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-La crise économique qui frappe le monde actuellement n’a pas épargné le Congo notre pays. L’ampleur de la situation du chômage que nous vivons ne peut laisser personne indifférent. C’est pourquoi le juriste que je suis a été amené à me pencher sur l’analyse d’une loi rangée aux oubliettes et dont pourtant l’efficacité si elle était appliquée de manière effective, aiderait notre pays à résoudre dans une certaine mesure le problème de l’accès des jeunes congolais à l’emploi.Il s’agit de la loi n° 23/67 du 21 Décembre 1967 portant l’africanisation des postes de travail dans les sociétés, entreprises, établissements et succursales exerçant en République du Congo.
Cette loi qui est toujours en vigueur sera examinée d’abord relativement à Sa portée(I), et ensuite nous envisagerons Les conséquences sur l’emploi de l’effectivité de la loi (II).
I/ LA PORTEE DE LA LOI DE L’AFRICANISATION DES EMPLOIS
Le législateur congolais avait été bien inspiré en 1967 en élaborant une loi en vue de lutter efficacement contre le chômage, de façon à permettre le remplacement des étrangers occupant des postes de travail dans un certain nombre de catégories par des congolais.
A/ LE DOMAINE DE LA LOI DE L’AFRICANISATION DES EMPLOIS
La loi sur l’africanisation des emplois est une loi de portée générale qui a pour objet de limiter la présence des salariés étrangers dans les sociétés installées au Congo. Cette loi comporte une programmation dans le temps en ce qui concerne exclusivement le remplacement des travailleurs étrangers non africains par des travailleurs africains dans des catégories des emplois allant de la 1° à la 9° catégorie.
Et le législateur a fait dans l’alinéa 1er du licenciement du travailleur étranger intervenu dans le cadre de l’africanisation un licenciement légitime. Ce mécanisme juridique permet ainsi aux employeurs de licencier les salariés étrangers concernés par les postes de travail à africaniser.
Une certaine opinion estime que cette loi est désuète du fait des délais relatifs à la programmation. Nous affirmons le contraire en soulignant que cette loi est toujours en vigueur pour trois raisons :
La première réside dans l’importance de la loi sur l’africanisation qui est une Loi-Programme, une loi inscrite dans le marbre de la politique générale de l’emploi en République du Congo, puisque la question du chômage sauf dans un monde chimérique sera toujours au centre de la préoccupation des gouvernants.
La seconde raison tient au fait que la loi sur l’africanisation des emplois sur son aspect relatif au programme ne portait que sur le remplacement des étrangers employés au Congo, sur les postes de travail concernant des situations existantes au moment de l’entrée en vigueur de la loi. En ce sens que l’aspect portant sur le recrutement des étrangers sur les catégories visées par la dite loi reste interdit au-delà de la période de programmation contenue par la dite loi.
Enfin la troisième raison est un argument de texte visé par le législateur congolais lui-même, qui dans la Loi N° 022/88 du 19 Septembre 1988 portant modification de la Loi du 28 Février 1986 remplaçant et complétant la Loi N° 03/85 du 14 Février 1985 portant création de l’Office National de l’Emploi et de la Main d’Œuvre (ONEMO)et modification du Code du Travail, fait référence dans son article 28 sur le rôle de la Direction Générale de l’ONEMO à la Loi sur l’africanisation des postes de travail de 1967. Et d’ailleurs le législateur congolais se débarrassant de l’idéologie politique de l’époque qui avait nommé cette loi l’africanisation des emplois, a clairement parlé de la congolisation des emplois.
Et cette analyse est d’ailleurs partagée par la jurisprudence qui a eu à se prononcer favorablement, dans des litiges nés après les différentes échéances programmées par la loi sur l’africanisation des emplois (1).
La loi sur l’africanisation des emplois est manifestement le gardien qui veille sur la représentativité des étrangers sur le marché du travail dans notre pays, de façon à permettre que les congolais lorsqu’ils sont à égalité de compétence puissent être préférés à tous les étrangers. Il n’y a dans cette politique aucun relent de xénophobie, mais simplement une dose de réalisme qui se nourrit du sentiment patriotique nécessaire dans une économie mondialisée ( Cf La Circulaire GUEANT en France).
B/ LES MOYENS DE CONTROLE ET DE REPRESSION DE LA VIOLATION DE LA LOI.
Le législateur conscient de ce que l’individu est toujours enclin à contourner les dispositions légales qui desservent son intérêt personnel, a prévu des moyens de contrôle et de répression efficaces pour contribuer de manière objective à la présence des étrangers sur le marché national du travail.
1°) Les moyens de contrôle de la loi
D’ abord un contrôle à priori de la loi est organisé par la Loi N° 022/88 du 17 Septembre 1988 qui donne mission à l’ONEMO de promouvoir l’emploi et de lutter contre le chômage et d’assurer la congolisation des emplois et de délivrer dans les conditions prévues par la loi les autorisations d’emploi des travailleurs étrangers.
Cette loi a mis en place trois maillons essentiels pour permettre le contrôle du recrutement des étrangers :
L’article 27 permet à l’Agence local de l’ONEMO d’examiner si l’emploi à l’échelon local peut être exercé valablement par un national, et demande pour cela l’avis du Syndicat de l’entreprise qui doit se prononcer dans un délai bref de huit jours. Et la loi précise que l’absence d’une réponse est considérée comme un avis favorable.
Le deuxième maillon est constitué par le contrôle effectué par la Direction Générale de l’ONEMO. Le Directeur Général de cette institution après avoir reçu le dossier transmis par le Chef de l’Agence locale de l’ONEMO donne son avis et transmet à son tour la demande d’autorisation d’emploi de l’étranger prévu par l’article 26 au Ministre du Travail qui décide en dernier lieu.
Le troisième maillon de contrôle est donc constitué par l’intervention du Ministre du Travail qui est seul habilité à autoriser le recrutement d’un étranger sur le territoire national.
La réalité des textes est telle que personne au sein de l’Administration du Travail ne doit ignorer le recrutement d’un étranger fait en violation de la loi au Congo.
Le contrôle à posteriori est organisé par les articles 155 et suivants du Code du travail qui permet aux Inspecteurs du travail, ainsi qu’aux fonctionnaires responsables d’un bureau de contrôle de travail dans le ressort relevant de leur compétence de contrôler de jour comme de nuit les sociétés et établissements pou vérifier la loi sur l’africanisation des emplois. A cet effet ils disposent d’un outil précieux pour se renseigner sur la réalité de la situation des effectifs, en consultant le registre de l’employeur dont la tenue est rendue obligatoire par l’article 182 du Code du Travail. Ils peuvent ainsi contrôler l’identité de tout travailleur et même demander des renseignements à toute autre personne dont le témoignage est nécessaire.
A cet effet les infractions à la législation sur l’emploi des étrangers sont constatées par les Inspecteurs du travail et des Lois Sociales, ainsi que par les fonctionnaires d’un bureau de contrôle du travail par des procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire, conformément aux dispositions de l’article 4 de la Loi sur l’africanisation des emplois et de l’article 154 du Code du Travail. Et ceux-ci saisissent le Ministère Public aux fins des poursuites pénales.
2°) Les sanctions prévues par la loi
Le régime de la répression contre la loi sur l’africanisation des emplois et qui est devenue la politique de la congolisation des emplois est constitué par des peines exclusivement pécuniaires.
Le troisième alinéa de l’article 4 de la Loi N°23/67 du 21 Décembre 1967 portant Loi-Programme sur l’africanisation des emplois puni d’une peine d’amende équivalente à cinq fois la rémunération mensuelle de chaque agent dont le poste n’a pas été africanisé pour les emplois prévus au 1°, 2°, et 3°à l’article 2 de la dite loi.
Et le même texte punissait d’une peine d’amende équivalente à deux fois et demi la rémunération mensuelle de chaque agent dont le poste n’a pas été africanisé pour les autres empois de la huitième catégorie et ceux égaux et supérieurs de la neuvième catégorie.
Quant à la récidive elle est sanctionnée par le double de la peine fixée lors de la précédente condamnation si dans un délai de six mois suivant un jugement devenu définitif le poste n’a toujours pas été africanisé (Article 4 dernier alinéa).
La loi N° 022/88 du 17 Septembre 1988 réprimant le recrutement d’un travailleur étranger en violation de la loi puni cette infraction d’une amende allant de 100.000 à 1.000.000 Francs CFA.
Cependant cet arsenal législatif est mis à néant par l’inertie des Inspecteurs du travail qui exercent leur fonction en violant le serment prévu à l’article 152 du Code du Travail qui leur prescrit de « bien et fidèlement remplir leur charge », sous peine des sanctions prévues au Code Pénal. Or une recherche attentive dans ledit Code nous amène à dire que le législateur n’a pas prévu la sanction de la violation de leur serment par les Inspecteurs du Travail.
A notre avis c’est dans ce vide juridique que les Inspecteurs du Travail tirent le zèle de rendre ineffectif la loi sur l’africanisation des emplois. Une inapplication dont tout le monde s’imprègne lorsqu’on pénètre dans les pâtisseries, les compagnies aériennes, les sociétés œuvrant dans la téléphonie mobile, les fonds de commerce de la grande distribution, les sociétés de transit et les sociétés pétrolières.
Il est donc impérieux que le Ministre du Travail qui est en charge de la politique de l’emploi dans notre pays prenne la mesure de la situation que nous décrions, et qu’il mette en œuvre des bonnes mesures d’accompagnement pour faire respecter la loi sur l’africanisation des emplois, dont la portée pratique est loin de satisfaire la préoccupation du législateur congolais.
II/ LA REFORME DE LA LEGISLATION EN VUE DE DYNAMISER LE MARCHE DE L’EMPLOI
Nous traiterons de l’intérêt de rendre effective la loi sur l’africanisation des emplois et de la nécessité d’entreprendre sa réforme en vue de concourir efficacement aux solutions des emplois au niveau national.
A/ LES CONSEQUENCES DE L’EFFECTIVITE DE LA LOI SUR LE MARCHE DU TRAVAIL
Les Inspecteurs du travail accomplissent dans le cadre de leur fonction un service public comportant une mission d’intérêt général. Pour cela il convient que nous puissions leur signifier qu’ils ne peuvent pratiquer le nihilisme juridique et se comporter comme si la loi n’existe pas pour eux. C’est ici le lieu de leur rappeler le sens de leur prestation de serment et leur enseigner cette belle pensée de Portalis qui écrivait : « La loi permet, ordonne ou interdit ». Pensée paraphrasée par deux auteurs contemporains : « Le droit se ramène toujours à ces trois éléments : devoir, pouvoir, ne pas pouvoir. On doit faire quelque chose, c’est une obligation. On peut faire quelque chose, c’est une faculté. On ne peut pas faire quelque chose, c’est une interdiction »(2).
Et la loi sur l’africanisation des emplois promulguée par le législateur en 1967 et complétée par la loi de 1988 sont des lois qui interdisent de recruter des travailleurs étrangers au Congo en l’absence d’une autorisation du Ministre du Travail en vue de donner la préférence aux congolais. Par conséquent elles doivent être respectées par tous tant qu’elles sont en vigueur.
Le principe de la légalité doit s’appliquer à l’Administration du Travail qui est la première concernée par le respect des lois sus –citées. En cela les Inspecteurs du Travail doivent résister aux tentations de l’arbitraire, de la négligence et de la corruption et briller par le sens des initiatives et l’esprit de responsabilité, pour vaincre les errements des employeurs qui inspirent par leurs attitudes la violation de la politique limitant le recrutement des étrangers au Congo.
La politique définie par le législateur congolais mérite de recevoir une application effective, de manière à permettre aux congolais de saisir pleinement les opportunités offertes par la loi sur l’africanisation des emplois qui fait de l’emploi d’un étranger en violation des dispositions légales un licenciement légitime.
Et cette loi a été judicieusement complétée par la Loi N° 022/88 du 17 Septembre 1988 sur l’ONEMO en son article 25 qui soumet désormais le recrutement de tout travailleur étranger à l’autorisation du Ministre du Travail. De telle sorte qu’aujourd’hui aucun secteur de la vie économique nationale n’échappe en matière de recrutement des étrangers à la politique de la congolisation des emplois.
Le problème de l’emploi ayant un retentissement considérable sur l’avenir du pays, les autorités compétentes pour sa mise œuvre doivent veiller avec responsabilité, pour assurer l’effectivité des deux lois de 1967 et 1988 qui régissent la politique de la congolisation des emplois.
B/ LA NECESSITE D’ENGAGER UNE REFORME DE LA LOI SUR L’AFRICANISATION DES EMPLOIS
Le droit social est constitué par l’ensemble des règles juridiques de caractère social dont l’importance a une implication dans la vie économique.
Nous savons que les chefs d’entreprise ont une grande responsabilité dans l’inapplication de la loi sur l’africanisation des emplois. Et le nihilisme juridisme qui caractérise ces derniers ne peut être combattu que par la loi elle même. D’où la nécessité de mettre en place une reforme de la loi pour sanctionner plus efficacement et plus lourdement les contrevenants à la politique de la congolisation des emplois.
1°) Une implication dans le système de répression du Ministère Public
La distorsion entre la loi et la réalité étant expliquée par le manque d’initiative des Inspecteurs du travail, il est impérieux que le législateur prévoit un mécanisme juridique qui permettra au Procureur de la République de pallier à l’inertie des Inspecteurs, en permettant au citoyen de dénoncer à l’autorité judiciaire la situation d’un emploi constituant une infraction à la législation du travail portant sur le recrutement d’un travailleur étranger.
Par ce moyen le Parquet ne se contentera plus d’attendre de recevoir les procès-verbaux transmis par les Inspecteurs du travail et dynamisera ainsi la répression au niveau de la recherche et de la constatation des infractions.
2°) Une répression plus dissuasive
Le législateur congolais doit se montrer plus répressif pour amener les Chefs d’entreprises d’accepter enfin de se soumettre à la politique de la congolisation des emplois. Pour cela il doit rehausser l’échelle des sanctions pécuniaires. Nous proposons que pour chaque infraction constatée concernant le recrutement d’un étranger fait en violation de la loi , qu’elle soit punie par une amende représentant dix fois la rémunération mensuelle de chaque agent dont le poste de travail n’a pas été congolisé.
Et que la répression de la récidive soit sanctionnée du double de cette peine, lorsque dans une période de trois mois suivant un jugement devenu définitif les Inspecteurs du travail constatent que le même poste de travail ayant fait l’objet d’une première infraction n’a pas été congolisé.
Ainsi le choix d’un Chef d’entreprise pour le moins incompréhensif puisque fait en violation de la loi, de préférer recruter un travailleur étranger plutôt qu’un national ayant les mêmes compétences devra avoir un prix, que seule l’audace suicidaire pourra amener les contrevenants irréductibles à vouloir agir contre l’intérêt de la société qu’ils ont la responsabilité de diriger.
La politique de la congolisation des emplois mise en place par le législateur congolais vise à défendre l’intérêt général en permettant aux congolais d’être présents dans le bassin national de l’emploi, et par conséquent tous les acteurs qui œuvrent sur le territoire national doivent respecter les lois qui organisent cette politique.
Emmanuel KITOKO-NGOMA
Par Zenga-Mambu