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-Amadou Sy est chercheur principal à la Brookings Institution, à Washington. Ancien du FMI, il a écrit sur les perspectives macroéconomiques de l’Afrique et des marchés émergeants. A la Brookings, il coordonne le projet de recherche intitulé « Africa Growth Initiative » et a publié des articles consacrés aux enjeux du prochain sommet Etats-Unis / Afrique. Interview.
Du 4 au 6 août, le président américain accueille à Washington le « US-Africa Leaders Summit » (Sommet Etats-Unis/Afrique). Pourquoi cette rencontre est importante ?
C’est un sommet historique. Pour la première fois dans leur histoire, les Etats-Unis reçoivent sur leur sol autant de chefs d’Etat et de gouvernement africains. Quasiment tous les 54 pays du continent ont été conviés à participer à cette rencontre.
On a souvent reproché à Barack Obama d’avoir négligé l’Afrique pendant son premier mandat et d’avoir fait moins bien que ses prédécesseurs s’agissant des relations entre l’Afrique et les Etats-Unis. Clinton comme Bush sont crédités d’avoir fait avancer l’agenda commun en mettant en place notamment l’African Growth and Opportunity Act [l’Agoa, la loi qui facilite l’accès des pays africains au marché américain, entrée en vigueur sous le mandat de Clinton, ndlr] et le PEPFAR [le plan mis en place par l’administration Bush pour financer la lutte contre le sida, ndlr] .
Pourquoi Barack Obama a-t-il attendu son deuxième mandat pour s’intéresser à l’Afrique ?
Il ne faut pas oublier qu’il avait des dossiers très lourds à gérer sur le plan domestique comme sur le plan international. Lorsqu’il est arrivé à la Maison Blanche, l’Amérique était confrontée à une crise financière d’une ampleur telle qu’on n’en avait pas vues depuis la Grande dépression. Sur le plan international, il avait hérité de deux guerres. Il devait ramener à la maison les soldats américains que Bush avait envoyés combattre en Iraq et en Afghanistan. Obama rattrape son retard aujourd’hui en organisant ce sommet qui propose d’ouvrir un nouveau chapitre dans les relations Afrique/Etats-Unis. On peut dire qu’avec ce rendez-vous, nous changeons de paradigme dans la mesure où les nouvelles initiatives qui seront proposées, notamment dans les domaines du commerce et des infrastructures, sortent du cadre bilatéral et concerneront le continent dans son ensemble.
Est-ce qu’historiquement, l’Afrique a compté pour les décideurs américains ?
C’est pendant la décolonisation que les Américains ont redécouvert l’Afrique. Mais celle-ci a été longtemps perçue à travers des prismes grossissants de l’humanitaire et du sécuritaire. La perception de ce continent comme le haut lieu de toutes les pandémies et de toutes les terreurs a longtemps dissuadé les entrepreneurs américains d’y prendre pied. Mais l’Afrique, c’est aussi un vaste réservoir de matières premières qui a très tôt aiguisé l’appétit des majors pétroliers et miniers américains. Avec la découverte du gaz au Mozambique et du pétrole au Kenya et en Ouganda, on peut s’attendre à un regain d’intérêt pour le continent noir de la part des mastodontes américains d’hydrocarbures et de minéraux. Enfin, le dernier prisme est celui de la compétition avec la Chine qui est en train de changer radicalement la perception américaine de l’Afrique, devenue clairement « une terre d’opportunités » économiques et commerciales.
Diriez-vous que ce sont les percées effectuées par la Chine mais aussi par le Japon et d’autres émergents qui ont poussé les Américains à organiser ce sommet des chefs d’Etat ?
La concurrence grandissante en Afrique avec des anciennes puissances coloniales d’une part
et d’autre part avec des puissances nouvelles a certes été l’un des facteurs qui poussent aujourd’hui l’administration américaine à reconsidérer ses positions à l’égard du continent noir. Mais ceci n’a pas été le seul facteur. Il y a aussi le développement économique spectaculaire de l’Afrique au cours des dernières décennies qui font de ce continent l’une des régions les plus dynamiques du monde avec une croissance moyenne annuelle dépassant 5 %. Le temps de l’Afrique est venu. Toutes les études le montrent.
Les Etats-Unis ne veulent pas rater ce grand marché en émergence. Il y a de formidables opportunités d’affaires pour les entrepreneurs américains dont les investissements actuels en Afrique représentent à peine 0,7 % du total des capitaux américains investis dans le monde. Le sommet de Washington servira à mettre tout cela en perspective et à fixer les priorités et cela en collaboration avec les leaders et les décideurs africains. C’est cela aussi l’une des nouveautés de cette rencontre au sommet qui sera, aux dires des conseillers africanistes de Barack Obama, une occasion pour élaborer une stratégie, pas « pour » l’Afrique, mais « ensemble » avec l’Afrique.
Vous êtes Sénégalais, vous connaissez les leaders africains. Qu’attendent-ils de ce sommet ?
La philosophie américaine a toujours été : « No aid, more trade ». Pas d’aide, plus de commerce. Aussi, personne ne s’attend à ce que le sommet se termine par une distribution de chèques, comme cela se passe d’habitude à Pékin ou à Tokyo, à l’occasion des raouts similaires. Les leaders africains s’attendent surtout à ce que Barack Obama donne une nouvelle impulsion aux relations entre
l’Amérique et l’Afrique afin que la rencontre de Washington puisse déboucher sur plus de commerce et d’investissements, plus de présence du secteur privé américain à travers des initiatives telles que « Power Africa » et « Trade Africa » que l’administration veut lancer. La société civile africaine s’attend, pour sa part, à ce que le gouvernement américain redise à cette occasion son soutien aux idéaux de la bonne gouvernance, de la transparence et du respect des droits de l’homme. Et last but not least, la jeunesse. En recevant à Washington, une semaine avant l’arrivée des chefs d’Etat, 500 jeunes entrepreneurs africains, Obama leur a dit combien il comptait sur la jeunesse africaine pour bâtir cette Afrique « forte et autonome » qu’il appelle de tous ses voeux. Ce message touchera à mon avis tous les jeunes Africains et pas seulement les 500 rassemblés à Washington.
Parmi les différents événements auxquels les chefs d’Etat participeront à Washington, quel est celui qui aura, selon vous, le plus d’impact sur les relations américano-africaines ?
Indéniablement, le « Business Forum » ou le Forum d’affaires organisé conjointement par le département du Commerce et les Bloomberg Philanthropies que dirige l’ancien maire de New York Michael Bloomberg. Ce forum réunira les chefs d’Etats africains, leurs délégations et des cadres d’entreprises américaines spécialisées dans des domaines aussi divers que la finance et les investissements, l’infrastructure, l’énergie, l’agriculture, les biens de consommation, les technologies de l’information, etc. Penny Pritzker, la secrétaire chargée du Commerce, s’est rendue régulièrement en Afrique et connaît bien le marché africain où, selon elle, de nouvelles opportunités d’affaires sont apparues avec l’émergence, à travers le continent, d’une classe moyenne solide et avide de consommer. Le succès de la téléphonie mobile au cours des dernières années illustre bien le dynamisme de ce marché en expansion. Il n’en reste pas moins que beaucoup d’entrepreneurs américains continuent de voir l’Afrique seulement sous le prisme de la mauvaise gouvernance, de la corruption et de la lourdeur bureaucratique. Le face-à-face avec les chefs d’Etat leur permettra de poser des questions, de clarifier leurs doutes, tout en prenant la mesure des changements intervenus dans les mentalités. Selon ses organisateurs, ce forum veut être un outil de coopération entre le secteur privé américain et ses interlocuteurs outre-Atlantique.
Malgré toutes ces bonnes intentions, l’administration Obama fait l’objet de nombreuses critiques. On lui reproche d’organiser le sommet en août alors que tout le monde est en vacances. Qu’il n’y ait pas de rencontre en tête-à-tête entre les chefs d’Etat et le président Obama pose problème. Qu’en pensez-vous ?
C’est faux de dire qu’il n’y aura personne. Les parlementaires qui ont été chargés de recevoir les invités africains et qui suivent les dossiers africains, seront bel et bien là. Et parmi les parlementaires mobilisés, il n’y a pas que des démocrates. Il y a aussi des républicains. Aux Etats-Unis, il existe, et c’est important de le noter, un véritable consensus autour du dossier africain. Les sénateurs républicains, tout comme leurs homologues démocrates, ont écourté leurs vacances pour recevoir les participants au sommet africain. Quant à la question de la rencontre en tête-à-tête d’Obama avec les chefs d’Etat, c’est effectivement problématique, mais le président Obama a déjà rencontré un certain nombre d’entre eux soit à Washington ou pendant sa tournée en Afrique en 2013.
On a aussi reproché à l’administration de porter préjudice aux intérêts américains en n’invitant pas les trois pays – le Zimbabwe, le Soudan et l’Erythrée – où les règles de la démocratie ne sont pas respectées. Les critiques rappellent que la Chine ne fait pas ce genre de distinctions.
Elle en fait d’autres. Par exemple, la Chine a coupé les ponts avec les pays qui entretiennent des relations avec Taïpei.
RFI