plus que le commerce d’armes légères et de petit calibre en lui-même, estimé à 2,68 milliards de dollars », a-t-elle dit.

    Mme Pytlak a ajouté que de nombreux pays étaient opposés aux contrôles portant sur les munitions prévus par le traité, « actuellement appliqués aux exportations uniquement – au motif que c’est trop compliqué à mettre en œuvre et à gérer. […] L’immense majorité des pays qui exportent du matériel militaire pratiquent déjà un contrôle des munitions dans le cadre de leurs systèmes de contrôle des exportations d’armes ».

    CAC prévoit la mise en place d’un système documentaire de surveillance de la mise en application du traité, alimentée par la société civile, comparable à l’Observatoire des mines et des armes à sous-munitions dédié au contrôle de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel.

    À Tongo, les soldats des FARDC nettoyaient leurs armes avant les offensives programmées contre les FDLR. Parmi la grande variété d’armes retrouvées sur place se trouve un fusil sans recul, saisi lors de l’assaut d’une position du M23 l’année dernière.

    Une unité des FARDC avait fait main basse sur l’arme : cet exemple illustre la rapidité avec laquelle une arme peut se perdre, dans ces environnements où le matériel passe de mains en mains avec une telle fluidité. Ces informations apportent un élément de réponse, qui permettra par la suite de comprendre comment l’arme a pu transiter par un tel labyrinthe d’acteurs militaires, tant gouvernementaux que non gouvernementaux.

    D’après un rapport publié par CAR en 2012 à la suite d’une enquête portant sur neuf pays – The distribution of iranian ammunition in Africa (La distribution des munitions iraniennes en Afrique) – « Les gouvernements africains sembleraient être les principaux vecteurs de l’approvisionnement en munitions [et armes] iraniennes des marchés illégaux en Afrique – que ce soit du fait de pertes, de vols ou de politiques délibérées d’armement des civils et des forces insurgées ».

    Dans un cas de figure, « il existe une preuve claire d’un approvisionnement direct et illicite de l’Iran à destination du continent », ce qui constitue une violation des sanctions édictées par les Nations Unies en 2007 visant les exportations d’armes iraniennes. « Les transferts de munitions iraniennes contrevenaient aussi aux sanctions des Nations Unies ciblant la Côte d’Ivoire et vraisemblablement aux embargos des Nations Unies frappant la RDC et le Darfour. Il n’y a pas de preuve permettant d’établir une participation directe de l’Iran dans ces violations », explique le rapport.

    « Les marchés d’armes africains évoluent, avec l’apparition de nouveaux fournisseurs et de nouveaux vecteurs d’approvisionnement – aussi bien légaux qu’illégaux. Pourtant, la communauté internationale est freinée dans sa lutte contre la prolifération d’armes illicites, essentiellement du fait d’un manque de capacité de surveillance qui l’empêche de comprendre pleinement les transferts illicites et, partant, de développer des stratégies adaptées de lutte contre la prolifération », souligne le rapport.

    Le traité sur le commerce des armes « est solide s’agissant des contrôles visant les exportations, mais ne s’accompagne d’aucun élément de suivi indépendant à l’heure actuelle. C’est ce que nous [CAR] faisons », a dit M. Bevan.

    go/cb-xq/amz

    [This report does not necessarily reflect the views of the United Nations]

  • Retour de milliers de migrants en RDC après l’opération coup de poing de Brazzaville

    Retour de milliers de migrants en RDC après l’opération coup de poing de Brazzaville

    CONGOLAI REFOULES– Au cours du mois dernier, quelque 60 000 ressortissants de la République démocratique du Congo (RDC) ont quitté la République du Congo voisine, soit parce qu’ils ont été victimes d’expulsions musclées – pour lesquelles plusieurs policiers accusés de brutalité ont été renvoyés – soit parce qu’ils se sentaient menacés par l’opération. Ils étaient 2 600 à faire le voyage en bateau pour la seule journée du 6 mai.

    Le 3 avril, Brazzaville a lancé une opération qui ciblait les délinquants et les migrants en situation irrégulière. Comme le pays se trouve juste de l’autre côté du fleuve Congo, la grande majorité des étrangers vivant en République du Congo sont originaires de la RDC. Ils sont 600 000 à y vivre de petits boulots ; marchands ambulants, éboueurs, chauffeurs ou travailleurs domestiques.

    Selon un policier en poste à Ngobila Beach, en RDC, parmi les 4 000 personnes entassées quotidiennement dans les ferrys pour traverser le fleuve, certaines disent avoir des titres de séjour en règle. Plusieurs personnes ont déclaré que leurs papiers avaient été brûlés ou déchirés par les policiers du Congo-Brazzaville durant l’opération.

    L’une des grandes organisations non gouvernementales de la RDC, Voix des sans Voix, a dénoncé les « traitements cruels, inhumains et dégradants » subis par les migrants, y compris les citoyens de la RDC titulaires d’un titre de séjour valide, mais qui n’ont pourtant pas échappé à ces « expulsions barbares ».

    Selon un responsable de la Croix-Rouge d’une clinique mobile de Ngobila Beach, les nouveaux arrivants ont souvent des hématomes et des blessures. Il a indiqué que deux femmes avaient accouché lors de la courte traversée du fleuve, fin avril.

    « Un garçon avait la gorge enflée, comme si quelqu’un avait essayé de l’étrangler. Les policiers l’avaient roué de coups et lui avaient pris son argent et son téléphone. Un autre garçon a été brûlé au fer à repasser sur le dos et le ventre », a déclaré le responsable.

    Les services de police de Brazzaville ont reconnu qu’il y avait eu des dérapages au début de l’opération et ils ont annoncé le renvoi de 17 policiers sanctionnés pour leur brutalité.

    D’après le compte-rendu du conseil des ministres qui s’est tenu récemment en RDC, des délégations du gouvernement de Kinshasa se sont rendues dans la capitale voisine pour protester contre toutes les expulsions illégales et les violations des droits de l’homme dont ont été victimes leurs compatriotes.

    Le porte-parole du gouvernement de la RDC, Lambert Mende, citant des sources à Brazzaville, a déclaré que seules 1 000 expulsions avaient eu lieu dans les règles. « Il n’est pas impossible que beaucoup soient partis par peur d’une expulsion musclée. »

    Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) « est en contact avec les autorités de la République du Congo pour empêcher l’expulsion de réfugiés et de demandeurs d’asile originaires de la RDC et d’autres pays », a indiqué Céline Schmitt, porte-parole de la représentation régionale du HCR en RDC.

    Discrimination et insultes

    Certaines personnes arrivées à Kinshasa ont dit avoir été victimes de discrimination, de représailles et d’insultes à Brazzaville.

    « C’est la peur qui m’a poussée à revenir », a déclaré Carole, une commerçante de 33 ans qui faisait partie des rapatriés.

    Elle a expliqué que si les violences perpétrées au début de l’opération de police avaient conduit les migrants à fuir à la hâte, sans rien prendre avec eux, les choses ont changé et certains arrivent maintenant avec des affaires, quand ils ont les moyens de payer le transport de leurs bagages.

    Une fois à Beach Ngobila, ils sont emmenés par autobus dans un stade désormais bondé et dans les locaux de la mairie de Kinshasa, où ils reçoivent de l’eau et de la nourriture.

    « Nous avons des cas de paludisme, de diarrhée, de maux de tête et des enfants qui présentent des signes de malnutrition », a déclaré Doris Muyembe, qui dirige la Croix-Rouge à Kinshasa. « Nous avons du mal à soigner tout le monde, car nous manquons de matériel ; il n’y a plus de médicaments disponibles », a-t-il ajouté.

    Selon la Croix-Rouge, 50 pour cent des rapatriés sont originaires de la province de l’Équateur, 20 pour cent du Bas-Congo, 20 pour cent de Kinshasa, et 10 pour cent des autres régions de ce vaste pays. Certains sont retournés dans ces régions à bord d’autobus loués par le gouvernement et d’autres par leurs propres moyens.

    Trouver du travail est la principale préoccupation de ceux qui reviennent. Certains ont réclamé au gouvernement l’instauration de programmes pour leur permettre de gagner décemment leur vie dans leur pays d’origine, afin qu’ils n’aient plus besoin de partir une nouvelle fois à l’étranger.
    (IRIN)