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  • Étienne Tshisekedi doit quitter la RD Congo pour un « check-up médical » en Belgique

    Étienne Tshisekedi doit quitter la RD Congo pour un « check-up médical » en Belgique

    -L’opposant congolais Étienne Tshisekedi, âgé de 84 ans, doit quitter Kinshasa dans les heures qui viennent pour effectuer un « check-up médical » en Belgique, a indiqué sa famille à Jeune Afrique. Une absence qui ne remet pas en cause l’application de l’accord politique du 31 décembre, assure l’opposition.

    Étienne Tshisekedi va de nouveau devoir s’éloigner de son pays et de ses partisans. Le principal opposant congolais doit en effet quitter Kinshasa « ce [lundi] soir » pour la Belgique, afin de subir un « check-up médical », a confirmé son fils Félix Tshisekedi à Jeune Afrique.

    « Il s’agit d’une simple consultation, a-t-il ajouté. Il devrait prendre un peu de vacances, après six mois de présence ininterrompue, mais cela ne durera pas plus de quelques semaines ».

    Un jet privé est déjà parti de Bruxelles pour venir le recueillir à Kinshasa, a ajouté un autre membre de son entourage sous couvert d’anonymat.

    D’après nos informations, l’autorisation de survol et d’atterrissage du territoire congolais de l’appareil a été demandée ce week-end au ministère en charge des Transports et Voies de communication à Kinshasa. Le feu vert a été donné dans la foulée.

    « Étienne Tshisekedi n’est pas concerné par une quelconque mesure d’interdiction de sortie du territoire, il peut partir tranquillement : il ne présente pas d’intérêts pour les services de renseignements », affirme-t-on du côté du ministère congolais de l’Intérieur.

    Quid du Conseil national de suivi ?

    Ce départ intervient alors que les modalités de l’accord politique signé entre l’opposition et la majorité à Kinshasa le 31 décembre font toujours l’objet d’intenses discussions. La majorité de la classe politique congolaise s’était mise d’accord pour co-gérer le pouvoir après le report de l’élection présidentielle, initialement prévue pour décembre 2016.

    En tant que chef du « Rassemblement de l’opposition », la principale plateforme d’opposition, Étienne Tshisekedi devait présider un « conseil national de suivi », chargé de s’assurer de l’avancement régulier des préparatifs de l’élection d’ici à la fin de 2017.

    Son départ menace de prolonger encore les discussions préalables à la mise en place de l’accord, qui durent depuis déjà trois semaines. « L’application de l’accord peut commencer sans lui, assure toutefois Félix Tshisekedi. Un membre de son cabinet pourrait assurer l’intérim. Cela est encore en discussion ».

    Le leader historique de l’opposition congolaise, âgé de 84 ans, avait déjà passé deux ans en exil médical entre 2014 et 2016. Son retour à Kinshasa, en juillet dernier, avait galvanisé ses partisans, prêts à manifester pour obtenir le départ de Joseph Kabila. La tension était retombée d’un cran avec la signature de l’accord du 31 décembre dernier. Elle pourrait encore s’atténuer avec le départ d’Etienne Tshisekedi.

    J.A

  • Edem Kodjo: Tshisekedi ne me connaît pas. S’il veut la guerre, je vais le démolir !

    Edem Kodjo: Tshisekedi ne me connaît pas. S’il veut la guerre, je vais le démolir !

    Après dix mois de facilitation chahutée, l’ancien secrétaire général de l’OUA et ex-Premier ministre du Togo a déposé (provisoirement ?) les armes. En exclusivité pour JA, et alors que les Congolais retiennent leur souffle dans la perspective de la fin du mandat du président Kabila, le 19 décembre, Edem Kodjo raconte ici son parcours du combattant.
    Comment (et pourquoi) j’ai mis les pieds dans le « marigot »

    Je n’ai rien sollicité, c’est venu à moi. Je me trouvais par hasard à Brazzaville un jour de janvier 2016, lorsque j’ai reçu un appel du commissaire Paix et Sécurité de l’Union africaine, l’Algérien Smaïl Chergui. « Mme Dlamini-Zuma souhaite savoir si vous accepteriez une mission de bons offices en RD Congo, me dit-il. Il s’agit de mettre en place un dialogue entre le pouvoir et l’opposition et de déboucher sur un accord politique en vue de l’élection présidentielle. » Rien de moins ! Réponse prudente de ma part: « Laissez-moi vingt-quatre heures de réflexion. » Cela tombe bien, un chef d’État d’expérience et qui connaît la RD Congo comme sa poche, le président Sassou Nguesso, loge à deux pas.

    Il me reçoit, je lui soumets la proposition, et il m’encourage aussitôt à dire oui : «Je connais tes convictions panafricaines, je ne vois donc pas comment tu pourrais te défiler. Je vais t’aider. » Ma décision est prise : j’accepte. Vous ne vous en doutiez pas, mais la deuxième personne à qui j’ai parlé de cette mission, c’était vous-même. Je me souviens de votre question: « Edem, qu’allez-vous faire dans ce marigot ? » Etde ma réplique : « Il faut bien que quelqu’un se sacrifie. »

    Premiers pas encourageants

    Muni du mandat de Mme Dlamini-Zuma, qui fait de moi un facilitateur du dialogue, je débarque à Kinshasa, résolu à entrer en contact avec toutes les parties. Paradoxal, au vu de ce qui allait advenir, mais vrai : c’est de la part du principal parti de l’opposition, l’UDPS d’Étienne Tshisekedi, que je reçois le meilleur accueil. Deux délégations viennent me voir pour me féliciter, se réjouir du choix d’« un grand médiateur africain » (je les cite) et me prier de me rendre au plus vite à Bruxelles pour y rencontrer le « líder máximo ».

    Ce qui, pour moi, allait de soi. Le 4 février, j’effectue mon premier déplacement dans la capitale belge, à la rencontre de celui que vous avez surnommé, à JA, « Monsieur Non ». Tshisekedi me reçoit, entouré de son fils Félix, de l’abbé Tshilumba, son directeur de cabinet, et de son inséparable assistant Gilbert Kankonde. Cette fois, il dit oui. Oui au dialogue, sans réserves apparentes. Bien qu’une partie de la mouvance de l’opposition s’obstine à me regarder avec suspicion, le fait d’être soutenu par l’UDPS m’encourage. Début mars, je tombe malade et me fais soigner à Paris.

    C’est là que le directeur de cabinet du président Kabila, Néhémie Wilondja, vient me rendre visite à mon appartement du XVIIe arrondissement pour m’annoncer qu’une délégation de la sensibilité présidentielle et une autre de l’UDPS se trouvent dans la capitale française pour y discuter du dialogue. Les deux parties, ajoute-t-il, demandent que je préside aux pourparlers. Convalescent, mais requinqué par la nouvelle, j’accepte et choisis le lieu: l’hôtel Raphael. Le 26 mars 2016, veille de Pâques, on s’installe : six côté mouvance, six côté UDPS, et moi au milieu.

    Ce n’est pas la première fois que les uns et les autres discutent. Pour le pouvoir, rechercher un accord avec Tshisekedi est une constante, en fonction d’un calcul simple: mouvance présidentielle + UDPS = majorité absolue, plus besoin des autres.

    Ils se sont déjà vus à Venise, puis à Ibiza, sans résultats. Y parviendront-ils à Paris? La réunion dure deux heures, et je dois dire que nous faisons un excellent travail. Nous réglons tous les problèmes, ou presque, et nous signons un accord portant sur le comité préparatoire au dialogue, son règlement, son ordre du jour et surtout sa composition. Trente membres au total : douze pour la partie présidentielle, six pour la société civile et douze pour l’opposition. Certes, l’opposition, ce n’est pas que l’UDPS, mais il est clair que cette dernière entend garder la main.

    Munie d’un mandat dûment signé de Tshisekedi lui-même, dont j’ai exigé et conservé copie (on n’est jamais trop prudent!), la délégation UDPS au Raphael est conduite par deux de ses proches, Floribert Tendayi et Papis Tshimpangila. Elle comprend aussi l’un des propres fils du Vieux, Christian Tshisekedi, et l’un de ses neveux, Bona Kabongo. Comme rien n’est simple dans cette famille, Félix Tshisekedi me dira plus tard, sur le ton du reproche, que son frère Christian n’y connaît rien en politique puisque c’est un homme d’affaires. Comme si j’avais moi-même composé cette délégation ! Toujours est-il qu’en ce 26 mars l’UDPS nous annonce qu’elle se réserve le droit de nommer elle-même les douze personnalités de l’opposition qui participeront au comité préparatoire. Explication : « On se connaît entre nous, hors de question de nous laisser infiltrer par de faux-vrais opposants ! » Après tout, c’est son affaire. On se sépare donc bons amis.

    De retour à Kinshasa, je reçois le secrétaire général de l’UDPS, Bruno Mavungu, accompagné de Félix Tshisekedi. Félix joue les durs, et je m’aperçois rapidement qu’il a pris l’ascendant sur Mavungu, mais il ne remet rien en question. Il ne me reste plus qu’à recevoir la liste des opposants membres du comité préparatoire. On me l’annonce d’une heure à l’autre. Je suis confiant, presque euphorique. À tort.

    Quand Tshisekedi tourne casquette

    J’ai en main les listes de la mouvance présidentielle et de la société civile, mais, côté UDPS, rien ne vient. Une, deux, trois semaines, rien. Je me rends donc de nouveau à Bruxelles pour y rencontrer Étienne Tshisekedi. Il me reçoit le 5 mai dans un hôtel de la capitale belge, entouré, cette fois encore, de Félix, de l’abbé Tshilumba et de Gilbert Kankonde. Je les sens un peu crispés, exigeant notamment ce qu’ils appellent un renforcement de la facilitation. Mais comme ils ne me montrent aucune hostilité, je sors de l’entretien rassuré, même si je n’ai toujours pas obtenu la fameuse liste. Retour à Kinshasa.

    Au sein de la mouvance présidentielle et de l’opposition non UDPS, on s’impatiente et on me critique. À leurs yeux, je favorise l’UDPS, je fais tout pour ressusciter Tshisekedi et le remettre en selle. C’est alors que surgit cette étrange idée de panel de personnalités censées m’épauler et m’encadrer, afin de « remettre le dialogue sur les rails ». Puisque le facilitateur piétine, entend-on dire, aidons-le à s’en sortir.

    C’est évidemment tout sauf désintéressé car derrière ce schéma se profile l’ombre des Américains, en particulier celle de l’envoyé spécial pour les Grands Lacs, Tom Perriello. Via le panel, dont ils seraient membres, les États-Unis, puissance extracontinentale, souhaitent être directement au cœur du dialogue, ce qui à mes yeux n’est pas souhaitable. J’ai rapidement vu la manœuvre, d’où la contre-idée, lancée par moi, d’un groupe de soutien à la facilitation, composé de l’UA, de l’ONU, de l’Union européenne, de l’OIF et des organisations régionales africaines. Cris d’orfraie de la part des Américains et des politiciens congolais qui leur sont proches !

    Début juin, je suis à nouveau à Bruxelles, face à Tshisekedi. Je demande un tête-à-tête. On me le refuse, non sans une certaine indignation : « Le président ne voit jamais personne en tête à tête! » Va donc pour l’inévitable duo Tshilumba-Kankonde, témoins muets de notre échange. « Grand frère, lui dis-je. J’attends les noms de vos représentants au dialogue depuis deux mois, quand les aurai-je ? » Réponse : « Petit frère, nous sommes jeudi. Lundi, dans quatre jours, vous les aurez. » Je saurai plus tard que la liste, effectivement, était prête. Elle ne m’a jamais été remise.

    Qui l’a fait passer à la trappe ? Mystère. Pendant des jours, j’ai cherché à le joindre depuis Kinshasa, en vain. Il a fallu m’y résoudre: Tshisekedi avait tourné casquette. Pourquoi? Je me souviens que, pendant l’entretien, il n’avait cessé de me répéter que j’étais trop seul et que la formule du panel, qui avait la faveur des Américains, était à ses yeux la meilleure pour m’entourer. Est-ce là la clé de sa volte-face ? Je l’ignore.

    Kodjo: « Quand aurai-je les noms des délégués au dialogue? » Tshisekedi: « Lundi, dans quatre jours. »

    Six mois, plus tard, j’attends encore…

    Avec Katumbi, un rendez-vous manqué

    Heureusement, l’iceberg de l’opposition commence à craquer. Le député Samy Badibanga, qui deviendra Premier ministre en novembre, puis d’autres, manifestent avec insistance le souhait de participer au dialogue. Au même moment se pose le problème de Moïse Katumbi. J’avais prévu de le rencontrer peu après mon second séjour à Bruxelles, début mai.

    Mon projet était d’aller le voir chez lui, à Lubumbashi, ce qui d’ailleurs ne plaisait guère au pouvoir en place à Kinshasa, qui estimait que c’était là une sorte de reconnaissance. La veille du jour fixé pour notre rendez-vous, l’un de ses proches, l’ex-président de l’assemblée provinciale du Haut-Katanga, Gabriel Kyungu, connu pour la brutalité de son langage, se livre dans les médias locaux à une violente diatribe contre moi, avant de conclure que je ne serai pas le bienvenu à Lubumbashi.

    Dans la foulée, le G7, regroupement d’anciens kabilistes ralliés à Katumbi, publie une déclaration de la même eau à mon encontre, avant d’en appeler, lui aussi, comme par hasard, à la mise en place du fameux panel cher à M. Perriello. J’annule donc mon déplacement et appelle Katumbi pour le lui signifier. L’échange est aigre-doux : « Kinshasa vous a empêché de venir me voir ! » me dit-il. « Pas du tout, c’est votre ami Kyungu et vos alliés du G7 qui, manifestement, ne le souhaitent pas. Ma sécurité n’est pas assurée à Lubumbashi, pourquoi viendrais-je ? »

    La conversation terminée, je joins aussitôt Mme Dlamini-Zuma pour lui proposer de faire venir Moïse Katumbi en terrain neutre, à Addis-Abeba, afin que nous parlions avec lui. Le principe est rapidement acquis lorsque surviennent l’affaire dite des mercenaires et l’ouverture d’une procédure à l’encontre du candidat.

    Depuis lors, je suis intervenu à sa demande pour faciliter son départ à l’étranger, mais nous ne nous sommes toujours pas rencontrés. Dois-je préciser que je n’ai aucun problème avec M. Katumbi, qui porte le même prénom que celui de mon père ? J’entends souvent dire qu’il est « l’homme des Américains ». Je l’ignore, même s’il en est notoirement proche. Et dans ce cas, il n’est pas le seul.

    Son grand frère, Katebe Katoto, que j’ai rencontré à Bruxelles, était un ardent défenseur de la formule du panel et un critique acerbe de la facilitation que je menais, au point que j’ai dû lui dire, les yeux dans les yeux: « Moi, Monsieur, je ne suis pas achetable ! » Au cours de cette même rencontre, un membre du G7 s’est levé : « Vous, vous avez un mentor qui s’appelle la France, a-t-il commencé. Eh bien, sachez que la RDC, c’est le jardin privé des États-Unis ! » Mon sang n’a fait qu’un tour : « Je ne sais pas si vous êtes conscient de ce que vous venez de dire, ai-je rétorqué. À votre place, je ferais tout pour que ça ne sorte pas de cette salle. Sinon l’Afrique entière va se moquer de vous ! »

    Coup de foudre à Kinshasa

    Nous sommes en juin. L’UA a avalisé mon projet de groupe de soutien à la facilitation, et je décide d’envoyer une nouvelle mission auprès de Tshisekedi à Bruxelles. À Genval, banlieue chic de la capitale belge, l’opposition, UDPS et G7 notamment, vient de lancer le Rassemblement anti-Kabila. Le ton s’est durci, et je crains que ma délégation, composée des Algériens Saïd Djinnit et Smaïl Chergui, ainsi que d’un diplomate belge, ne trouve porte close. Il n’en est rien, et le rapport de quelques lignes que me font ces émissaires est totalement anodin, ce qui m’étonne un peu.

    Était-ce pour m’endormir? Le réveil sera brutal. Le 4 juillet, une réunion du groupe de soutien à Addis-Abeba débouche sur une demande qui est presque une injonction : le facilitateur est prié de mettre en place le comité de préparation au dialogue d’ici à la fin du mois. Une date est retenue : le samedi 30 juillet. Mais il y a un problème : de retour à Kinshasa le 27, Étienne Tshisekedi a prévu de tenir un mégameeting le 31 juillet. L’UDPS hurle au complot : c’est du sabotage!

    D’ailleurs, me dit-on, vos émissaires à Bruxelles se sont entendus avec nous pour que les deux événements ne coïncident pas – si c’est exact, cela m’a été caché ; pourquoi ? Où était mon intérêt dans cette affaire, alors que je me battais depuis des mois pour inclure Tshisekedi dans le jeu ? A-t-on voulu me piéger, me discréditer afin de mettre quelqu’un d’autre à ma place? Je n’en dirai pas plus, mais Mme Dlamini-Zuma, à qui j’ai fait, fin octobre, un compte rendu détaillé de ma mission, connaît les tenants et aboutissants de toute cette histoire.

    Lors de son meeting devant des dizaines de milliers de personnes, Étienne Tshisekedi m’injurie. Je ne m’y attendais absolument pas. Il me traite de « petit kabiliste partial » et ajoute que je suis « un traître ». Oui, « un traître » ! Passé l’instant de sidération, je réfléchis. Si traître il y a, l’insulte convient à celui qui a signé un accord et ne l’a pas respecté. Or, Tshisekedi a violé l’engagement que ses délégués, mandatés par lui, ont conclu à Paris en ma présence. Donc le traître, c’est Tshisekedi. Partial? C’est risible.

    Pendant longtemps, la majorité présidentielle et une partie de l’opposition, dont Vital Kamerhe, le G7 et la Dynamique, m’ont accusé de favoriser l’UDPS et son vieux leader! Ce discours m’est tombé dessus comme un coup de foudre. Je ne pardonne pas à Tshisekedi de s’être montré aussi injuste à mon égard. Il ne s’en est jamais excusé ni expliqué. Lorsqu’un ami commun, Mgr Monsengwo, a voulu que j’aille le voir chez lui, à Limete, pour recoller les morceaux, j’ai refusé. Peut-être nous reverrons-nous, mais ce ne sera pas à son domicile. Tshisekedi ne me connaît pas. S’il veut la guerre, je vais le démolir !

    L’Église catholique : pêchez en paix

    Certes, l’Église est une institution en RD Congo. Certes, je suis moi-même un catholique pratiquant et je me dois de passer le manteau de Noé sur ce que fait ma hiérarchie et qui ne me plaît pas toujours. Je ne dirai donc rien sur le cardinal Monsengwo, que je connais bien et que je respecte.

    Mais tout de même. J’ai beaucoup compté sur la conférence épiscopale, la Cenco, pour qu’elle m’aide dans ma tâche de facilitation. Au sein du comité préparatoire au dialogue, le représentant de la Cenco, l’abbé Donatien Nshole, avait le beau rôle. Idem lorsque, le 1er septembre, s’est ouvert le dialogue lui-même. Surviennent alors les tragiques émeutes des 19 et 20 septembre à Kinshasa, lesquelles – il convient de le préciser, car j’en ai été le témoin – ont commencé par le saccage des sièges des partis membres du dialogue, perpétré par des militants du Rassemblement de l’opposition radicale. Avant que les jeunes kabilistes aillent à leur tour mettre le feu aux locaux de l’UDPS.

    C’est alors que les curés de la Cenco ont changé de ton. Après avoir exigé une semaine de deuil, ils sont venus poser des préalables au dialogue qui ne figuraient pas dans nos accords. J’y ai consenti à une condition : qu’ils restent dans la salle. Libre à eux, par ailleurs, d’aller à la pêche miraculeuse et de ramener dans leurs filets les opposants au dialogue. À l’heure où je vous parle, la pêche continue, et je souhaite qu’elle soit fructueuse.

    D’autant que Joseph Kabila, vous l’aurez remarqué, joue le jeu et encourage les évêques. Cela s’est discuté fin octobre à Luanda, en marge du sommet des chefs d’État de la région, qui a entériné l’accord politique du 18 octobre. Denis Sassou Nguesso et José Eduardo dos Santos ont suggéré à Kabila de tendre la main au Rassemblement de l’opposition, via la Cenco, ce qu’il a fait. Je crois que tout le monde est un peu tétanisé à l’idée qu’il se passe quelque chose le 19 décembre à minuit et que chacun cherche à conjurer les risques de dérapages.

    Présidentielle : 2018 ou le chaos

    Les Américains, les Européens, la Cenco, le Rassemblement: tous ou presque « exigent » que l’élection présidentielle se tienne en 2017.

    Mais c’est impossible avant avril 2018 ! Cette échéance n’est pas le fruit du hasard : le fichier électoral est corrompu, tout le monde l’a dit, sa refonte est indispensable. La RD Congo, c’est 2,5 millions de km², 136 000 bureaux de vote, 20 000 tonnes de matériel électoral à transporter, le plus souvent par voie aérienne ou fluviale. La commission électorale, les experts de l’ONU et de l’OIF, le général malien Siaka Sangaré, que je considère comme le meilleur expert électoral d’Afrique francophone et que j’ai fait venir…

    Tous sont formels : on ne peut pas, en resserrant au maximum les délais, aller plus vite. Le fichier électoral sera fiable et complet début octobre 2017, il faut ensuite six mois pour organiser le scrutin. À condition, bien sûr, que son financement – près de deux milliards de dollars – soit assuré. Préconiser une présidentielle bâclée l’an prochain, c’est irresponsable.

    J’ai entendu récemment Jean-Marc Ayrault, le ministre français des Affaires étrangères, critiquer l’accord du 18 octobre et remettre 2017 sur le tapis. Cela m’a étonné : son ambassadeur à Kinshasa ne lui a donc pas fait rapport ? Il parle en méconnaissance de cause.

    Autre revendication de l’opposition radicale et de ceux qui la soutiennent : que Kabila démissionne au soir du 19 décembre 2016 et laisse la place à une période transitoire spéciale, avec à sa tête le président du Sénat, Léon Kengo Wa Dondo, qui organisera les élections. Ce n’est ni constitutionnel – la Cour suprême a tranché, et les participants au dialogue en sont convenus – ni réaliste. Le mandat de Kengo est forclos depuis quatre ans, faute d’élections provinciales et sénatoriales tenues dans les délais. Quelle est sa légitimité? Sur le plan strictement juridique, le fait que Kabila demeure en place jusqu’à l’élection de son successeur est objectivement la moins mauvaise des solutions.

    Une classe politique brillante, mais toxique

    J’ai eu affaire à une classe politique à la fois brillante, adepte des faux-fuyants, intelligente, toxique… L’argent joue un rôle prépondérant: en Afrique de l’Ouest, les gens pensent qu’ils sont riches quand ils ont 100 millions de F CFA.

    Ici, ils le sont quand ils ont la même somme, mais en dollars. Autre caractéristique: un sentiment national et identitaire à vif. Est-ce un héritage du mobutisme triomphant ? C’est possible, mais les Congolais en général sont allergiques à toute interférence, en particulier occidentale – sauf bien entendu quand elle sert leurs intérêts et qu’ils peuvent l’instrumentaliser à leur profit.

    Aussi les chefs d’État africains, qui connaissent ce sentiment, sont-ils prudents dès qu’il s’agit de se mêler des affaires congolaises. Sassou Nguesso joue un rôle positif, Dos Santos aussi, ainsi – et c’est moins connu – que Faure Gnassingbé. Le président togolais entretient des relations étroites aussi bien avec Kabila qu’avec Vital Kamerhe. Si Kamerhe ne nous avait pas rejoints, il n’y aurait jamais eu de dialogue, et Faure a été décisif dans son ralliement, tout comme son « envoyé spécial », le ministre Gilbert Bawara, très introduit à Kinshasa.

    Pourquoi (et comment) j’ai mis les pieds dans le « marigot »: suite et fin

    Ce n’est pas l’argent qui m’a motivé, et je voudrais être clair, voire trivial à cet égard : Kabila ne m’a pas payé, ce n’est pas lui qui a réglé mes frais de mission ni mes per diem.

    C’est l’UA qui m’a pris en charge, et il ne m’a rien donné. On a, à ce sujet, raconté n’importe quoi. Je me souviens du jour où je suis allé visiter le fameux barrage d’Inga et survoler l’embouchure du fleuve Congo, spectacle dont j’ai toujours rêvé. Une compagnie pétrolière avait mis un hélicoptère à ma disposition à cet effet.

    Le lendemain, des journaux ont écrit que, ça y est, Kodjo est dans le pétrole, Kabila l’y a mis pour l’acheter ! Par contre oui, mon ego, ma place dans l’Histoire, la volonté de sortir par le haut, de ne pas partir sur un échec, celle aussi de démontrer à M. Tshisekedi, qui m’a trahi, que je n’étais pas un nègre de service, tout cela m’a motivé et a forgé ma résilience.

    François Soudan/Jeune Afrique

  • Étienne Tshisekedi n’a pas changé selon Lambert Mende

    Étienne Tshisekedi n’a pas changé selon Lambert Mende

    tshisekedi-Monsieur Étienne Tshisekedi est un aîné, de surcroît Premier ministre du gouvernement dans lequel j’ai fait mes premiers pas comme ministre, ce qui rend malaisé un jugement de valeur de ma part sur lui mais la polémique autour des contre-propositions du Rassemblement de l’opposition qu’il pilote aux résolutions du Dialogue tenu à l’initiative du président Kabila ramène à la surface une expérience dont il me faut témoigner.

    Cette polémique m’a rappelé les circonstances du départ de mon parti de l’Alliance avec l’Union sacrée de l’opposition qu’animait M. Tshisekedi en 1995. Désigné par ce dernier avec quatre collègues pour accompagner son alter ego, Kibassa Maliba, à une négociation avec Mobutu à Gbadolite en vue de son retour à la Primature, je l’entendis nous faire porter peu après, et de manière fallacieuse, la responsabilité de cette initiative (« je ne les ai pas mandatés. Interpellez-les ! ») lors d’un meeting alors qu’il nous avait chaleureusement félicité en sa résidence à notre retour quelques jours avant que Mobutu ne lui fasse faux bond. Pris à partie par ses lieutenants, nous n’échappâmes au lynchage que grâce à la garde civile.

    Vingt ans après, cette polémique illustre que rien n’a changé : M. Tshisekedi est resté l’homme qui crée des incidents lorsqu’il veut accéder aux affaires, les crée lorsqu’il y accède et continue de les créer lorsqu’il n’y arrive pas ou en est évincé. Son intransigeance prend appui sur le respect de la Constitution. Mais son action juxtaposée aux différentes constitutions de la RDC démontre le contraire : en 1960, il avait rejoint la sécession sud-kasaïenne, en violation de la loi fondamentale. Le 14 septembre 1960, il intègre le collège des Commissaires généraux, premier coup d’État contre le gouvernement Lumumba. Lorsque le 24 novembre 1965, Mobutu opère un deuxième coup et suspend la Constitution, il entre dans son gouvernement.

    Ses quatre passages éphémères à la tête de l’exécutif entre 1991 et 1997 seront caractérisés par des controverses futiles et souvent stériles

    Dès 1967, il est parmi les fondateurs du parti MPR de Mobutu qui le charge de rédiger une nouvelle Constitution limitant le nombre des partis autorisés au Congo à deux. Seulement, lorsque des lumumbistes tentent de formaliser leur parti, ils sont malmenés par les affidés du ministre de l’Intérieur, Tshisekedi. Le MPR se muera en 1974 en Parti-État.

    Ses premières dissensions avec Mobutu en 1980 sont une révolution de palais (lettre des 13 Parlementaires). L’UDPS est créée en 1982.

    Début 1990, le monopartisme de 1967 est supprimé par une conférence nationale imposée à Mobutu par le vent de l’Histoire. Des personnalités comme M. Tshisekedi ont certes contribué à cette déconstruction de l’autocratie, mais le processus de démocratisation a souffert d’une certaine irrationalité de son action. Alors que Mobutu, coincé par des conférenciers survoltés avait avalisé son accès à la tête du gouvernement, ses quatre passages éphémères à la tête de l’exécutif entre 1991 et 1997, seront caractérisés par des controverses futiles et souvent stériles.

    Chef du gouvernement, il plaide pour la suspension de l’aide extérieure, incite aux pillages par une démonétisation irréfléchie des billets de banques perçus comme solde par les militaires, paralyse l’économie par des « villes mortes » pour un oui ou un non dans ses relations tumultueuses avec Mobutu, se lance dans une guerre de clans dans son parti, diabolise ses alliés (Ileo, Kengo) ainsi que les « facilitateurs » (Mgr Monsengwo, l’Algérien Brahimi, le Sénégalais Abdoulaye Wade).

    Par la suite, après avoir soutenu l’AFDL de Mzee Kabila pendant la lutte armée contre Mobutu, il va la combattre pour ne l’avoir pas rétabli au poste de 1er ministre.

    Son parti se complaît dans le concept de « légitimité naturelle » : tout contradicteur en est « auto-éjecté ».

    En 2003, M. Tshisekedi avait refusé le poste de vice-président de la République lui proposé par l’accord de Sun City. Il voulait le top job. «Vous me voyez, moi, représenter le petit Kabila à l’étranger ? », aurait-il dit au médiateur sud africain. Il empêchera son parti d’entrer dans les institutions d’accompagnement de la transition tout en se plaignant d’en avoir été exclu. Il a préféré camper dans la posture du défenseur des élections qu’il boycottera en 2005 (référendum) et 2006.

    Il est permis de douter d’un apport positif quelconque du chef de l’UDPS à la recherche d’une solution heureuse à la crise congolaise actuelle

    À la surprise générale, et sans la moindre explication, il décidera de la participation de son parti au cycle électoral de 2011, et s’autoproclamera vainqueur de la présidentielle. Les résultats le donnant perdant, il déclare : «C’est moi qui suis de loin le vainqueur de ces élections. Dans les 75 % ! » (…) Contre 28, 27 ou 30 % de Kabila». Mais le compte dépasse les 100 % !

    Dans la perspective du troisième cycle électoral 2016, en plaidant pour un régime « spécial », il s’inscrit encore dans l’inconstitutionnalité, les articles 70, 103 et 105 de la Constitution excluant tout vide juridique pour conforter la notion de continuité de l’ordre institutionnel pour toutes les institutions à mandat électif.

    Vu ce qui précède, il est permis de douter d’un apport positif quelconque du chef de l’UDPS à la recherche d’une solution heureuse à la crise congolaise actuelle.

    Jeune Afrique- Lambert Mende Omalanga

  • Tshisekedi exige la présidentielle et le départ de Kabila avant fin 2016 en RDC

    Tshisekedi exige la présidentielle et le départ de Kabila avant fin 2016 en RDC

    meeting 31-Plusieurs milliers de personnes étaient rassemblées dimanche à Kinshasa pour assister au premier meeting depuis son retour de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, vu comme un espoir de relance du dialogue entre l’opposition et le président à l’heure où plane l’incertitude sur la tenue de la présidentielle.

    “Le sens de ma lutte est d’ériger un véritable État sur cette terre de nos ancêtres, seul apte à prendre en compte vos aspiration et de concourir à votre bien-être général. La où le régime de prédation la misère et la désolation : de la Gécamine au Katanga, de la MIBA au Kasaï, ou de Kilomoto au Maniema, partout où la mauvaise gouvernance du pays a provoqué des multitudes de victilmes, je donne l’assurance que des plans pertinents sont prévus, à mettre en oeuvre, dans le cadre d’un gouvernement responsable”, a affirmé ce dimanche Etienne Tshisekedi, lors de son discours.

    Un climat politique très tendu règne en RDC depuis plusieurs mois. L’opposition congolaise craint que le président Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 et à qui la Constitution interdit de briguer un nouveau mandat, ne reporte le scrutin présidentiel prévu en fin d’année pour s’accrocher au pouvoir.

     M. Tshisekedi, 83 ans, est rentré mercredi en République démocratique du Congo après deux ans de convalescence en Belgique. A son arrivée en RDC, des milliers de personnes s’étaient massées pour l’accueillir.

    Opposant sous la dictature de Mobutu Sese Seko (1965-1997), l’octogénaire a aussi combattu le régime de son successeur Laurent-Désiré Kabila, père de l’actuel chef de l’État. Il était arrivé deuxième de la présidentielle de 2011, dont il avait rejeté les résultats.

    Jusqu’ici, l’opposition congolaise n’a jamais réussi à former un front uni contre le régime de M. Kabila. Il y a un mois, un opposant de poids, Moïse Katumbi, a été mis en difficulté par le régime et contraint de partir à l’étranger.

    Dans un tel contexte, l’opposition espère que le retour d’Etienne Tshisekedi, un chef de file encore très populaire, permettra d’obtenir des avancées face au président sortant, soupçonné de vouloir demeurer au pouvoir au-delà de la fin de son mandat, au mépris de la Constitution.

    La majorité quant à elle attend de M. Tshisekedi qu’il annonce la participation au “dialogue national” du Rassemblement, nouvelle coalition des forces opposées au maintien de M. Kabila au delà de son mandat.

    Joseph Kabila a convoqué ce dialogue en novembre pour permettre l’organisation d’”élections apaisées” mais plusieurs forces d’opposition ont décidé de bouder un forum perçu comme un “piège” du pouvoir.

    Alors que des milliers de partisans gagnaient le centre de Kinshasa, où doit s’exprimer Etienne Tshisekedi, plus à l’est, une foule considérable occupait les alentours de la résidence de l’opposant, en vue de l’escorter jusqu’au lieu du meeting, a constaté une journaliste de l’AFP.

    “Aboutir à quelque chose de bon”

    Une clameur a accompagné l’apparition du vieil opposant coiffé de sa légendaire casquette grise, à bord d’une jeep qui le conduisait au boulevard Triomphal où patientaient depuis le matin des milliers de partisans.

    Une armée de motards a précédé la jeep, dans un concert de klaxons pour former le cortège, dans un décor constitué des drapeaux des différents partis d’opposition, empêchant toute circulation dans les deux sens du boulevard Lumumba qui conduit à l’aéroport international de Ndjili à Kinshasa.

    Un groupe de jeunes portant un cercueil scandait des slogans hostiles au président Kabila, gesticulant comme lors d’un deuil.

    L’opposant doit s’exprimer sur le podium orné d’une bâche bleue portant les inscriptions : “Le Rassemblement, amour du Congo – Unité de l’opposition”.

    Sur des banderoles on pouvait lire: “Le changement c’est maintenant”; “pas de dialogue sans libération des prisonniers politique et d’opinion”.

    “Le seul leader en RDC, c’est Tshisekedi, malgré son âge”, assure Faustin Kabeya, militant d’une soixantaine d’années de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti d’opposition historique.

    “En 2011, nous avions voté Tshisekedi mais la communauté internationale a toujours imposé Kabila”, s’emporte Martin, appelant à l’alternance à la tête de l’État le 20 décembre, date de la fin du mandat du dirigeant congolais.

    “Nous réclamons aujourd’hui l’alternance, nous réclamons la libération des prisonniers politiques et d’opinion”, décrète Gloria Senga, militante de Lutte pour le changement (Lucha), un mouvement citoyen dont une dizaine de militants ont été “arrêtés injustement” depuis mars 2015 en RDC.

    Le régime actuel étant “dictatorial, autoritaire”, la militante espère que le “Rassemblement va aboutir à quelque chose de bon”, pour la RDC.

    Avec AFP