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– Dans ce texte très fouillé, A. Atchadé revient sur des aspects essentiels du rôle et du fonctionnement de la Cours Pénale Internationale (CPI), une institution qui ne cesse de se discréditer parce qu’elle est faible avec les forts et forte avec les faibles – surtout quand ils sont Africains. Un document inédit !
- Qu’est-ce que la CPI ?
La CPI a été fondée en vertu d’un traité signé par 122 pays au 1er mai 2013. Plus de trente pays ne l’ont pas encore ratifiée. Elle ne représente au mieux que le quart des habitants de la terre, la Russie, l’Inde, les Etats Unis et la Chine ne reconnaissant pas sa compétence. Ce qui veut dire aussi que trois membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU lui échappent.
La Cour pénale internationale a été officiellement établie pour juger les crimes les plus graves de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression (ce dernier crime doit encore faire l’objet de compromis).
La Cour ne peut poursuivre que les crimes commis à compter du 1er Juillet 2002, la date où le Statut de Rome sur la Cour pénale internationale est entré en vigueur.
La Cour affirme compléter les systèmes judiciaires nationaux et être saisie en dernier recours : elle ne peut, en principe, exercer sa compétence que si les tribunaux nationaux ne veulent pas ou ne peuvent pas enquêter ou poursuivre de tels crimes.
La CPI assure avoir reçu plus de 8000 plaintes de violations de droits humains provenant de 130 pays. La CPI a décidé de n’agir que dans cinq situations, toutes dans des pays africains. Courageusement, la CPI n’a poursuivi à ce jour que les seules personnes qui sont vues comme faibles, les perdants, qui ne bénéficient pas de la protection de puissants parrains.
A ce jour, elle a complété deux procès (un de gagné, un de perdu). Bien sûr, elle séduit les ONG en quête de puissance normative qui insistent sur l’affirmation selon laquelle ce qui existe est mieux que «rien». Mais le maigre bilan tant quantitatif que qualitatif de la CPI souligne le gouffre entre les tenants de cette gouvernance judiciaire qui se veut universelle et l’indifférence sinon le rejet dont elle fait l’objet.
2. Qui finance la CPI ?
La CPI, en 10 ans d’existence, a englouti plus d’un milliard d’euros. Qui finance donc la CPI ? En l’absence des Etats-Unis, la CPI est dominée par l’Europe. La seule contribution des pays de l’Union Européenne représente plus de 60% du budget de la CPI (pour 2013 : 115 millions d’euros).
Curieusement, le statut de Rome permet à la CPI de recevoir des contributions volontaires de gouvernements, d’organisations internationales, de particuliers, d’entreprises et d’autres entités. Il y a aussi les moyens matériels et logistiques mis à la disposition de la CPI.
Les Etats-Unis, en phase de rabibochage officiel avec la CPI, y vont de leur petit coup de pouce, mais avec leurs méthodes dignes du Far West, en promettant une récompense de 5 millions de dollars pour la capture de Joseph Kony. Du beurre dans les épinards de la lutte contre l’impunité.
3. La CPI pour qui ?
– Joseph Kony, Vincent Otti, Raska Lukwiya, Okot Odhiambo, Dominic Ongwen (Situation en Ouganda);
– Thomas Lubanga, Germain Katanga, Mathieu Ngudjolo Chui, Bosco Ntaganda, Sylvestre Mudacumura, Callixte Mbarushimana (Situation en République Démocratique du Congo) ;
– Jean-Pierre Bemba (Situation en République centrafricaine) ;
– Ahmad Haroun. Ali Kushayb, Omar al-Bashir, Bahar Idriss Abu Garda, Abdel Raheem Muhammad Hussein, Abdallah Banda Abakaer Nourain et Saleh Mohammed Jerbo Jamus (Situation au Darfour, Soudan) ;
– William Samoei Ruto et Joshua Arap Sang, Uhuru Muigai Kenyatta (Situation au Kenya) ;
– Saif Al-Islam Gaddafi et Abdullah Al-Senussi (Situation en Libye) ;
– Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo (Situation en Côte d’Ivoire).
Tous Africains.
4. La CPI est-elle comptable de ces actions ?
Dans la plupart des pays, le Code de procédure pénale appliqué par les juges est élaboré par le pouvoir politique. Le Statut de Rome confie tous les pouvoirs au procureur et juges de la CPI sans aucun contrepoids ni contrôle. La CPI n’est responsable devant aucune institution autre que la CPI elle-même. Sans pouvoir politique, gouvernement ou Parlement, sans citoyens pour l’encadrer.
5. Quel est le rôle des ONG ?
Un nouvel ordre humanitaire, piloté par les organisations non gouvernementales représentant la société dite «civile», a officiellement été adopté lors du Sommet mondial de l’ONU en 2005. La responsabilité de protéger les populations vulnérables, surtout lorsqu’il s’agit de l’Afrique, appartient à «la communauté internationale».
Les ONG (Organisations Non Gouvernementales) ne se contentent plus d’agir sur la scène internationale en tant que supporters de grandes causes, en s’appuyant sur un réseau d’adhérents ou de volontaires. Elles sont devenues l’émanation de la société civile pour le compte de la communauté internationale.
En compagnie de quelques Etats qu’elles jugent «vertueux», elles exercent leur magistère moral et travaillent à la mise en œuvre d’une «gouvernance mondiale» qui les habiliterait à contrôler les politiques des Etats dans les domaines de l’environnement, du désarmement ou des droits de l’homme…
Ces ONG ne rendent de comptes à personne, mais en exigent des gouvernements démocratiquement élus surtout lorsqu’ils sont africains, brandissant leur mandat au nom de la société civile contre les citoyens forcément apathiques ou bien mal informés.
C’est l’existence même de la Cour pénale internationale qui, selon ces «idéalistes», serait une victoire miraculeuse du bien contre le mai, le garde-fou suprême contre le crime de masse et l’impunité.
Ces ONG fournissent le matériau de base de l’accusation, ces «éléments de preuve» qui permettent au Procureur de satisfaire le test des «motifs raisonnables» afin d’obtenir le mandat d’arrêt, voire la confirmation des charges.
Les ONG sont à la fois juge et partie des actions de la CPI. Leur fonds de commerce et business model en dépendent.
Human Rights Watch est financée notamment par Georges Soros, le milliardaire américain. Mais la CPI a aussi comme partenaires la fondation Ford, la fondation MacArthur ou l’Open Society Institute de George Soros. L’Open Society a été fondée par Soros en 1984 avec plusieurs milliards de dollars d’actifs. Il y a aussi International Crisis Group, financée par les gouvernements européens et … George Soros. Même l’Association Internationale du Barreau (IBA) n’est pas à l’abri de ses financements tentaculaires puisque l’Open Society Institute (de George Soros) finance certaines de ses activités. A l’évidence, l’une des plus belles créatures de ces ONG est bien la CPI.
6. Quel est le rôle de la coalition pour la Cours Pénale Internationale ?
Le réseau d’ONG regroupées dans la Coalition pour la Cour pénale internationale représente en quelque sorte les «pom-pom girls» de la CPI, un maillon essentiel de sa stratégie de communication. Il se mêle de tout, agite des chiffons rouges, encourage bruyamment la CPI, participe au spectacle.
Son rôle est d’ailleurs reconnu par l’Assemblée des Etats parties qui reconnait son rôle de «coordination et de facilitation». La CPI jouit du soutien généreux de l’Union européenne et d’organisations dont l’Open Society Institute, encore. Dans son comité exécutif, on retrouve Human Rights Watch et Amnesty International. Au comité consultatif, on retrouve la présidente de l’International Crisis Group, Louise Arbour, Richard Goldstone, Kofi Annan, le Prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein de Jordanie.
7. Qui est le Procureur de la CPI ?
Louis Moreno-Ocampo, le premier procureur de la CPI, avait montré le peu de cas qu’il faisait du processus judiciaire en quittant la salle d’audience lors de la journée d’ouverture du premier procès de la CPI pour aller parader au Forum économique mondial de Davos au bras de célébrités comme Brad Pitt et Angelina Jolie.
Madame Fatou Bensouda, qui lui a succédé le 15 juin 2012, lui a emboité le pas et a brillé par son absence plusieurs jours durant lors de l’audience de confirmation des charges dans l’affaire le procureur c. Laurent Gbagbo, parce qu’elle avait d’autres priorités. Il y a très peu d’informations sur le parcours professionnel de Madame Bensouda. Le site de la CPI nous informe qu’elle est titulaire d’une maîtrise en droit maritime international et en droit de la mer. Elle a été Ministre de la Justice et conseillère juridique principale auprès de Yaya Jammeh, dictateur histrionique d’un petit Etat d’Afrique de l’Ouest, la Gambie. Le New York Times nous informe qu’elle n’est pas universellement admirée et pas très douée en plaidoirie mais qu’elle est plutôt appréciée pour sa «personnalité affable et ses compétences organisationnelles». Un conseiller juridique pour le Programme Afrique de l’Open Society Justice Initiative (galaxie Soros) déclare, dans le même article, que Mme Bensouda était «la seule personne que je connaisse qui ait gardé sa réputation » après avoir été associée à M. Jammeh. Ce qui n’empêche pas Madame Bensouda de chanter les louanges «de Son Excellence le Président… qui a assuré sa récente élection comme prochain Procureur de la Cour pénale internationale». Et était-elle vraiment obligée d’accepter une breloque du personnage après son élection ?
8. Comment a été « élue » Madame Bensouda au poste de Procureur de la CPI ?
Après Monsieur Moreno-Ocampo, Madame Bensouda, donc. Le changement dans la continuité. «Le Procureur est élu au scrutin secret par l’Assemblée des États parties, à la majorité absolue des membres de celle-ci». Ainsi en est-il prévu par l’Article 42.4 du Statut de Rome.
Cependant, dans une lettre datée du 28 novembre 2011, le président de l’Assemblée des Etats parties a rappelé que le candidat sera élu «par consensus» et que «d’après le sentiment général, le prochain Procureur doit venir d’Afrique». «Bien que ce point de vue […] ait été exprimé de façons très différentes, et que certains d’entre vous ont explicitement exprimé leur soutien en faveur de candidats d’autres parties du monde, nous sommes convaincus de ne pouvoir parvenir à un consensus que si nous nous concentrons effectivement sur les deux noms de la région d’Afrique».
Pourquoi court-circuiter l’Assemblée des Etats parties avec un candidat unique ? Et pourquoi était-il si important que le prochain procureur fut africain ? Parce que l’image de la CPI sur le continent africain est passablement écornée, elle qui n’a poursuivi à ce jour que des Africains ? Madame Bensouda jure qu’elle n’a pas été «élue» parce qu’elle est africaine. Ne soyons pas mauvaise langue. C’est vrai, elle n’a pas été «élue».
9. Les Juges sont-ils des professionnels du droit ?
L’article 36.3 b du Statut de Rome prévoit que : «Tout candidat à un siège à la Cour doit : i) Avoir une compétence reconnue dans les domaines du droit pénal et de la procédure pénale ainsi que l’expérience nécessaire du procès pénal, que ce soit en qualité de juge, de procureur ou d’avocat, ou en toute autre qualité similaire.»
Les Juges sont en réalité choisis par les représentants des États parties en fonction de critères de nationalité, de poids régional après moult tractations. Les juges de la CPI sont d’anciens politiciens, d’anciens diplomates, universitaires et professionnels des «droits de l’homme».
Un exemple : le juge Silvia Alejandra Fernandez de Gurmendi qui préside la Chambre préliminaire I dans le cadre de l’Affaire le Procureur c. Laurent Gbagbo est une diplomate de carrière : elle a gravi tous les échelons du service diplomatique argentin depuis 1989, pour terminer en 2006, Directeur général pour les droits de l’homme au ministère argentin des Affaires étrangères. Après avoir été, brièvement, au service du Bureau du Procureur de la CPI (étrange transition), elle a été élue juge à la CPI en 2009. Nul ne doute de la brillance de son parcours professionnel au sein de l’administration argentine. Mais ce n’est pas une praticienne du droit.
10. De quoi est accusé Laurent Gbagbo ?
D’après le site de la CPI, «Laurent Gbagbo aurait engagé sa responsabilité pénale individuelle, en tant que coauteur indirect, pour quatre chefs de crimes contre l’humanité : a) de meurtres, b) de viols et d’autres violences sexuelles, c) d’actes de persécution et d) d’autres actes inhumains, qui auraient été perpétrés dans le contexte des violences post électorales survenues sur le territoire de la Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011».
11. Que veut dire co-auteur indirect ?
Avant de formellement reconnaître la culpabilité d’une personne, l’acte matériel de culpabilité doit être complété par la preuve de l’intention criminelle pour que le comportement de l’accusé puisse être juridiquement qualifié d’infraction criminelle. Il faut donc à la fois l’acte coupable (actus reus) et l’intention coupable (mens rea).
Ce qui est compliqué à établir lorsqu’il s’agit de phénomènes de crimes collectifs : qui a fait quoi ? Qui a participé à quoi ? Avec qui ? Qui a ordonné quoi ? Qui a couvert quoi ? La notion de co-action peut permettre de retenir plus facilement la responsabilité pénale car celui qui participe au plan ou entreprise est co-auteur de tous les crimes commis dans le cadre de cette plan/entreprise en dispensant le Procureur de la preuve d’une participation personnelle, d’une identification précise du rôle, et donc de l’étendue, de la responsabilité des personnes.
Mais comme l’a rappelé la défense : «Afin d’éviter tout élargissement indu de la responsabilité pénale, le lien entre la personne mise en cause et les crimes allégués doit, dans le cas de la coaction indirecte, être démontré. Il ne peut y avoir de poursuites contre une personne si tous les éléments objectifs et subjectifs exigés par le Statut pour constituer une infraction ne sont réunis. La notion de la coaction indirecte ne doit s’appliquer que si la personne mise en cause a, sur la base d’un plan commun que le Procureur doit démontrer, contribué volontairement à la commission d’un crime».
12. Quel était donc le plan de Laurent Gbagbo ?
«Gbagbo était déterminé à rester au pouvoir. Quelque temps avant l’élection de 2010, aidé par des membres de son entourage immédiat, parmi lesquels Simone Gbagbo et Charles Blé Goudé, il a adopté une politique visant à attaquer son rival politique Alassane Dramane Ouattara (Ouattara) ainsi que des membres du cercle politique de celui-ci, ainsi que des civils considérés comme ses partisans, dans le but de conserver le pouvoir y compris par la force létale (…) Avant l’élection, Gbagbo a pris des dispositions dans la poursuite de la Politique pour faire en sorte de se maintenir au pouvoir en cas de défaite électorale. Il a consolidé son autorité absolue ainsi que le contrôle qu’il exerçait sur les Forces de défense et de sécurité ivoiriennes (FDS)», nous indique la CPI.
13. Qui d’autre fait l’objet de poursuite ?
On peut se demander dans quelle mesure l’on peut soutenir l’existence d’un plan criminel commun face à un seul suspect, puisque l’adjectif “commun” suppose plus d’un individu. Dans certaines circonstances, les poursuites pour ce genre de crimes peuvent exiger que tous les principaux acteurs soient poursuivis en même temps, pour éviter que les effets du jugement des uns – ceux qui sont présents – ne se répercutent irrémédiablement sur les autres – ceux qui sont absents.
Le 22 novembre 2012, la Chambre préliminaire I a levé les scellés sur un mandat d’arrêt émis à l’encontre de Simone Gbagbo pour quatre chefs de crimes contre l’humanité prétendument commis sur le territoire de la Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011. Mme Gbagbo n’est pas détenue par la Cour. Ailleurs, le mot utilisé est «at large», ce qui peut être traduit par «en fuite». Où est donc Madame Gbagbo ? A part cela, rien sinon une étrange indulgence pour les crimes «des uns».
14. Qu’est-ce que l’audience de confirmation des charges ?
L’audience de confirmation des charges ressemble à un mini-procès. Celle contre Laurent Gbagbo a mobilisé beaucoup d’énergies – même celles du régime Ouattara – qui s’y fait représenter. L’accusation présente au juge les éléments de preuve sur lesquels elle fonde ses accusations. Il s’agit pour le Procureur de convaincre le Juge qu’aussi bien juridiquement que factuellement ses accusations sont étayées. La charge de la preuve repose sur les épaules du Procureur. Le Juge doit les évaluer et décider s’il y aura un procès. Madame Bensouda doit montrer qu’elle a suffisamment de preuves pour démontrer que Laurent Gbagbo a arrêté « une politique» et «un plan», visant à se maintenir au pouvoir à tout prix. Si les charges sont confirmées, il s’agira d’évaluer les faits soumis par le procureur, et de voir dans quelle mesure ces faits sont réels.
15. Qu’appelle-t-on éléments de preuve ?
Des rapports des Nations Unies, d’ONG, de photos non identifiées et des extraits vidéo non datés, des éléments de langage : « devant c’est maïs » et « on gagne ou on gagne », des témoins anonymes. Un extraordinaire bricolage narratif.
Le bureau du procureur, à propos du cas Gbagbo, prétend : « Notre dossier d’accusation est très étoffé. Nous avons collecté plus de 3 500 éléments de preuve, dont 900 l’incriminent ». Y compris des documents de violences au Kenya.
16. Qui sont les victimes ?
Une victime est une personne qui a subi un préjudice suite à un crime relevant de la compétence de la cour. La victime est emblématique et est particulièrement mobilisée par le processus pénal. La présence des victimes participe d’une mise en image de la culpabilité. Les victimes choisies par le procureur ne sont que rarement les témoins des faits reprochés et pourtant leur rôle est d’établir une vérité factuelle. Il est impossible de connaitre l’identité des victimes (pour leur protection), et partant l’identité des agresseurs, les lieux où ces incidents se seraient produits ou encore les circonstances dans lesquelles ils auraient eu lieu. Aucun événement n’est proprement identifié et bien entendu aucun de ces événements n’est proprement documenté. 199 victimes ont été désignées par les juges de la CPI à participer au stade de la procédure de confirmation des charges.
17. La présomption d’innocence est-elle respectée à la CPI ?
On n’ose même plus protester contre le crétinisme du bureau du procureur, son ignorance bavarde et sa niaiserie péremptoire. En juin 2011, Monsieur Moreno-Ocampo, alors procureur de la CPI, avait déclaré que les «pires violences post-électorales» en Côte d’Ivoire avaient été commises par le camp de Laurent Gbagbo (Et ce, malgré le massacre de plus de 800 personnes perpétré fin mars 2011 à Duékoué par les forces soutenant le camp d’Alassane Ouattara, qui n’ont, elles, fait l’objet d’aucune enquête.
Plus récemment, Madame Bensouda nous informe dans une interview avec Jeune Afrique que «Laurent Gbagbo élaborait sa stratégie avec un groupe de proches, mais il était le principal coordonnateur des exactions. Celles-ci relevaient d’une intention, d’une politique, d’un plan pour garder le pouvoir et s’attaquer aux civils. Sans son implication, tous ces crimes n’auraient pas été commis».
Dans le cadre de la situation au Soudan en décembre 2009, Monsieur Moreno-Ocampo était allé jusqu’à apporter une contribution intéressante à la jurisprudence sur la présomption d’innocence. Il avait averti que la «négation active» d’un crime présumé pouvait être lui-même un crime passible de poursuites. «Mon Bureau envisage la responsabilité pénale des responsables soudanais qui nient et dissimulent activement des crimes».
Comment interpréter ces déclarations ? Est-ce parce qu’il n’y a pas de Code de conduite abordant les déclarations publiques des personnels de la CPI ? Une certaine paresse intellectuelle qui sous-entend qu’il suffit de postuler une culpabilité pour qu’elle soit avérée ? L’irruption de la pensée magique dans un système pénal encore bien encore immature ?
Mais au fond, peu importe que Thomas Lubanga ait été condamné à la suite d’un procès fleuve de 6 ans, que Mathieu Ngudjolo Chui ne l’ait pas été, que les charges contre Callixte Mbarushimana aient été rejetées. Ils seront tous à jamais accrochés au mur des «affaires» de la CPI. Ils resteront là par souci didactique.
18. La CPI peut-elle aider à établir la vérité ?
«L’action de la CPI permettra de faire éclater la vérité pour faciliter la réconciliation», nous dit Madame Bensouda. On affirme juger au nom de la «conscience universelle». Aux reproches de justice des vainqueurs, on oppose des crimes sans précédent, on impose un châtiment exemplaire. La dramaturgie des débats permet l’émergence d’une histoire, dans une version unique, consignée à jamais, sacralisée. Mais dans son empressement à poursuivre, Madame Bensouda obscurcit les origines de la violence en Côte d’Ivoire, obscurcit la justice.
19. Monsieur Ouattara coopère-t-il avec la CPI ?
Après avoir réclamé à cor et à cri les enquêtes sur les crimes du camp adverse, Alassane Ouattara traîne des pieds. Ou fait mine de continuer de coopérer. Sur le transfèrement de Simone Gbagbo : «Quand on aura fini de réfléchir, on dira à la CPI ce qu’on entend faire. Plus on prend de temps, plus la réflexion se bonifie», a seriné Gnénéma Mamadou Coulibaly, ministre des Droits de l’homme. Monsieur Ouattara doit continuer à donner des assurances aux chefs de guerre qui l’ont porté au pouvoir… mais qui devraient logiquement répondre de leurs propres crimes. Et il continue de bénéficier de l’appui des gouvernements étrangers (France, Etats-Unis, Burkina, Nigeria, etc.). Tout cela est bien embarrassant pour la CPI.
20. La CPI pour quoi ?
Ecrire et réfléchir sur la CPI exige un effort conscient pour éviter les clichés et éviter le grand écart intellectuel. Nous applaudissons tous aux droits de l’homme. Nous voulons la justice et la fin de l’impunité, les bourreaux châtiés, les victimes rétablies dans leur droit et leur dignité. Nous voulons que les crimes commis ne se reproduisent pas.
Sur le terrain de la vraie vie, tout en se posant en arbitre de la justice impartiale, la CPI se montre incapable de dire clairement pourquoi certains individus font l’objet de mandats d’arrêt ou bien ont été inculpés, tandis que d’autres apparemment égaux en culpabilité ne sont pas inquiétés. Que la CPI ait politisé la question de la justice n’est pas une raison pour effectivement contourner la question de la responsabilité des uns et des autres. Mais rétribution, prévention et réconciliation sont des sujets trop sensibles, qui ne tolèrent pas les faux-semblants.
N’oublions pas le lien étroit entre force et justice. C’est parce que la France et les Etats-Unis ont pris fait et cause pour M. Ouattara, militairement dans le cas de la France, que ce procès a lieu. Ce n’est pas la CPI qui refaçonne les gouvernements et provoque les changements de régime !
A. Atchadé (Le Nouveau Courrier)
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