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Par Le Potentiel
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-Le 30 juin 1960, la Belgique officielle se retrouve à Kinshasa, plus précisément au Palais de la nation pour la consécration de la République démocratique du Congo. Deux discours voleront le vedette de cette journée mémorable : celui prononcé par Patrice-Emery Lumumba, premier ministre élu, et celui du Roi Baudouin, souverain de la Belgique.
Après les mots aimables et tendres du président de la République, Joseph Kasa-Vubu, Patrice Lumumba prononce un discours qui fera basculer le protocole, suscitant frustration et émotion dans les deux camps. Quelques témoignages de cette journée où frustration a rimé avec angoisse. C’est thomas Kanza, présent dans la salle et proche de Lumumba, aujourd’hui décédé, qui raconte. Thomas Kanza, ministre:
Le Premier ministre me donne le discours. Il était déjà écrit, dactylographié. Alors ma première réaction a été de dire :
– « Monsieur le Premier ministre, c’est un excellent discours. C’est le genre de discours que vous pouvez prononcer au stade, c’est formidable, c’est ce qu’il faut pour le peuple le jour de l’indépendance. Mais le Parlement n’était ni l’endroit ni l’occasion de prononcer ce discours ».
– Après le discours du roi Baudouin 1er, c’est le chef de l’Etat congolais Kasa-Vubu, Joseph Kasa-Vubu qui prend la parole : « A tous ceux qui ont donné sans compter leurs souffrances, leurs privations, et même leur vie, pour que se réalise enfin leur rêve audacieux d’un Congo libre et indépendant » (Applaudissements) Thomas Kanza, ministre, raconte ce que lui a dit, quelques instants avant le discours, Patrice Lumumba :
– « Thomas, je vais parler, parce que le président Kasa-Vubu nous a humiliés. Il va prononcer un discours qu’il a montré au gouvernement belge mais qu’il ne nous a pas montré ». Tout ce que je te demande: revois un peu ce discours, atténue à gauche, à droite, les passages que toi, tu penses être un peu extrémistes».
– Thomas Kanza : Et quand nous arriverons au Parlement, je rencontrerai le Premier ministre Eyskens et le ministre des Affaires étrangères Wigny. Je leur dirai personnellement: « Messieurs les Ministres, je crois que nous avons intérêt à reporter, ne serait-ce que d’une heure, la séance de la proclamation de l’indépendance pour vous donner le temps de négocier avec le Premier ministre Lumumba, parce qu’il va parler ». Mais ils étaient tellement sûrs que Lumumba ne parlerait pas qu’ils n’ont pas voulu accepter ma suggestion.
– Tout le temps, quand Sa Majesté le roi Baudouin parlait, même quand le président Kasa-Vubu parlait, Monsieur Lumumba corrigeait son manuscrit.
– Et mes yeux croisaient tout le temps les yeux de Monsieur Eyskens et de Monsieur Wigny.
– Qui savaient ce qui allait se passer?
– Ils commençaient à se demander, est-ce que, ce que je leur avais dit, pourrait se réaliser ? Je leur avais dit : « Qui empêcherait Monsieur Kasongo, qui présidait la séance, de donner la parole au Premier ministre ? ».
Voici maintenant Monsieur Lumumba qui monte devant le bureau présidentiel. Patrice Lumumba, les premiers mots de son discours :
« Congolais et Congolaises, combattants de l’Indépendance aujourd’hui victorieux, Je vous salue au nom du gouvernement congolais ».
Thomas Kanza :
– Même Sa Majesté le roi Baudouin s’est tourné vers le Président Kasa-Vubu pour demander : « Qu’est-ce qui se passe? ». Lumumba a parlé. Vous connaissez le discours. La salle était vraiment silencieuse mais dehors… parce que le discours était retransmis par des haut-parleurs, dehors, c’étaient des applaudissements, des acclamations…
– Vous entendiez ce qui se passait dehors ?
– Oui, on entendait ce qui se passait dehors parce que nous, on était vraiment dans un silence, un silence inquiétant parce que les gens se demandaient: « Comment est-ce que Lumumba a osé d’abord parler puisque ce n’était pas prévu? » Chacun de nous avait l’ordre du jour…
– Et puis ce qu’il dit ?
– Et puis ce qu’il disait!
Patrice Lumumba, l’intégralité de son discours du 30 juin 1960 :
« À vous tous, mes amis, qui avez lutté sans relâche à nos cotés, je vous demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que vous garderez ineffablement gravée dans vos coeurs, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et à leurs petits-fils l’histoire glorieuse de notre lutte pour la liberté.
Car cette Indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d’égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte qu’elle a été conquise (applaudissements), une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang.
Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force.
Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions le chasser de notre mémoire. Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers.
Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Qui oubliera qu’à un Noir on disait « tu », non certes comme à un ami, mais parce que le « vous » honorable était réservé aux seuls Blancs ?
Nous avons connu que nos terres furent spoliées au nom de textes prétendument légaux qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort.
Nous avons connu que la loi était jamais la même selon qu’il s’agissait d’un Blanc ou d’un Noir : accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres.
Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses ; exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort elle-même.
Nous avons connu qu’il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les Blancs et des paillotes croulantes pour les Noirs ; qu’un Noir n’était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits européens ; qu’un Noir voyageait à même la coque des péniches, aux pieds du Blanc dans sa cabine de luxe.
Qui oubliera enfin les fusillades dont périrent tant de nos frères, les cachots dont furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d’une justice d’oppression et d’exploitation ? (Applaudissements.)
Tout cela, mes frères, nous en avons profondément souffert.
Mais tout cela aussi, nous que le vote de vos représentants élus a agréés pour diriger notre cher pays, nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre codeur de l’oppression colonialiste, nous vous le disons tout haut, tout cela est désormais fini.
La République du Congo a été proclamée et notre cher pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants. Ensemble, mes frères, mes soeurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur. Nous allons établir ensemble la Justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. (Applaudissements.)
Nous allons montrer au monde ce que peut faire l’homme noir quand il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique tout entière.
Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses enfants. Nous allons revoir toutes les lois d’autrefois et en faire de nouvelles qui seront justes et nobles.
Nous allons mettre fin à l’oppression de la pensée libre et faire en sorte que tous les citoyens puissent jouir pleinement des libertés fondamentales prévues dans la déclaration des Droits de l’Homme. (Applaudissements.)
Nous allons supprimer efficacement toute discrimination quelle qu’elle soit et donner à chacun la juste place que lui vaudra sa dignité humaine, son travail et son dévouement au pays. Nous allons faire régner, non pas la paix des fusils et des baïonnettes, mais la paix des coeurs et des bonnes volontés. (Applaudissements.)
Et pour tout cela, chers compatriotes, soyez sûrs que nous pourrons compter, non seulement sur nos forces énormes et nos richesses immenses, mais sur l’assistance de nombreux pays étrangers dont nous accepterons la collaboration chaque jour qu’elle sera loyale et ne cherchera pas à nous imposer une politique, quelle qu’elle soit. (Applaudissements.)
Dans ce domaine, la Belgique qui, comprenant enfin le sens de l’histoire, n’a pas essayé de s’opposer à notre indépendance est prête à nous accorder son aide et son amitié, et un traité vient d’être signé dans ce sens entre nos deux pays égaux et indépendants. Cette coopération, j’en suis sûr, sera profitable aux deux pays. De notre côté, tout en restant vigilants, nous saurons respecter les engagements librement consentis. Ainsi, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, le Congo nouveau, notre chère République que mon gouvernement va créer, sera un pays riche, libre et prospère. Mais pour que nous arrivions sans retard à ce but, vous tous, législateurs et citoyens congolais, je vous demande de m’aider de toutes vos forces.
Je vous demande à tous d’oublier les querelles tribales qui nous épuisent et risquent de nous faire mépriser à l’étranger. Je demande à la minorité parlementaire d’aider mon gouvernement par une opposition constructive et de rester strictement dans les voies légales et démocratiques.
Je vous demande à tous de ne reculer devant aucun sacrifice pour assurer la réussite de notre grandiose entreprise.
Je vous demande enfin de respecter inconditionnellement la vie et les biens de vos concitoyens et des étrangers établis dans notre pays. Si la conduite de ces étrangers laisse à désirer, notre justice sera prompte à les expulser du territoire de la République ; si par contre leur conduite est bonne, il faut les laisser en paix, car eux aussi travaillent à la prospérité de notre pays.
L’Indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain.
(Applaudissements.)
Voilà, Sire, Excellences, Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes, mes frères de race, mes frères de lutte, ce que j’ai voulu vous dire au nom du gouvernement en ce jour magnifique de notre Indépendance complète et souveraine. (Applaudissements.)
Notre gouvernement, fort, national, populaire sera le salut de ce peuple.
Hommage aux combattants de la liberté nationale !
Vive l’indépendance et l’Unité Africaine !
Vive le Congo indépendant et souverain !
(Applaudissements prolongés.) »
Ce discours fut l’arret de mort de Lumumba car plusieurs milieux l’ont mal digéré à commencer par nos propres frères congolais pour qui Lumumba sacrifiera sa vie.J’ai rencontré Lumumba en 1959 avec Mpolo Maurice à Inongo au Lac Leopold II, actuel Mai-Ndombe, il s’adressait au peuple avec un ton clair et sincère qui refletait son amour et son attachement indefectible pour le Congo.Chers frères, jusqu’à quand continuerons-nous à trahir la mémoire de Lumunba par la recherche des intérets égoistes qui ont permis la balkanisation de notre Congo?Visitez http://www.benilubero.com pour constater des tueries inadmissibles chaque jour qui passe!
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