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RD C: Bukavu bascule dans la terreur


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Par Fidèle Musangu

Ce n’est peut-être pas encore la loi du Talion, mais tout se passe comme si la ville de Bukavu est déjà entrée dans ce système odieux et aux conséquences incalculables pour l’avenir de la paix en RDC.

Dimanche dernier aux environs de 20 heures, Justin BALAGIDI BAHATI, étudiant en deuxième licence en Informatique de l’Institut Supérieur Pédagogique a été agressé et battu à mort par des bandits non loin du grand marché de Kadutu qui est la commune mère de la ville. Une fois ces malfrats en fuite , des gens de bonne volonté ont transporté le pauvre étudiant vers un centre de santé le plus proche. Comme son état de santé ne faisait qu’s’empirer, les médecins présents sur les lieux ont décidé de l’acheminer en urgence vers l’hôpital de Référence de la Ville. Malheureusement, là aussi l’état de santé du pauvre Justin BALAGIDI BAHATI ne s’est pas du tout amélioré et l’irréparable est survenu avant-hier lundi dans la soirée. Justin BALAGIDI a rendu l’âme malgré tous les soins lui administrés par les médecins dépêchés par la faculté de médecine de l’Université Catholique de Bukavu.

Est-ce le début de La loi du Talion . ? L’annonce de son décès a mis le feu aux poudres dans cette ville qui n’a pas encore pansé les plaies de deux derniers assassinats des religieux, à savoir l’abbé CIZIMYA Daniel du presbytère de Kabare et la Soeur Denise du monastère de Murhesa. Ces deux localités sont célèbres en RDC et plus particulièrement au Kivu car Kabare fut la toute première école normale moyenne à former les tout premiers commis de l’époque coloniale tandis qu’à Murhesa fut construit le premier grand séminaire où sortirent les premiers prêtres noirs. Les étudiants de l’ISP et des autres instituts supérieurs de cette ville martyre ont barricadé les routes principales avec des pneus brulés. Comme d’habitude, pour manifester leur mécontentement, les jets des pierres ont commencé à fuser de toutes parts. En quelques minutes, ce fut la débandade comme si la ville venait d’être envahie par des insurgés.

Sur base des informations selon lesquelles leur collègue de classe avait été battu à mort pas des bandits, quelques étudiants de l’ISP se sont alors dirigés vers le cachot du Commissariat du grand marché de KADUTU où, grâce à la loi du nombre, ils sont parvenus à forcer la porte de ce lieu de détention provisoire avant de prendre en otage 13 suspects dans d’autres affaires de vol et crime en instance d’être déférés devant le juge. L’un de ces suspects connu sous le nom de Finder a commis la maladresse de manifester une résistance face à ce groupe d’étudiants visiblement incontrôlables et animés par des sentiments de vengeance. Et c’est ce qui lui a coûté cher. Il a été tabassé jusqu’à ce que mort s’en suive. Difficiles négociations avec les forces de l’ordre Chose assez curieuse mais à féliciter : pendant tout le temps que la foule passait à tabac l’un des treize suspects, les agents des forces de l’ordre se sont comportés correctement pour éviter d’envenimer le climat déjà lourd et qui aurait pu provoquer des émeutes à travers la ville et ses environs.

Ces 12 suspects ont alors été conduits menottés et sous les huées de la population jusqu’au campus de l’Institut Supérieur Pédagogique situé près de VAMARO qui fut jadis l’unique magasin de la ville pour des appareils et pièces électroniques, érigé sur les hauteurs de l’ancien stade de football appelé MUKUKWE, qui n’existe plus car envahi par des constructions anarchiques. Le calvaire de ces 12 suspects aurait pris fin à la suite des rudes et difficiles négociations entre les étudiants et les responsables supérieurs des forces de l’ordre dépêchés par les autorités politiques et administratives. Ces malheureux ont été ainsi remis entre les mains des agents de l’ordre mais la tension est toujours vive à Bukavu où la tendance, face à l’insécurité envahissante est d’expliquer désormais la loi du Talion (oeil pour oeil, dent pour dent), avec toutes les conséquences que cela peut entraîner. Méfiance accrue vis-à-vis des autorités et des forces de l’ordre La descente punitive organisée par les étudiants de l’Institut Supérieur Pédagogique de Bukavu n’est pas le fait du hasard ni d’une génération spontanée.

Ce comportement est consécutif à une situation de méfiance accrue entre la population et les autorités ainsi que les forces de l’ordre. L’insécurité ambiante qui prévaut dans cette ville et ses environs a provoqué au sein des populations des frustrations et des traumatismes indicibles qui ont fini par réveiller des sentiments de vengeance. Car, d’une part, il appert de plus en plus que ce sont souvent des éléments des forces de l’ordre et de sécurité qui sont responsables des assassinats perpétrés régulièrement sur de paisibles citoyens. Que des viols, vols, pillages et extorsions des biens commis presque chaque semaine par des hommes en tenue et en armes. Et ce qui énerve davantage, c’est qu’après les assassinats ciblés, les enquêtes commanditées par les autorités judiciaires et politiques se terminent souvent en eau de boudin.

En outre, l’on a de plus en plus l’impression que ce sont les hommes des médias, les activistes des droits de l’homme, les religieux catholiques et les étudiants qui sont les plus visés par ces assassinats. Et la liste est longue et édifiante : les enquêtes sur les assassinats de Pascal KABUNGULU, Serge MAHESHE, Didace NAMUJIMBO, Coco CHIRAMBIZA, les Archevêques MUNZIHIRWA et KATALIKO n’ont rien donné et pire encore, les présumés assassins se sont volatilisés dans la nature. Il est presque sûr que les enquêtes initiées pour connaître les assassins de deux religieux catholiques récemment assassinés ne vont pas aboutir.

Tout porte à croire qu’il existe une industrie du crime dont les commanditaires sont tapis dans l’ombre et bénéficient des appuis très forts. Cette descente punitive des étudiants de l’ISC-Bukavu qui s’apparente à la loi du Talion risque de faire des émules ailleurs et hypothéquer ainsi les chances de parvenir à une véritable paix dans cette partie du pays qui n’a que trop souffert des guerres répétitives. Affaire à suivre.