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–L’analyste des politiques publiques Isidore Kwandja Ngembo, ancien conseiller à la direction Afrique centrale au ministère des Affaires étrangères et du Commerce internationale du Canada résidant à Ottawa, plaide pour « une solution judiciaire à la tragédie » qui frappe la République démocratique du Congo (RDC).
« Sans justice indépendante avec les moyens d’action, la culture de l’impunité va demeurer encore pour longtemps dans ce pays qui ressemble de plus en plus à ce que les théoriciens de la géopolitique internationale appellent communément État défaillant », a-t-il affirmé lundi 31 décembre dans une correspondance à lepotentielonline.com publiée in extenso.
Le Congo est-il un Etat défaillant ?
On ne le dira jamais assez, la justice indépendante est l’épine dorsale dans un Etat qui se veut et se dit démocratique. Maintenant on ne peut plus se voiler la face, la résolution du conflit en RDC et l’éradication des mouvements rebelles passeront nécessairement par une justice réellement indépendante et une armée disciplinée censée protéger le territoire nationale, les citoyens et leurs biens.
Quand on regarde du coté des Tribunaux militaires congolais, la situation n’est pas du tout reluisante. Elle ressemble à la virgule près de la situation de la justice civile congolaise.
A l’époque des Romains, la discipline militaire était de stricte application. Chaque soldat devrait prêter serment et jurait de ne pas s’enfuir par lâcheté, de ne pas quitter les rangs sauf pour prendre ou ramasser une arme, de frapper l’ennemi et de sauver ses concitoyens. S’il dérogeait à son serment, il savait qu’il sera puni sévèrement pour désobéissance ou acte de lâcheté.
Mais, le soldat romain redoutait le plus le déshonneur qui lui restera attaché même quand il redevenait un civil. Et cette honte publique rejaillissait sur toute sa famille. Voilà comment le soldat romain a pu devenir,sur près de 800 ans, le meilleur soldat de la planète.
Mais, qu’en est-il du soldat congolais ? Il a failli à sa mission primordiale à l’image de son Etat défaillant.
Pour ceux qui ne le savent pas, la notion d’Etat défaillant fait référence à la disparition des capacités de l’Etat de s’acquitter de ses fonctions essentielles, à savoir : qui ne respecte pas l’Etat de droit; qui n’a pas la puissance légitime et n’exerce plus de contrôle sur des parties significatives de son territoire; qui est caractérisé par l’inefficacité de son administration, de son système judiciaire, de la présence d’une économie informelle étendue et des interférences de l’armée dans la politique nationale; de la corruption généralisée; et des relations conflictuelles avec les pays voisins.
Il s’agit aussi d’un Etat qui n’est pas en mesure de subvenir aux besoins fondamentaux de sa population tels que la santé, l’éducation, les services sociaux de base, etc.
Quand on voit le dysfonctionnement et les lacunes de la justice congolaise, et son impuissance à dire le droit. Quand on sait que cette justice est à l’image de son pays, sans moyens conséquents pour mener des enquêtes criminelles et sans volonté manifeste pour engager des poursuites contre les commanditaires qui sont tapis dans les instances tant politiques que de l’armée et qui profitent de cette situation pour s’enrichir impunément.
Quand on voit comment les autorités congolaises n’ont pas la volonté de demander explicitement au Conseil de sécurité des Nations Unies de créer et mettre en place un Tribunal pénal international ad hoc pour juger les crimes commis en RDC.
Quand on se rappelle que, pendant longtemps, les autorités congolaises ont fait croire à la communauté internationale en général et particulièrement à la Cour pénale internationale – qui exigeait la livraison de Bosco Ntaganda – que les impératifs de la paix et de la réconciliation importaient plus que les exigences de justice. Et, par conséquent, elles ne pouvaient pas livrer ce criminel.
Il y a lieu de se demander où en sommes-nous aujourd’hui? Quel gâchis? Si le pays avait la culture de chiffrer toutes les actions qu’il pose, ça serait certainement en terme de centaines de millions des dollars US que le pays aurait perdu pour son entêtement.
RDC : poudrière et royaume de conciliabules
Depuis l’arrivée au pouvoir de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) emmenée par Laurent-Désiré Kabila en 1997 avec le soutien de l’Ouganda et du Rwanda, la RD Congo est devenue à la fois une poudrière et un royaume de conciliabules qui aboutissent souvent par le partage des postes dans le gouvernement et dans l’armée entre les anciens et les nouveaux rebelles, dans un coin de table pour la conservation du pouvoir et la consécration de l’impunité.
Mais, ceux qui instrumentalisent ces différentes rebellions ont leur agenda caché et n’ont jamais voulus voir véritablement installé en RD Congo un régime stable qui échappe à leur contrôle.
Ainsi, les libérateurs du Zaïre de Mobutu n’ont jamais réussi à instaurer ni la justice indépendante ni une armée censée ramener la paix et la sécurité sur toute l’étendue de ce pays grand comme l’Europe occidentale.
Quinze ans après, les Congolais ont payé un lourd tribut (plus de cinq millions de morts) de différentes guerres et rebellions qu’a connues le pays. Les autorités n’ont pas su protéger le territoire national, les citoyens et leurs biens et instaurer une justice réellement indépendante pour faire respecter les lois du pays.
Ainsi, la RDC a connu des crimes indescriptibles commis sur son territoire par des groupes armés congolais et étrangers, par des troupes régulières des armées étrangères et même par certains éléments de l’armée nationale. Parmi ces crimes, on compte différentes violations massives des droits de la personne, notamment des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des massacres des populations civiles, des viols commis contre les femmes et les enfants.
Ces crimes ne peuvent pas rester impunis. Pour qu’il y ait un retour d’une paix durable, il faudrait une justice capable de poursuivre et de juger les personnes qui se sont rendues coupables de violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de la RDC.
Tribunal pénal international pour la RDC
Hugo Grotius, le père du droit international, disait que les Etats sont tenus de reconnaître que la primauté du droit naturel sur le droit volontaire peut légitimer la nécessité de l’ingérence et de l’intervention dans les affaires intérieures d’un Etat.
Etant entendu que les Etats sont liés par des obligations internes, il est clair que leur violation entraîne des obligations internationales pour les autres Etats.
Après deux décennies de tragédie et compte tenu de l’ampleur de la cruauté des crimes atroces et barbares perpétrés tant par les Congolais que par les étrangers impliqués directement ou indirectement dans les violations massives des droits humains, seul un Tribunal pénal international ad hoc pourrait stopper cette cruauté et dissuader les criminels impénitents qui trouvent du plaisir à violer les pauvres femmes et les enfants sans moyen de défense après leur avoir fait subir toute sorte d’humiliation.
Une justice internationale a le mérite d’aller enquêter partout où les crimes ont été commis, d’agir en toute impartialité et de suppléer au manquement de certains Etats qui ne respectent pas leurs obligations internationales de poursuite et traduire en justice toute personne présumée responsable de crimes indescriptibles et proscrits par les Conventions internationales.
Il est temps pour que le Conseil de sécurité des Nations Unies se saisisse du dossier de la RDC et trouve une solution judiciaire à la tragédie congolaise.
En effet, depuis la mise en place en 1999 de la Mission des Nations Unies en RD Congo, plus d’une cinquantaine de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ont été adoptées.
Près de 20 000 casques bleus ont été déployés pour ramener et maintenir la paix. Une Mission qui, semble-t-il, coûterait chaque année plus d’un milliard de dollars américains aux Nations Unies.
Une opération militaire spéciale Artémis autorisée par les Nations Unies a même été déployé en 2003.
Après plus d’une douzaine d’années de présence en RD Congo, le pays est demeuré dans un état stationnaire. Ni la paix ni la sécurité ne sont garanties aux congolais. La Mission peine toujours à ramener et à maintenir la paix tant recherchée par une population meurtrie qui crie à l’injustice.
La solution judiciaire passera par une justice internationale compétente et habilitée à poursuivre et juger toutes les personnes présumées responsables et auteurs des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des violations massives des droits de la personne, y compris les viols des femmes et enfants.
Nous savons que la communauté internationale évoquera l’épineuse question du coût exorbitant du fonctionnement qu’un tel Tribunal pénal international pourrait engendrer. Mais depuis plus de 12 ans, les Nations Unies dépensent près d’un milliard américains pour entretenir la Mission onusienne la plus importante au monde qui peine à instaurer une paix durable.
Et parce que cette Mission a montré ses limites et que la situation préoccupante actuellement se trouve à l’Est du Congo, pourquoi ne pas réduire les effectifs des casques bleus disséminés partout à travers le pays, afin de dégager des fonds nécessaires pour mettre en place, à défaut d’un Tribunal pénal international ad hoc à l’image de l’ex-Yougoslavie ou du Rwanda, envisager d’autres formes de justice internationalisée à l’image de la Sierra Leone, du Cambodge ou du Liban ?
Les criminelles doivent répondre de leurs actes
Il importe de savoir que la problématique de la paix marche de pair avec celle de la justice. Une paix durable ne peut s’établir dans un Etat qui consacre l’impunité comme système de gestion de conflits.
Plusieurs rapports des Nations Unies ont déjà recensés des actes de violences, des crimes et massacres incontestables commis par différentes rebellions depuis 1996 en RD Congo. Parmi lesquels, on trouve tous ceux qui sont proscrits par la Convention des Nations Unies sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et les Conventions de Genève.
Les Nations Unies savent bien qu’il n’y aura jamais de paix durable tant et aussi longtemps qu’il n’y aura pas de justice indépendante pour juger tous ces criminels et dissuader tous ceux qui auront l’intention de commettre les actes ignobles.
Les criminels, où qu’ils soient, doivent répondre de leurs actes devant un juge pour finalement faire cesser définitivement l’impunité en RDC. Et la création d’un Tribunal pénal international pour la RDC permettrait de rendre justice aux victimes congolaises.
Par Isidore Kwandja Ngembo