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  • La rumba congolaise, une espèce musicale menacée

    La rumba congolaise, une espèce musicale menacée

    Papa Wemba
    Papa Wemba

    -Après la mort sur scène de l’emblématique artiste congolais Papa Wemba à Abidjan, l’un des chanteurs africains les plus populaires depuis plus de 40 ans, critiques et professionnels redoutent que la rumba “made in RDC” tombe dans l’oubli.

    Vivier de créativité artistique depuis la colonisation, la République démocratique du Congo, berceau de la rumba, n’est plus que l’ombre d’elle-même sur la scène musicale, détrônée par ses pairs d’Afrique.

    “La musique congolaise est en régression, elle a perdu sa compétitivité” sur le continent, tranche Jeannot Ne Nzau Diop, critique musical congolais.

    Jossart Nyoka Longo, qui préside aux destinées de Zaïko langa-langa, un groupe musical congolais fondé avec Papa Wemba au début des années 70, se dit lui aussi inquiet du “danger que court” la rumba congolaise, estimant que “la relève n’est pas vraiment assurée” et qu’aujourd’hui, nombre de jeunes atterrissent dans la musique par “aventure, après avoir échoué partout”.

    Le rayonnement musical du Congo date de la fin de l’époque coloniale. C’est au cours des années 50 que l’attractivité culturelle de Kinshasa s’impose à toutes les capitales africaines tandis que la rumba congolaise dicte sa loi.

    Le Congo belge est alors doté d’une infrastructure appropriée pour la production artistique, portée par des Juifs, des Belges et des Grecs mais plus particulièrement des missionnaires catholiques, propriétaires des studios d’enregistrement, maisons d’édition, et maîtres du circuit de distribution.

    “Toutes les nationalités venaient apprendre la musique au Congo”, déclarent en choeur Ne Nzau et Joe Mondonga, expert en gestion collective de la propriété intellectuelle.

    En 1973, l’industrie est frappée par le choc économique provoqué par la zaïrianisation, quand le dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997) décide d’exproprier les étrangers de leurs commerces pour les attribuer aux nationaux.

    Une musique importée

    “C’est la raison majeure de l’écroulement de l’industrie musicale congolaise. Les repreneurs n’avaient ni connaissance ni expertise du circuit”, explique M. Mondonga.

    L’évolution technologique des années 1980 qui consacre le passagede l’analogique au numérique porte un coup fatal à cette industrie déjà amoindrie.

    “L’infrastructure au pays n’a pas suivi l’évolution technologique”, dit Manda Tchebwa. Conséquence: tout se fait à l’extérieur, de l’enregistrement à la distribution.

    A l’inverse, “on commence à importer la musique” au pays de la rumba, où l’improvisation prend le dessus sur la composition musicale de qualité. “Pour cacher leurs lacunes, les chanteurs se lancent dans d’interminables dédicaces”,une pratique appelé “phénomène mabanga”, explique M. Ne Nzau, critique musical congolais.

    “La baisse qualitative a impacté profondément le rendement économique de la rumba congolaise”, renchérit M. Mondonga. “Aujourd’hui, la musique congolaise c’est plus du bruit, un bruit qui occulte la mélodie et l’art”, juge-t-il.

    Sur le continent africain, de nouveaux pôles de production musicale imposent désormais leur loi, en Côte d’Ivoire ou au Nigeria.

    Dernière épine dans le pied de la musique congolaise: la piraterie, qui sévit depuis près de trois décennies en RDC, appauvrissant à la fois musiciens, éditeurs, producteurs et tous les intervenants de la chaîne. Paradoxalement, des musiciens congolais sont accusés de pirater leurs propres oeuvres.

    Avec AFP

  • RDC : la rumba plie mais ne se rend pas

    RDC : la rumba plie mais ne se rend pas

    rhumba-Si l’afrobeat nigérian, le coupé-décalé ivoirien et le benga kényan règnent désormais dans les clubs hype, les stars congolaises gardent le rythme.

    Il était inimaginable, il y a quelques années, de savourer Kinshasa by night sans écouter de la rumba congolaise. C’est désormais possible. Du Balcon au Klubb, en passant par le Kwilu Bar et quelques autres clubs tendance de la capitale, les DJ font aujourd’hui danser les Kinois sur des rythmes venus d’ailleurs, essentiellement du Ghana, du Nigeria et de l’Afrique de l’Est. Une situation qui hérisse le chanteur congolais Koffi Olomidé. Après trente-huit années de carrière, l’artiste vient de sortir son nouvel album, Treizième Apôtre, le 13 octobre. « Faire croire que la musique africaine ne rime qu’avec la danse et la transpiration, c’est lui rendre un mauvais service. Car elle existe aussi pour émouvoir ceux qui l’écoutent », maugrée ce roi de la rumba congolaise. Dans son viseur, il cible les chaînes de télévision étrangères, très suivies par les Congolais et qui, selon lui, mettent de plus en plus en avant des artistes ghanéens, nigérians et ivoiriens. « La rumba est victime d’une injustice, déplore Koffi. Et sa visibilité sur le plan international en pâtit. »

    Pour Naty Lokole, chroniqueur musical sur Digital Congo TV, d’autres facteurs expliquent ce « recul apparent » de la rumba, en particulier l’acharnement des « combattants ». Depuis quelques années, ces groupes de Congolais de la diaspora empêchent les chanteurs de RD Congo de se produire sur scène en Europe, aux États-Unis, au Canada, voire en Afrique du Sud, sous prétexte que ces derniers (parmi lesquels Koffi Olomidé, Papa Wemba, Werrason, etc.) seraient « des collabos » du régime de Kabila, dont ils chantent régulièrement les louanges.

    Des chanteurs africains, même ceux dont les pays sont en crise, donnent des concerts à l’étranger sans aucun problème, alors que les nôtres ne peuvent plus le faire sereinement, dénonce Naty Lokole

    Conséquence : « Le combat entre nos artistes et les autres ne se joue plus à armes égales, regrette Naty Lokole. Des chanteurs africains, même ceux dont les pays sont en crise, donnent des concerts à l’étranger sans aucun problème, alors que les nôtres ne peuvent plus le faire sereinement. » Il cite, entre autres, le cas de Fally Ipupa, en pleine ascension, qui lui confiait récemment sa « frustration » de ne pas pouvoir se produire dans les grandes salles de spectacle occidentales. Découvert par Koffi Olomidé, qui l’a intégré à son groupe Quartier latin international, au sein duquel il est resté sept ans, Ipupa s’est lancé dans une carrière solo en 2006. Il a déjà sorti trois albums – tous multirécompensés – et vient de produire celui de son orchestre, F-Victeam, intitulé Libre Parcours.

    Malgré les « combattants » et la montée en puissance de l’afro-pop, « la rumba congolaise n’est donc vraiment pas en perte de vitesse, souligne Naty Lokole. Elle est intemporelle, alors que les autres genres musicaux qui font bouger le continent aujourd’hui ne sont que des effets de mode, très commerciaux, qui passent assez rapidement. » Et le chroniqueur kinois d’enfoncer le clou : « Certains musiciens d’autres pays réfléchissent à la façon de prendre le dessus sur notre musique, mais, très souvent, pour faire leurs tubes, ils se contentent de simplement modifier les beats de la rumba », accuse-t-il, dénonçant notamment le coupé-décalé ivoirien qui, selon lui, ne serait qu’une déclinaison de la rumba, en version beaucoup plus rythmée et agitée…

    Koffi Olomidé a d’ailleurs récemment lancé son propre label, Koffi Central, destiné à encadrer et à produire les nouvelles stars de la musique congolaise. Une façon d’assurer la relève

    « Fally Ipupa, Ferré Gola, Fabregas, Cindy Le Cœur, etc. De nombreux jeunes talents sont aujourd’hui connus sur le continent et dans le monde parce qu’ils font de la rumba », argumente quant à lui Koffi Olomidé. L’artiste a d’ailleurs récemment lancé son propre label, Koffi Central, destiné à encadrer et à produire les nouvelles stars de la musique congolaise. Une façon d’assurer la relève.

    « C’est d’autant plus important que les jeunes qui commencent à percer aujourd’hui ont besoin de la bénédiction de leurs aînés pour reprendre le flambeau », continue Naty Lokole, déplorant le fait qu’après des dizaines d’années de carrière les grandes figures de la rumba ne se soient pas investies plus que cela dans la transmission de leur musique aux nouvelles générations. Pour assurer ce passage de flambeau, il plaide d’ailleurs pour que les grands noms de la musique congolaise sortent plus de titres en featuring avec de nouveaux talents. La meilleure façon, selon lui, de mélanger les âges et d’insuffler à la rumba une nouvelle énergie.

    Trésor Kibangula– rfi