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-Pendant longtemps, pour savoir ce qui se passe près de nous ou loin ailleurs, nous, terriens, sommes « allés » vers les médias pour trouver l’information. Aujourd’hui, l’information « vient » vers nous. Elle nous parvient à la maison, minute après minute, par nos courriels (e-mails), dans nos ordinateurs, dans nos portables. Vive Internet ! Vive la science !
Plusieurs internautes ont probablement reçu, comme nous – dans leurs courriels – le texte contenant l’arbre généalogique de Honoré Ngbanda Nzambo-Ko-Atumba, ancien conseiller spécial du président Mobutu en matière de sécurité. Ce dernier, qui, apparemment, a le sens du détail (déformation professionnelle ? ardent besoin de convaincre ?), y décline ses noms, lieu et date de naissance. Il mentionne ses village, secteur, territoire et district « d’origine ». Il parle de son enfance, de ses amis de prime scolarité, etc. Mêmes précisions concernant ses parents et grands-parents, paternels comme maternels.
Honoré Ngbanda est actuellement, comme de nombreux autres Congolais, aux avant-postes de la noble lutte – sur la Toile et à leur manière – contre l’inacceptable occupation armée de la partie orientale de la RDC par des forces étrangères. Honneurs patriotiques leur soient rendus, et à tous les autres compatriotes qui refusent de courber l’échine devant les ambitions hégémoniques des envahisseurs de notre pays. En particulier ceux, comme le valeureux Mamadou Ndala, qui ont versé leur sang en les affrontant physiquement.
Par cette singulière notice biographique, le président de l’Apareco a sans doute voulu prouver sa « congolité », sa nationalité congolaise…« d’origine ». Comme en parle la loi congolaise sur la nationalité en son article 6 qui dit : « Est congolaise d’origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques et nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance ».
Tous les Compatriotes de Honoré Ngbanda doivent-ils également se soumettre à cet exercice rédactionnel ? En plus du C.V. (curriculum vitae), les Congolais seraient-ils désormais invités à exhiber leur arbre généalogique pour obtenir un emploi ? Est-ce une simple fierté d’exprimer l’appartenance – et dès lors normale – à un espace socio-géographique ? Ou une obligation de preuve à donner afin de se conformer au discriminatoire et exclusif article 24 de la même loi sur la nationalité ? Qui stipule : « La personne qui a acquis la nationalité congolaise, jouit de tous les droits et est tenue à toutes les obligations attachées à la nationalité congolaise d’acquisition. Toutefois, les lois particulières peuvent exclure de l’exercice de certaines fonctions publiques les personnes bénéficiaires de la nationalité congolaise d’acquisition ». Quelles seraient ces fonctions et, surtout, pourquoi les en excluerait-on ?
Le discours identaire, celui sur les « origines », est de plus en plus présent dans l’arène politique congolaise. On l’entend par-ci par-là et il n’est pas toujours innocemment tenu. L’éloge de l’identité – celui de la particularité d’un groupe, de son lointain passé, de son terroir et de sa vieille langue, des mêmes lointains ancêtres – est rarement sans risque car, mal fait, il entretient négativement les différences (« natif » et « arrivant », « eux » et « nous », et pis, «eux » contre « nous »), engendre in fine (sans que cela se dise clairement) le rejet de « l’autre », l’intolérance (tribale, ethnique, religieuse, raciale, etc.) et a souvent été à la base des massacres que connaît l’histoire de l’Humanité. Citons précisément ici le pogrom rwandais, il y a vingt ans passés, les années de guerre en Côte d’Ivoire consécutives au triste discours sur « l’ivoirité » ou encore – sous nos yeux, en direct -, les tueries en cours en Centrafique. Il y a ainsi lieu de faire très attention au recours au discours identitaire, et surtout à son instrumentalisation en politique, de s’interdire d’agiter, sans raison, des épouvantails.
Le fils du pays, dont les aïeux et bisaïeuls sont nés dans le même village, est, pense-t-on, censé aimer « plus » sa terre que l’étranger. Et que trahir la nation ne peut, de ce fait, n’être que le propre de « l’arrivant ». De ce point de vue, la fidélité à celle-ci n’est pas constatée par des actes, mais présumée acquise par la simple appartenance à la tribu, appartenance reflétée notamment par la consonance du nom. L’article 24 précité serait-il ainsi le paravent officiel à la traîtrise que contiendrait l’ADN du Congolais venu « d’ailleurs », le non « originaire » ? L’histoire de la RDC – émaillée des faits, bien nombreux, de pillages et de trahisons du pays par de prétendus Congolais de « souche » – contredit cette stigmatisation légale du Congolais de nationalité « d’acquisition », condamné à demeurer un citoyen de seconde zone n’ayant pas voix à tous les chapitres.
Les Congolais sont appelés à assumer la mondialisation et ses conséquences. Ils y sont entrés, et davantage, depuis 1960. Ils émigrent chez « les autres » et vont continuer à y aller. Et ces derniers entreront davantage chez eux. Au Congo comme ailleurs, personne ne pourra arrêter ces mouvements migratoires, séculaires, qui n’ont pas que des effets négatifs. L’apport en savoir humain et en transfert de tehnologie n’ont-ils pas contribué au développement et à la grandeur des nations qui se sont ouvertes aux autres ?
Le père de Barack Obama était allé étudier aux Etats-Unis. Il y a laissé un fils qui aujourd’hui est à la tête de ce pays, la première puissance de notre planète. Barack Obama a des frères et des sœurs consanguins au Kenya portant le même patronyme que lui. Le nom Obama ne vient pas, à ce que l’on sache, des peuples primitifs de l’Amérique. Les Etats-Unis n’ont pas pour autant disparu de la terre et ne s’en portent pas si mal malgré les origines biologiques et la peau basanée de leur actuel président. Le premier ministre belge, Elio Di Rupo, docteur en science chimique, est né en Belgique mais des parents italiens, venus d’Italie. Il est pourtant actuellement un des politiciens préférés des Belges. Manuel Valls, le tout récent premier ministre français, est né Espagnol et à Barcelone, de parents Espagnols. Il a obtenu sa naturalisation comme français à l’âge de 20 ans. Rama Yade est née au Sénégal. Devenue française, elle avait été nommée secrétaire d’Etat dans le gouvernement de « son » pays, la France, dirigé par Nicolas Sarkozy dont le père est d’origine hongroise.
Gisèle Mandaila a été vice-ministre belge et est actuellement députée bruxelloise. Bertin Mampaka est sénateur belge. Les deux sont nés Congolais et en RDC, de parents Congolais. Ils y ont leurs grandes familles et s’y rendent souvent. Cécile Kienge a dernièrement été ministre dans le gouvernement italien. Elle est également née en RDC où elle aurait, dit-on, 37 frères et sœurs. Elle est arrivée adulte en Italie.
Il n’est pas toujours bien indiqué de se citer en exemple du fait de l’arrière-goût de prétention ou de narcissisme qui peut accompagner la démarche. Pour illustrer davantage le présent sujet, le rédacteur de ces lignes s’autorise une exceptionnelle entorse à cette règle de savoir-vivre. Il est Congolais, né à Mbandaka. Son certificat de nationalité porte le numéro OO13314, son passeport le n°OB0136891, sa carte d’électeur le n°10022482055. Mais sa fille ainée, née également à Mbandaka, est devenue Belge à l’âge adulte, de libre choix. Détentrice d’un master en gestion, et après un passage à Fortis Banque, elle a été engagée par Bpost Bank comme conseillère financière. Elle a répondu à une offre publique d’emploi et elle a été retenue après une compétition où ont concouru plusieurs dizaines d’autres candidats belges, blancs de peau. Elle travaille avec son nom de naissance. Ses « origines » congolaises seraient-elles pour autant un danger pour la Belgique ? Ses recruteurs ont-ils commis un acte de trahison à la nation belge en engageant une Noire venue d’Afrique ?
La nationalité n’a ainsi rien avoir avec les origines. C’est une notion juridique, une relation de droit entre « un » Etat et « un » individu, faite des droits et des obligations réciproques entre les deux. Les ascendants et les descendants de l’« individu » n’ont absolument rien avoir dans cette relation. Le binôme n’existe et ne se définit que par lui-même. C’est une donnée des Etats modernes. La conception ethnique de la nationalité – surannée – est aujourd’hui celle des partis « nationalistes », ceux de l’extrême droite, qui font du rejet de « l’étranger », de la lutte contre l’immigration leur cheval de bataille. On les étiquette partis racistes, xénophobes. Existerait-il aussi des politiciens et des partis « d’extrême droite » en RDC ?
Les « étrangers » ont beaucoup fait au Congo, et parfois plus que les Congolais « d’origine ». Et ils méritent la reconnaissance de notre nation, cet agrégat d’ethnies à qui, faut-il le rappeler, ils ont donné sa forme actuelle. En effet, le Congo, en tant qu’Etat reconnu mondialement, a été créé par la volonté et l’entregent diplomatique d’un « étranger », le roi Léopold II en 1885. Ses sujets belges qui en ont hérité en 1908 avaient continué à le mettre en valeur. Ils avaient développé et bien tenu l’économie du pays (avec l’apport indirect des Américains, des Anglais, des Français, des Portugais, des Grecs,…) pendant toute la prériode coloniale. Et il n’est pas un mauvais exercice de comparer ce qui a été réalisé comme infrastructures socio-économiques en 52 ans de « domination coloniale » (1908-1960) avec ce que les « nationalistes » Congolais « d’origine » ont accompli de 1960 à ce jour, en 53 ans « d’indépendance ».
Depuis 1960, combien d’ « originaires » Congolais ont-ils créé d’entreprises payant des taxes et des impôts à l’Etat et offrant du travail à leurs concitoyens ? A quel pourcentage l’entreprenariat congolais contribue-t-il à la création de la richesse nationale ? Malgré les brutales expropriations (zaïrianisation) de 1974 et les successifs pillages de masse des années 1990, beaucoup d’étrangers sont restés au Congo et ont continué à y investir, prouvant ainsi – au-delà des intérêts économiques – leur attachement à notre pays. Citons ici deux exemples plus connus de grands entrepreneurs et pourvoyeurs d’emplois dans le pays, celui de Georges Forrest, né à Lubumbashi en 1940, et celui de William Damseaux, arrivé enfant au Congo en 1934. Les Libanais et les Indo-Pakistanais investissent davantage en RDC et, apparemment, plus que les Congolais (en termes de volume de capitaux) et avec des réalisations visibles et créatrices d’emplois. La majorité des grands immeubles qui sortent aujourd’hui de la terre comme des champignons à Kinshasa – contribuant à la « révolution de la modernité » – leur appartiendraient, dit-on.
Ces « étrangers » méritent, disons-nous, notre gratitude. Le président de la Fec (Fédération des entreprises du Congo), Albert Yuma – qui sait que la reconnaissance (une des valeurs chrétiennes) manifestée à autrui pour un avantage reçu de lui grandit les hommes et les nations qui l’expriment – a fait honneur à notre pays en adressant, il en fallait, ces mots à l’endroit de William Damseaux lors de ses vœux de nouvel an aux membres de la Fec, le 28 janvier 2013 : «(…) C’est le moment maintenant pour moi de rendre hommage, mais alors un hommage vibrant, à l’homme qui symbolise à lui tout seul la Fec, la réussite dans les affaires dans le respect de l’éthique, et une contribution exemplaire au développement du pays. Cet homme qui est à la Fec depuis sa création en 1960, cet homme pour qui la RDC est son seul et vrai pays, cet homme qui a mérité 100 fois sa nationalité congolaise, cet homme qui a gardé la Fec debout au moment de la turbulence de l’arrivée de l’Afdl à Kinshasa, cet homme que je vous demande d’applaudir debout, mesdames, messieurs, cet homme, c’est William Damseaux, dirigeant de l’Orgaman. William, comme nous avons eu à te le dire, tu ne quitteras jamais le Comité de Direction et le Conseil d’Administration de la Fec tant que Dieu te gardera en vie. La RDC et la Fec ont besoin d’un modèle comme toi devant eux ».
Les impératifs d’ouverture au monde, l’apport considérable des « étrangers » (individus comme organismes internationaux) à notre économie ainsi que leur appui à nos institutions tant publiques que privées – particulièrement les douze dernières années – nous obligent à ce devoir de gratitude et devraient également nous appeler à tempérer notre « nationalisme » et, même, à bannir ce mot du vocabulaire politique congolais. Son archaïsme et sa dangerosité nous y obligent par ailleurs. Patriotisme oui, nationalisme non. Parce que le premier prône une conception moderne et citoyenne de la communauté politique (l’Etat), laquelle entretient des relations strictement juridiques (droits et devoirs) avec ses membres, tandis que le second a, lui, une conception hitlero-maurrassienne et passéiste de l’Etat faisant référence à la nation en termes de la race, de l’ethnie, de la religion, des « origines », de l’histoire,… D’où son rejet par les partis et les acteurs politiques démocrates, particulièrement en Occident où, depuis les monstruosités produites (notamment le génocide des Juifs) par l’idéologie du parti national-socialiste du IIIème Reich, on regarde avec des yeux écarquillés toute personne qui se dit « nationaliste ». Mais en RDC, on continue curieusement et fièrement à se prévaloir de ce nom !
Etre Congolais « d’origine » ne veut plus rien dire en ce 21ème siècle. Il y a dès lors lieu d’extirper cet ethnicisme anachronique de la loi congolaise sur la nationalité. Car si l’on accepte qu’il y ait des Belges, des Français, des Américains, des Anglais, des Canadiens d’origine congolaise, il faut bien que l’on accepte – question de cohérence – qu’il y ait aussi des Congolais d’origines belge, française, américaine, anglaise, canadienne, angolaise, soudanaise, rwandaise, etc. Et qu’ils jouissent des mêmes droits – de tous les droits, sans exception – que tous les autres Congolais. Et que tous, bien sûr, ne se mettent pas à servir les intérêts d’autres pays au détriment de ceux de la RDC. La traîtrise d’un citoyen se constate sur base des faits et non pas sur base des a priori portant sur son origine géographique ou de naissance. Les nations modernes et civilisées se veulent intégrantes et protectrices, et non discriminantes. Reposons les questions : les Congolais « non originaires » seraient-ils tous de potentiels traîtres à la nation ? Les Congolais « d’origine » n’ont-ils jamais trahi le Congo ? Ont-ils toujours fait du bien à leur pays et à leurs compatriotes ?
Wina LOKONDO