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Jeudi 16 mai, le campus de l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan a été le théâtre de violentes bagarres. Lundi, le ministre de l’Enseignement supérieur, Ibrahima Cissé Bacongo, avait quant à lui été pris à partie par plusieurs centaines d’étudiants.
C’était le 3 septembre 2012. Sur le campus flambant neuf de l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, le président Alassane Ouattara donnait le coup d’envoi de la nouvelle année étudiante, un « départ nouveau », selon le mot d’ordre officiel. À l’époque, l’accueil était positif. « Quand on a vu les infrastructures, nous étions satisfaits, explique à l’AFP Gaoussou Diabaté, étudiant en licence de droit public et porte-parole de l’Alliance nationale des étudiants de Côte d’Ivoire (Aneci). Mais à peine ces infrastructures ont-elles commencé à fonctionner que nous avons été déçus ».
Le malaise estudiantin est profond. Les amphithéâtres toujours surpeuplés et les salles trop peu nombreuses (certains cours se font à l’air libre) sont le premier motif de plainte. Autre sujet de mécontentement : l’insuffisance des transports publics autour de l’université, qui provoque d’interminables files d’étudiants en pleine rue après les cours. La pagaille quand un bus arrive a même déjà causé des décès et des blessés graves, selon les syndicats. Sans oublier « les coupures intempestives d’électricité, des micros qui ne marchent pas, déplore Gaoussou Diabaté. Il n’y a aucun document dans les bibliothèques, pas de fontaine sur le campus ».
Conséquence : la grogne n’a cessé de monter. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Ibrahima Cissé Bacongo, l’a constaté à ses dépens cette semaine. Lundi 13 mai, dans l’enceinte de l’université d’Abidjan, il a été pris à partie par plusieurs centaines d’étudiants. « Bacongo voleur », « Bacongo menteur », scandaient les protestataires. Le ministre a même dû battre en retraite sous une pluie de pierres, pendant que la police usait de gaz lacrymogène.
Nombre d’étudiants réclament donc des comptes sur la gestion des fonds dédiés aux chantiers des cinq universités (installées à Abidjan et dans l’intérieur du pays). Un montant colossal – 110 milliards de francs CFA (167 millions d’euros) – pour un contrat très controversé, jugé opaque par beaucoup. « Il faut qu’à un moment on puisse voir ce à quoi ont servi ces 110 milliards », affirme Armand Kakou, étudiant en lettres modernes.
Question politique
L’immense chantier des universités « n’est pas terminé », répond Viviane Krou Adohi, directrice générale de l’Enseignement supérieur, demandant de la » patience. (…) Nous n’avons même pas encore utilisé la moitié » du budget alloué, précise-t-elle. Selon cette responsable, les travaux pourraient être bouclés « d’ici la rentrée prochaine ».
Mais l’incident de lundi, suivi jeudi de bagarres entre étudiants, a rappelé combien l’université reste une question politique sensible en Côte d’Ivoire. Bastion de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), puissant syndicat et allié du régime Gbagbo durant la décennie 2000, elle était soumise à une violente coupe réglée, mélange de racket et d’oppression politique.
Sous couvert d’anonymat, une source au ministère dénonce des « sabotages » qui seraient perpétrés sur le campus d’Abidjan par des partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo.
Reste que les tensions dans les milieux universitaires, qui reflètent l’impatience de certaines couches sociale, sont « une alerte » pour le gouvernement, qui a une vision surtout « macro-économique » des problèmes du pays, estime un diplomate africain en poste à Abidjan. Une posture qui « ne peut que renforcer l’opposition », prévient-il.
(Avec AFP)